Histoires secrètes

29/03/2006 10:16
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La cryptographie est apparue très tôt avec le développement de l'écriture. Les Romains et les Grecs imaginèrent différentes techniques de communications secrètes...
La cryptologie est la science du secret et regroupe la cryptographie et le déchiffrement. La cryptographie, du grec kruptos « caché » et de graphein « écrire », désigne l'ensemble des méthodes pour rendre secret un message, parmi lesquelles le chiffrement et le code. Le message reste visible mais inintelligible pour la majorité des gens.
Les Romains et les Grecs utilisaient la cryptographie classique (ou à clé secrète) : les méthodes de chiffrement et de déchiffrement se déduisaient facilement l'une de l'autre et exigeaient un accord préalable entre les deux parties pour établir une règle secrète (la clé) de conception des messages. Dès l'Antiquité, les deux grands principes de la cryptographie étaient connus : la transposition, qui revient à bouleverser l'ordre des lettres ou des mots au sein du message, et la substitution, qui consiste à remplacer les lettres ou les mots par d'autres symboles.

Le premier exemple de cryptographie serait celui d'un potier en Mésopotamie au XIVe siècle av. JC qui aurait gravé sa recette secrète en supprimant des consonnes et en modifiant l'orthographe des mots.

La civilisation grecque est la première à livrer les secrets de la cryptographie par l'intermédiaire d'Enée le Tacticien. Dans son ouvrage Poliorcétique (356 av. J.C.) qui présente des conseils pour la défense de positions fortifiées, il consacre un chapitre aux messages secrets.



La scytale lacédémonienne (chiffrement par transposition)

La première utilisation du chiffrement par transposition revient aux Grecs de Lacédémone. L'expéditeur enroulait un ruban de cuir autour d'un bâton, la scytale, sur lequel ils écrivaient le message. Le texte devenait alors inintelligible dès que le ruban était déroulé car les lettres se retrouvaient écrites en désordre sur le ruban. Pour lire le message, le correspondant utilisait un bâton de même diamètre pour rétablir l'ordre des mots.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b2/Skytala%...

En 404 av. J.C. pendant la guerre du Péloponnèse, Lysandre pillait l'Hellespont, alors sous l'autorité de Pharnabaze de Perse. Ce dernier se plaignit auprès des autorités spartiates, qui ordonnèrent à Lysandre de quitter l'Asie par l'envoi d'une scytale. C'est à l'occasion de cet épisode que Plutarque (46-120 apr. J.C.) décrit longuement la scytale dans Vie de Lysandre et son emploi par les Lacédémoniens.




Carré de Polybe (chiffrement par substitution homophonique)

En s'inspirant de deux ingénieurs d'Alexandrie, Kleoxenos et Demokleitos, qui avaient inventé vers 450 av. J.C. un télégraphe à base de torches, Polybe (env. 200-115 av. J.C.) développa vers 150 av. J.C. une méthode de chiffrement par substitution homophonique : le carré de Polybe ou carré de 25. Il s'agit de placer chaque lettre de l'alphabet dans un carré à vingt-cinq cases, numérotées en fonction de la ligne et de la colonne.

"On doit prendre dans l'ordre l'ensemble des lettres de l'alphabet et les diviser en cinq groupes de cinq lettres. Il manquera au dernier une lettre ; mais ce n'est pas gênant pour l'opération." (Pol. X, XLV, 7)

-12345
1JRGWF
2UBHPL
3XMAKQ
4CNTZI
5DSEO


A chaque lettre est donc attribuée une paire de chiffres, d'où le terme de substitution mono alphabétique à représentation multiple. Dès que le correspondant connaît la disposition des lettres dans le carré, il peut facilement déchiffrer ces paires de chiffres en attribuant le premier chiffre à la colonne et le deuxième à la ligne.

Polybe propose une méthode pour transmettre un message codé à l'aide de torches: « Après quoi ceux qui vont se transmettre des signaux de feu doivent les uns et les autres préparer cinq tablettes et inscrire dans l'ordre les lettres de l'un des groupes sur chaque tablette. » (Pol., X, XLV, 8) Le principe consiste à transmettre les coordonnées d'une lettre à l'aide de torches. Par exemple, la lettre « m » sera indiqué en levant deux torches à gauche (colonne) et trois torches à droite (ligne).

