Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Béziers volé

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Par kitl
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Anthony Sichi, nouveau biterrois © denisub90

Quand on pense à Béziers, ce n'est pas le football qui vient à l'esprit en premier. Raison de plus pour élargir et creuser un peu le sujet...

AS Béziers. Ce nom ne manque pas d’évoquer le rugby de grand-papa, ce sport associant alors les trapus, les gras et les longs, qui ne portaient pas encore de maillots moulants. Le « Grand Béziers » des années 1970-80 phagocytait les Brennus, mené par un Astre scintillant, qui commandait les braves bestiaux Palmié, Saïsset, Estève…

Comme pour d’autres bastions du rugby-cassoulet, le virage du professionnalisme s’acheva dans le fossé pour Béziers et depuis le club rêve chaque nuit du jour de son retour parmi l’élite. Le très ovale stade de la Méditerranée, bâti à l’occasion de la Coupe du monde de rugby 1991 est arrivé un peu tard, le déclin de l’AS Béziers étant déjà bien prononcé. Du temps de leur splendeur, les rugbymen partageaient même l’antique Parc des Sports de Sauclières avec leurs camarades manchots. Un stade figé dans les années 50, du temps où le Tour de France concluait ses étapes sur la piste des vélodromes.

Plongée dans la nostalgie, Béziers l’est assurément. Le souvenir des équipes de France de rugby composée d’une moitié de Biterrois voisine avec l’évocation de la célèbre révolte des vignerons de 1907, qui tacha de rouge les mains de Georges Clemenceau, sans que l’on sache s’il s’agissait de vin ou de sang. Le temps glorieux où la feria animait les allées Paul-Riquet durant tout l’été. Mais aujourd’hui, l’opulence n’est plus de mise et le linge et les paraboles installés sur les balcons du centre-ville servent de bouc-émissaire bien commode.

De l’argent, il y en a eu pour construire ce beau stade de la Méditerranée, ou la médiathèque André-Malraux (tiens, comme à Strasbourg). Mais dans celle de Béziers, cité natale de Jean Moulin, le visiteur est accueilli ainsi : « Entre ici, lecteur, avec ton terrible cortège de livres rendus en retard.»
Autre élément rapprochant nos deux régions, ce côté Hans im Schnokeloch du Sud qui pousse le corps électoral souverain à orchestrer une valse des maires, le plus souvent au bout d’un seul mandat, la recherche de l’homme providentiel balayant l’ensemble du spectre politique, du rouge hier au brun aujourd’hui.

Les rapatriés d’Algérie – comme le Biterrois d’adoption Jean Fernandez, je vous le promets, on parle bientôt de football – contribuèrent à partir de 1962 à rehausser le niveau global du vignoble languedocien, davantage connu pour sa piquette que pour son Pic Saint-Loup. Mais Béziers est restée à l’écart du grand remodelage gaullien du littoral, de la Grande-Motte à Saint-Cyprien : dans le Sud-Hérault, c’est vers Agde que les crédits sont allés et que les touristes ont suivis. A Béziers, le Biterrois. Au Cap d’Adge, la bite est reine.

On l’a vu, le rugby est tout-puissant à Béziers. Il accepte de bonne grâce de prêter son stade à l’autre ASB, le temps que leur ancienne tanière commune de Sauclières, coincée entre l’Orb et le canal du Midi, se refasse une beauté. Car oui, les deux sports se sont partagé Sauclières pendant des décennies, je n’ose pas imaginer l’état du terrain quand l’Orb était en crue.

Fondé en 1911 et négligeable avant-guerre, Béziers se retrouve en deuxième division après la Libération. Le club vient de laisser partir à regret un jeune gardien très prometteur (René Vignal), mais se rattrapera dès 1950 avec Claude Abbes, autre contemporain de François Remetter. C’est d’ailleurs l’Alsacien Curt Keller, venu boucler sa longue carrière dans l’Hérault, qui lança Abbes chez les pros.

