Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Nous les avons tant aimés : Gérard Hausser

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Par inter
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Gérard Hausser
Gérard Hausser en août 2014 © mediasoc

Après l'évocation des événements majeurs qui se sont déroulés à la Meinau (dans la brochure de la FSRCS), nous voulions prolonger la mise en valeur du patrimoine dans une nouvelle série hommage à ceux qui, de près ou de loin, ont fait l'histoire du RCS.

Nous avons débuté avec Gérard Hausser qui nous a gentiment reçu voici quelques semaines à Strasbourg à son stammtisch.

Vous avez 72 ans, vous êtes né à Strasbourg en 1941. Parlez-nous de vos premières étapes dans le football.

J’avais une tante qui habitait au Neudorf et tous les mercredis après-midi, on se retrouvait au fameux Schluthfeld (le Schluthfeld désignait l'extrémité de ce qui est actuellement la rue de Saint Dié ou Schluthfeldstross où se trouve la plaque commémorative réalisée par La Fédération des Supporters du RCS n.d.l.r.), d'où tous les grands footballeurs sont sortis, en commençant par Gilbert Gress, les Roland Merschel, Raymond Stieber, Hubert Hausser, Paco Mateo et c'est à partir de là qu'est née notre vocation de footballeur qui nous a amenés au Racing. Nous jouions devant l'ancienne douane (les parents de Gérard et Hubert Hausser habitaient Rue des Tonneliers n.d.l.r.) où il y avait un parking. Les gens savaient qu'il y avait une bande de jeunes et qu'il ne fallait pas se garer à certains emplacements. C'était notre terrain de jeu en plein centre ville.

J’ai débuté au club à l'âge de 8 ans. Ma grand-mère a pris l'initiative de m'inscrire à l'école de football du Racing Club de Strasbourg. Il y avait un encadrement, un suivi qui m'ont permis de grandir avec des joueurs comme Robert Wurtz, Gilbert Gress pour ne citer que ceux qui ont pris de l'importance dans le football. Jusqu'à 25 ans, nous avons joué ensemble avec Gilbert Gress, dans les équipes de jeunes puis professionnelles.

Vous avez fait toutes les catégories de jeunes : à 18 ans, vous étiez stagiaire et en 1959 on vous a proposé un contrat professionnel.

Le début de ma carrière a été marqué par plusieurs personnes : Paco Mateo qui a inculqué cet amour du ballon, Edmond Haan qui est venu à l’âge de 17 ans pour me dire qu'il avait besoin d'un ailier gauche chez les amateurs, les fameux « cigogneaux ». Je n'avais jamais joué à l'aile, jamais attaquant, j’étais un milieu de terrain. Comme tous les jeunes, j’étais enthousiaste, j’étais prêt à jouer à n'importe quel poste, à partir du moment où je jouais. C'est ainsi que ma carrière a débuté à l’aile gauche.

Vous avez signé avec un certain nombre de vos collègues juniors, Gress, Johnny Schuth… alors que Strasbourg était en Deuxième Division.

C'était d'ailleurs là notre chance car déjà à l'époque le Racing connaissait des problèmes financiers, sportifs. Ils étaient plus ou moins obligés de lancer cette jeune génération dont je faisais partie. On a eu la chance d'être encadré par des anciens, François Remetter, Edmond Haan, René Hauss, Louis Schweitzer. Nous avons saisi notre chance.

Gérard Hausser, les débuts, Paul Frantz, Barcelone


La saison 1966-1967 avec l'élimination en Coupes des Coupes au deuxième tour face au Slavia Sofia (fiche) termine votre premier passage au Racing.
En 1967, vous suivez Gilbert Gress, à distance puisque lui jouait déjà depuis un an à Stuttgart, en Allemagne, à Karlsruhe. Vous n'êtes pas très loquace sur cette expérience.


