Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Fournier avec nous

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Par zottel, jpdarky
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© denisub90

Au rythme où vont les choses, il est probable que Laurent Fournier parte bientôt, offert à un grossiste en tondeuse à gazon ou transformé en viande à kebab. Et pourtant, on l'aime bien. Gloire à toi ! Reste au Racing !


J'veux qu'on rie / J'veux qu'on danse / Quand c'est qu'on me mettra dans le trou


On peine à l'expliquer sans encourir le soupçon, mais il y a des hommes qu'on apprécie par-dessus tout dans le football. Pire, l'ignorant croit que ce qui compte pour le supporter ce n'est que le résultat. Ce n'est que partiellement vrai. Certains pensent même que c'est totalement faux. Si l'on prend les entraîneurs, de manière purement subjective et arbitraire - mais néanmoins non négociable - les auteurs ne donneraient pas leur baril de Jacky Duguépéroux contre deux d'Arsène Wenger. Un point c'est tout.

A quoi tient ce sentiment ? Cela fait partie du mystère inhérent au supportariat footballistique non TeleFoot/CFC/L'Equipe-centrique, selon les plus éminents spécialistes (eg.Nick Hornby, André Wilms ou Max Planck). Ce mystère qui fait que l'on peut être attaché à un club malgré ses résultats. Et parfois, les résultats décevants, pathétiques et catastrophiques font même partie, dans un retournement étonnant, des raisons pour lesquelles on peut être attaché à un club. Demandez aux vieux de la vieille de Manchester City ! Certains, ne veulent même plus entendre parler de leur club. Dans une optique post-moderne de l'efficience et de la culture du résultat, c'est évidemment stupide. Mais si nous étions dans cette culture, y aurait-il encore beaucoup de supporters hantant les travées de la Meinau, chantant seuls avec les joueurs et l'entraineur en plein quart de virage au soir d'une victoire amère du 20 mai 2011 qui réduit à 1% nos chances de montées ? Ainsi est faite la vie du supporter strasbourgeois qui se déplace au stade ; un des plus beaux moments de l'ère moderne du Racing coïncide très probablement avec la soirée qui sonne le glas du club. C'est ça aussi le Racing.

Mais revenons à notre sujet : Laurent Fournier. Au panthéon des techniciens mythiques du Racing, une fois comptées les vieilles gloires, le renouveau n'est pas assuré. Il y a eu des candidats, mais trop discrets (François Keller, Alexander Vencel) ou trop vite partis (Ivan Hasek). C'est un désastre. Et Lolo est arrivé là-dedans, presque par hasard, pour une des meilleures surprises de l'ère Carousel, avec Stéphane Noro.

Il ne soulève pas d'enthousiasme excessif au début : son nom circulait depuis longtemps sur les forums, probablement car il est le seul connu à avoir travaillé en National. On lit des choses sur le forum :

Sans vouloir mettre en doute ses compétences, bien que son palmarès d'entraîneur est des plus modestes ou quasiment transparent, fallait-il qu'il soit bien naïf pour se laisser convaincre par les actionnaires londoniens et le "grand" président Plessis pour venir à Strasbourg. (30/09/2010)


Un joueur ordinaire ? Pour Pierre Menès, sûrement


Il a tout de même pour lui une carrière de joueur épatante. Elle est bien connue de ceux qui ont suivi le PSG des années 1990. Il faut rappeler son rôle de l'ombre au milieu d'une myriade d'étoiles qui, sans lui et son travail de sape incessant, n'auraient pu éclabousser le football français des années 1990 de leur classe non frelatée. Imaginons un instant PSG de Raï, Ginola, Lama, Fournier et Roche affronter n'importe quelle équipe championne des trois, quatre dernières saisons dans le championnat des français. Il y aurait des suicides chez nos amis détenteurs des droits TV du championnat actuel. En tous cas, ça ne coûte rien de le dire, puisqu'on ne pourra jamais le prouver.