L’apogée de la section football de l’Association Sportive de Béziers remonte à la saison 1957-58, passée en Division 1. Le Languedoc était en fête puisque Béziers et Alès remplaçaient le FC Nancy et le RC Strasbourg parmi l’élite. Achevée à la dernière place, cette unique saison en D1 est d’autant plus remarquable que bon nombre d’anciens du Racing étaient venus apporter leur expérience de la première division (plutôt de la descente, diront certain).
L’entraîneur, le légendaire tchèque Josef "Pepi" Humpal avait trouvé refuge dans le Midi en 1955, après avoir été poussé sans ménagement vers la sortie par un RCS désireux de faire revenir son enfant chéri, Oscar Heisserer ; Humpal emporta plusieurs joueurs dans ses bagages (R.Keller, Sesia, Dreyer, Misiaszek).

Mais le gros coup intervint à l’automne 1957, avec l’arrivée du prodigieux Autrichien Ernst Stojaspal, autre enfant de la Mitteleuropa qui régala entre 1954 et 1957 le stade de la Meinau mais ne put enrayer la marche du club vers la D2. Rejoignant les anciens Strasbourgeois Michel Luzi et Saïd Amara, cet inter gauche de grande classe était trop isolé pour permettre à l’AS Béziers de se maintenir, malgré la présence à ses côtés du fantasque Uruguayen Santiago Bessonnart.

Retour à la case D2 pour Béziers, un rang que le club ne quittera qu’à la fin des années 1980, si on excepte deux saisons de CFA. Il partagea même le groupe du RC Strasbourg en 1960-61 puis en 1971-72, croisant la route d’un affamé du but nommé Marc Molitor. Relancés par l’ancien international Joseph Bonnel, originaire de l'Hérault, les Rouges et Bleus peuvent compter à la fin des années 1970 sur un duo d’attaque volant comme un papillon et piquant comme une abeille : les frères Maya. Maya Joseph Yegba et son frère Martin côtoient alors le plus languedocien des footballeurs alsaciens, Jean-Pierre Kern.

La décennie suivante est bien plus tendue : l’AS Béziers attire quelques briscards en fin de carrière (Gérard Janvion, François Bracci, les anciens de l’OL Olio et Nikolic…) mais finit par tomber en 1987. Au moins, Béziers s’affirme dans les années 1980 comme une pépinière d’entraîneurs français à succès, puisque, outre l’enfant du club Jean Fernandez, Frédéric Antonetti et José Pasqualetti y sont passés comme joueurs. En guise de remerciement à cette contribution, la liquidation de la section foot de l’AS Béziers est prononcée en 1990.

Il faut attendre 2007 pour voir le football biterrois renaître de ses cendres : la fusion de trois clubs qui vivotaient donne naissance à l’Avenir Sportif Béziers, dont les initiales s’inscrivent dans la continuité. Dans ses premières années de DH, l’ASB accueille la comète Ludovic Viltard. Champion de CFA 2 en 2010, puis repêché, le club se structure sous l’impulsion du Vosgien Xavier Collin avant de décrocher une montée surprise au printemps dernier, au nez et à la barbe de Grenoble.

Hormis Anthony Sichi, qui manquera le début de saison sur blessure, l’effectif est dénué de joueurs « connus ». Cela n’a pas empêché Béziers de démarrer fort, 3-0 contre Avranches puis 0-0 face au CA Bastia. Statistique insolite, le club a évolué devant 200 personnes lors de la première journée au stade de la Méditerranée et a même battu ce record de confidentialité au très soviétique stade Charles-Ehrmann de Nice, où 50 privilégiés ont assisté au match face au CAB, exilé sur le Continent cette saison. On ignore si un quelconque arrêté municipal de couvre-feu est à l’origine de ces affluences rachitiques.

Acteur d’un football languedocien nostalgique de son illustre passé, où Sète, Alès et même Nîmes ressemblent à des vaisseaux engloutis, l’AS Béziers nouvelle formule tentera de faire bonne figure cette saison en National. S’il ne dispose pas de Gasquet, Heurtel ou Honrubia (talents locaux, mais non footeux) à sa disposition, l’alchimiste Collin s’y connait en matière de miracles.

kitl

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