N'ayons pas peur des mots : c’est une expérience malheureuse. Cela me rappelle la Coupe du Monde de 1966 avec l'équipe de France, on avait des noms pour faire beaucoup mieux. A Karlsruhe, il y avait sur le papier des joueurs comme Djadjic, les Müller, Hermann. On a connu cinq entraineurs dont Paul Frantz qui m'a cherché à l'époque et est parti au bout de deux mois. Il faut savoir que Paul Frantz continuait à enseigner au CREPS à Strasbourg et venait tous les jours de Strasbourg à Karlsruhe pendant que Gawliczek (2ème entraîneur n.d.l.r.) était sur place et manœuvrait par derrière. C’est une expérience qui pour moi s'est aussi terminée au bout de deux mois. Je n' avais plus mon mentor. Le Président de Karlsruhe était un avocat, il me connaissait par cœur car il venait régulièrement me voir jouer, c’est lui qui m'a recruté et quand je suis arrivé il a été démis de sa fonction. J'étais l'homme du Président qui a été désavoué. J’ai en plus eu le malheur de me blesser très rapidement. C’était plus compliqué pour moi de réussir.

Gérard Hausser, le passage à Metz


Vous êtes revenu au Racing, plus précisément au RPSM, en Deuxième Division au cours de la saison 1971-1972, sous la direction de Paul Frantz (directeur sportif) et Casimir Novotarski (entraîneur). Plus tard, un tandem Novotarski-Domergue se constitue en 1973-1974, couple qui n'était pas forcément fait pour s'entendre.

Novotarski était chapeauté par mon « pote » Robert Domergue. Cela m'a rappelé ma période de Karlsruhe. Je peux le dire maintenant: j’ai arrêté ma carrière à cause de Domergue. Après Hendrikus Hollink est venu. J’avais un poste que se libérait chez Adidas, donc je suis entré à Adidas. Hollink est venu me voir en me disant de rester encore un an ou deux. J’avais 33 ans. Je lui ai dit : « oui je viens mais à une condition, que ce Monsieur ne fasse plus partie du staff ». Il est quand même resté et au bout d'un certain temps, Hollink et Domergue se prenaient le chou. Je l'ai connu en 1966 à la Coupe du monde : Henri Guérin était le sélectionneur ; Jasseron, l'entraineur de Lyon qui était porteur du « catenaccio » ; Domergue c'était la ligne ; Guérin passait ses journées à faire entendre raison aux deux entraîneurs qu'on fasse un mélange entre le catenaccio et la défense en ligne. (voir l’article de strohteam sur Domergue)

Gérard Hausser international


Arrive la phase finale de la Coupe de Monde en Angleterre.

Lucien Muller, titulaire au Real de Madrid, avait des problèmes avec Domergue. Domergue voulait instaurer un jeu à une touche de balle et au Real on ne jouait pas à une touche de balle. Pour lui il fallait d'abord être maître du ballon avant de déclencher le mouvement. Muller était prêt à faire ses valises, il ne jouait aucun match. Jacques Georges, le directeur sportif, lui a demandé de rester et a étouffé l'affaire auprès des médias. Il est finalement resté jusqu'au bout... Il a fait les plus grands clubs d'Espagne et on n'a pas tenu compte de son savoir faire, de son aura…

Finalement le Racing a raté un alsacien !

Un de plus je dirais !

Vous avez gardé un sentiment de gâchis pour cette équipe de France.

Oui, pour des problèmes de tactique et de personnes. Comment peut-on amener deux entraîneurs de conceptions différentes, c’est impensable ! Il faut une ligne de conduite.

Mais il y avait aussi des joueurs de conceptions tactiques différentes ?

Budzinski, Djorkaeff, Chorda, c'étaient de bons défenseurs « catenaccio ». Bosquier jouait la ligne.
Mais c'était une équipe d'enfer : les Artelesa, en attaque Gondet, Combin, au milieu de terrain Bonnel, Herbin, Aubour dans les buts...

Vous avez disputé votre match d'adieu au Racing Club de Strasbourg et au monde professionnel en jouant contre le Brésil le 30 mai 1974 (fiche). Cela a dû être un grand moment d'émotion.

Oui et non. J'avais déjà commencé à travailler à mi-temps pour la société Adidas-Coq sportif. Comme Domergue était encore le responsable du club, je ne voulais pas jouer. Philippe Fass (qui avait repris les rênes du club après la démission de Wenger à la suite de la grève des joueurs dont Gérard Hausser était le capitaine), avec lequel j'avais d'excellentes relations, m'a téléphoné : « Gérard il faut que tu joues, fais le pour moi ».