C'est sûr, Laurent a une moins belle chevelure que Ginola, en revanche, ses dépenses de sèche-cheveux sont beaucoup plus raisonnables. Certes, il aurait probablement eu plus de mal que Raï ou Valdo à intégrer le groupe de Joga Bonito (tm). OK, il aura eu encore moins de sélections que Daniel Bravo, mais franchement, quelqu'un en a quelque chose à secouer de l'Equipe de France ? Oui bon, il était moins technique que Guérin, mais au moins il ne provoquait pas des épidémies de céphalées quand on l'écoutait causer, à cause d'un placement vocal assez audacieux : deux octaves au dessus de tout le monde avec un effet vibrato original causé par une cloison nasale amusante. Non, mais d'accord, ses interviews d'après-match faisaient moins conférence du Collège de France que les interventions millimétrées au pied à coulisse de Le Guen. OK, tout ça d'accord. Mais Laurent Fournier c'était la régularité, l'application, la rigueur, le second rôle idéal. Dans le Bon, la Brute et le Truand, lui c'est Tuco. Le mec aurait pu être Alsacien, on y aurait vu que du feu.

Pour tout Strasbourgeois présent ce soir là, Fournier c'est la volée à la Meinau à la fin de l'été 1992, en tout début de match sur un centre de la Ginole. Ce but était le début d'une grosse déroute choucroutière, la première de cette saison de l'accession qui avait démarré par deux victoires. Les parisiens repartirent avec un beau 4-0 à leur actif, et notre douleur se fit ressentir jusqu'à Blackpool. Ce geste est la preuve que Laurent Fournier, ce n'était pas que des ribambelles de cartons jaunes et un abattage de sidérurgiste est-allemand. N'est-ce pas au plus profond des sombres mines sud-africaines que l'on trouve les diamants les plus purs ? Peut-être, nous n'en savons rien, mais ça fait classe.


Football manager, heu, l'Entraîneur


Puis vient sa carrière d'entraîneur. Nous savons de source sûre que le passage de Laurent Fournier à Paris comme entraîneur a été vécu par les supporterss locaux comme une bouffée d'oxygène entre les sombres ères Vahid Halilhodžic et Guy Lacombe.

Arrivé comme entraîneur de l'équipe réserve, il assure l'intérim après le limogeage du psychopathe bosnien en février 2005. Il assure le maintien à la dernière journée, et continue la saison suivante. Alors que le PSG est troisième, à un point du deuxième, il est licencié par Pierre Jafar Blayau pour résultats insuffisants. Rappelons, pour l'anecdote, que Lacombe, son remplaçant, a réussi à faire terminer le club à la neuvième place.

Une figure à la Dugué donc, dès cette époque, depuis le milieu de terrain appliqué au technicien rigoureux. Ce qui ne prédispose pas à la sympathie du public, l'exemple de Claude Puel à Lyon en témoigne.

Aux yeux de l'Histoire, ce qui le consacre définitivement comme un héros au-delà d'une simple sympathie de surface, c'est sa saison 2010/11. Pour certains, c'est meme l'inutilité de cette saison qui la rend splendide.


Une saison délirante, de la préparation jusqu'au finish


Le patron du vestiaire


L'entraîneur de l'embellie post-Halilhodžic confirme à Strasbourg son ascendant sur les joueurs ; aucun conflit à relever cette saison, du jeune premier jusqu'au capitaine chenu. Une langue simple mais qui porte, et sans doute une certaine admiration inspirée par son parcours de joueur parisien. Ceci dit, l'union du vestiaire avait été accomplie par Jean-Marc Furlan ; ça ne suffit pas forcément pour s'attirer les faveurs du public, et encore moins le succès.

Le père la victoire


Les faits ont montré que Laurent Founier est bien plus que cela.

Et d'abord, pour s'aventurer dans le mesquin domaine de la statistique sportive, c'est une véritable machine à points. Une fois qu'il a eu son équipe en main, après la trêve hivernale, il a permis à son équipe de réaliser un parcours idéal, c'est indiscutable. Et le révisionnisme à base de SMS et mails grotesques de la présidence n'y changeront rien : si Fournier avait eu son effectif dès le départ, nous ne serions pas en train de voir notre club sauter dans le gouffre indicible de la disparition sportive. On pourra objecter que ce n'est que le National, il se trouve que nous étions en National, il était donc l'homme de la situation.