Bien que le système de transmission relaté par Polybe reste peu utilisable du fait des contraintes (matériel nécessaire, temps de transmission...), le carré de Polybe est intéressant du point de vue cryptologique : transformation des lettres en chiffres, réduction des symboles utilisés (5 chiffres au lieu des 26 lettres de l'alphabet) et représentation de chaque lettre par 2 symboles.





Code de César (chiffrement par substitution mono alphabétique à représentation simple)

L'histoire de la cryptologie a retenu Jules César (101- 44 av. J.C.) comme le premier à avoir mis en application une méthode de chiffrement par simple décalage pour coder des messages. Il utilisa ce stratagème pendant la guerre des Gaules (-58,-51) pour correspondre avec Rome. Il employa également un deuxième stratagème qui consistait à utiliser l'alphabet grec pour rédiger ses lettres.

Le « chiffre de Jules César » est un algorithme mono alphabétique par substitution très simple : remplacer chaque lettre du texte par la lettre qui se situe n places plus loin dans l'alphabet. ABCD, par exemple, devient DEFG pour n=3 (clé utilisée par César).

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/75/Caesar3....

Trois auteurs anciens nous dévoilent l'existence d'une telle méthode de chiffrement : Suétone (Vie des Douze Césars, LVI, 8), Aulu-Gelle (Les Nuits attiques, XVII, IX, 1-5) et Dion Cassius (Histoire Romaine, XL, IX, 3). Suétone et Dion Cassius exposent la technique de César, alors que Aulu-Gelle, qui semble ignorer la méthode, n'en signale que l'usage. On apprend également que Auguste, le fils adoptif de César employa cette technique avec une clé cryptographique de 1. Le chiffrement de César, bien que fort simple et facilement décodable car il n'offre que 25 codes différents, suffisait donc à cette époque où l'analphabétisme restait répandu. Mais il est probable que cette technique de codage finit par être découverte : César l'abandonna dès que Cicéron, son principal correspondant pendant la guerre des Gaules, changea de camp politique. Cela explique sûrement pourquoi Auguste, tout en conservant ce chiffrement, en changea la clé.

Alors que Jules César ne nous dit rien concernant sa méthode de chiffrement par substitution, il nous informe dans son ouvrage « La Guerre des Gaules » qu'il écrivait des lettres en grec (Graecis litteris). Cicéron, assiégé par les Nerviens, fit parvenir à César de nombreuses lettres pour solliciter de l'aide. César envoya alors à Cicéron un messager gaulois porteur d'une lettre écrite en caractères grecs (César, « La Guerre des Gaules », livre V,48). Pourtant, la confidentialité du message ne semble pas assurée puisque les Gaulois connaissent l'alphabet grec comme l'explique César lui-même en parlant les druides (César, « La Guerre des Gaules », livre VI, 14, 3). Dion Cassius supposait que César appliquait en fait le chiffrement par substitution au texte écrit en alphabet grec.





Dès l'Antiquité, la cryptographie était perçue comme le moyen le plus efficace pour transmettre des messages secrets. A cette époque, la mise en oeuvre des méthodes cryptographiques ne pouvait s'appuyer que sur des moyens techniques simples mais ces techniques, encore peu répandues, restaient efficaces.
Ces dernières, transmises par les historiens, ont même été reprises jusqu'au XXe siècle : le carré de Polybe était utilisé par les nihilistes russes dans les prisons du tsar ainsi que pendant la première guerre mondiale par l'armée allemande, le codage de Jules César quant à lui est encore utilisé pour Internet sous le nom de code ROT13.



Chiffrement : opération de transformation de l'information en message secret qui repose sur les lettres du message.

Clé cryptographique : convention secrète pour la réalisation du chiffrement.

Il existe 4 types de chiffrement par substitution :
  • Substitution mono alphabétique : chaque lettre du message est remplacée par une autre lettre de l'alphabet
  • Substitution poly alphabétique : une suite d'alphabets mono alphabétiques est utilisée périodiquement selon une clé.
  • Substitution homophonique : chaque lettre est remplacée par un ensemble possible d'autres caractères, une paire de chiffre par exemple.
  • Substitution de polygrammes : un groupe de caractères est remplacé par un autre groupe de caractères.

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