Quelle était la motivation de cette grève ?

C'était le fameux contrat à temps : à 17 ans et demi, vous signiez un contrat professionnel et vous étiez lié jusqu'à 35 ans au club. Lorsqu'un président de club allait voir un banquier pour demander de l'argent et si celui-ci demandait ce que vous aviez en contre-partie : il disait Gilbert Gress, Gérard Hausser, Farias, cela vaut tant et tant… Le banquier ne prenait aucun risque ; il vous prêtait l'argent et le club pouvait vivre. Il y avait un capital. Aujourd’hui il n’y a plus de capital.
C'est notre génération qui a mis en place le contrat à temps. Aujourd’hui vous signez pour x années puis vous êtes libres.

Vous continuez le football à Vauban

Gérard Hausser, les années Vauban


Il faut que je vous raconte une anecdote à propos d'Auxerre et de Guy Roux.
M. Stahl disait que les équipes que l'on rencontrait en phase finale de championnat de France, il fallait les superviser. On jouait la réserve d'Auxerre. On se déplace, il y avait Raymond Kaelbel, Yvon Riehl ancien président de la commission senior et moi-même. On va à Auxerre incognito, on ne se présente pas. On part analyser chacun de son côté dans les tribunes. On prend nos billets et qui vient à notre rencontre ? Guy Roux ! Nous n'avions jamais vu ce Monsieur et il nous dit « bonjour M. Kaelbel », « bonjour Gérard Hausser », il savait tout. Et il y a à ce moment là un monsieur qui lui demande : « Monsieur Guy Roux, les saucisses, on les vend combien ? » Il s'occupait de tout ! Il a fait annoncer au micro notre venue dans la tribune d'honneur !

Avec la passion qui vous anime on ne peut pas imaginer que vous ayez coupé complètement avec le football. On ne va pas revenir sur le passé mais quel regard vous jetez sur le Racing actuel ?

Cela me donne une forte sensation de gâchis. Quand je vois ces supporters derrière le club, c'est phénoménal. J’ai des amis parisiens ou dans la Creuse qui me disent « mais 10000 personnes pour un match de CFA ou de National pour ne pas descendre, c'est phénoménal ! » Il y a vraiment un engouement. Il faut un patron, qui sache taper sur la table, mettre les choses en place, chacun dans son domaine ; c'était le cas avec Monsieur Stahl. Marc Keller a beaucoup de mérite.
Je n'ai pas de relation avec les dirigeants, la seule chose c'est qu'il vient de temps en temps au stammtisch et discute 5 minutes. Il a proposé un Club des anciens pour créer une certaine amitié entre les générations ; cela ne s'est pas encore mis en place.
Je ne vais pas au Racing. Cela me fait trop mal au cœur de voir le Racing à ce niveau-là et j'ai mes petits enfants qui ne jouent pas au football mais au tennis.

Merci à Gérard Hausser pour son accueil.

inter

Commentaires (4)

Flux RSS 4 messages · Premier message par echouafni · Dernier message par jpdarky

  • Superbe entretien. Bravo à @inter. Très intéressant. On attend les autres à suivre.
  • Excellent boulot les gars,on passe un bon moment,danke,et je crois savoir qui c le prochain :)-
  • A l'image de l'apport d'@inter au stub : ordonné et intéressant!
    Les questions sont tops :)
  • Tres bonne inerview Inter, sincerement c'est tres interessant.

    Cependant, il y a un truc que je ne suis pas sur d'avoir saisi, parceque c'est evoque furtivement : Hausser kiffe grave Domergue c'est ca hein ? Je pense que tu aurais pu poser la question, parceque ce n'est pas tres clair.

    Blourg

    JPDarky

    PS : si cela ne devait pas en rester la, je tiens les coordonnees de mon Conseil, Maître Koubbi du barreau de Paris (Ville Lumiere) a ta disposition. Il s'occupe de mes affaires depuis le deces de Maître Vergès. O tempora O mores.

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