La théorie du chaos


Plus fort encore ; malmené à l'extrême en début de saison, avec les menaces de rétrogradation, l'homologation sans cesse différée de nombreux joueurs (Francisco Donzelot, Julien Outrebon, Tristan M'Bongo, Benjamin Genghini, Yohan Betsch, Marcio, Jocelyn Ahouéya), Fournier reste, ne se plaint guère et se bagarre du mieux qu'il peut avec ses moyens. Le classement est alarmant, pourtant l'équipe serre les rangs et ne s'effondre pas :

https://racingstub.com/graph.php?saison=2010-2011&equipe=20&graph...

Le propos est néanmoins sans ambiguïté :

Je sais qu'il y a des obligations financières, qu'il y a les échéances de la DNCG, mais je sais aussi que l'on ne montera pas avec l'effectif que l'on a (07/07/10)

Dorénavant, je pense que ça ne sert à rien de mentir aux gens : la montée, ce n'est clairement pas pour nous (05/09/2010)

Les conditions de travail sont donc dantesques jusqu'à l'arrivée de Stéphane Noro en décembre. Si la chose tient beaucoup aux habitudes de Jafar Hilali, on reprocherait en plus à Laurent Fournier d'être "l'homme de Plessis", les Londoniens ayant au moment du choix une préférence pour un certain entraîneur allemand - sans doute Peter Zeidler. Il faut dire aussi qu'auprès de nos fabuleux dirigeants, Fournier n'aurait pas le profil de génie de la finance ou du commerce alimentaire de détail.

La disgrâce de Fournier va jusqu'au licenciement, le 22 janvier, et l'on annonce Zeidler dans la foulée. Dès le lendemain, la direction du Racing fait marche arrière. Mais le mal est fait. La presse rapporte que la famille Fournier est rapatriée sur Paris, ce qui n'augure pas au mieux de son avenir en Alsace.

Suite à ce coup de sang de la direction, l'équipe n'a plus perdu un seul match de championnat cette saison, réalisant même une série de six victoires consécutives. On laissera le lecteur épris de théories du chaos y voir une relation de cause à effet.

Dans le kop, avec le public


Par dessus les qualités ci-dessus décrites, déjà suffisantes pour en faire un entraîneur à part entière, il sait s'attacher la faveur du public par une attitude à la fois humble et combative. A l'intérieur du club, il n'hésite pas à braver les délirants oukases présidentielles, tellement légion qu'il serait fastidieux de les énumérer. Rappelons quand même la sortie des joueurs au casino, suite à laquelle Lolo prend publiquement fait et cause pour son groupe. Et les chambres d'hôtel à Amiens, payées pour pallier l'impéritie de la « direction » - peut-on seulement utiliser ce mot pour qualifier la navigation à vue floutée par l'interface d'Outlook et du blackberry ?

Il ose aussi passer des messages directs et clairs, comme lors de cette interview à strastv.com où il se tourne à la fin vers l'objectif, les yeux dans les yeux, sachant que Jafar Hilali, alors pris dans son délire du huis-clos, la regarderait probablement de son fauteuil simili-cuir à Londres ou Genève :

Pour moi le foot sans (spectateurs) c'est la mort, un enterrement, j'espère que vendredi on n'ira pas à un enterrement (17/05/2011)

Au fil de la saison et des vexations administrées aux employés, au staff et aux spectateurs par le Lider Maximo de la finance mondialisée, il entre quasiment en sédition et, par le fait, rallie à sa cause et celle du Racing un public qui a par le passé souvent tourné le dos à son équipe pour moins que ça. L'apothéose émotionnelle de l'after du dernier math à la Meinau, peut-être le dernier de l'histoire de notre club, en est le symbole chatoyant.


Conclusion



Le supporter passe toujours beaucoup de temps à débiner le Gmamdia ou Le Roy du moment. C'est drôle, et ça soulage les footballeurs ratés que nous sommes tous. Mais il ne faut pas s'interdire de saluer la prouesse, le Grand Homme, quand on en tient un. N'est-il pas ?

Or, justement ! A l'heure actuelle, Laurent Fournier est ce qui fait encore ressembler le Racing à un club de foot - et ce à tous les niveaux. Au minimum, le lecteur nous cèdera que c'est l'un des meilleurs entraîneurs du Racing cette année. Mille pensées et paniers garnis pour lui, et surtout - on n'y croit guère, mais essayons toujours - pourvu qu'il reste ! On t'aime.



NDA : Article rédigé avec jpdarky et l'aide capitale de meem

zottel, jpdarky

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