Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Certains soirs, même la défaite est dérisoire

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Par filipe
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La passion peut parfois faire oublier l'essentiel. Mais le 20 décembre 1992 à Caen, les joueurs strasbourgeois ont été brusquement confrontés au pire.

Soir de drame

Décembre 1992. En Alsace comme partout en France les esprits se tournent progressivement vers les festivités de fin d'année. D'ailleurs dans tous les petits clubs de la région, les fêtes de Noël se succèdent de week-end en week-end. Quant aux joueurs du Racing, en ce soir du 20 décembre, il ne leur reste qu'une rencontre à disputer avant de pouvoir profiter de la trêve de Noël : et après les larges succès à domicile face à Sochaux (6-1) et Montpellier (3-1), le Racing en pleine confiance compte bien finir l'année en beauté dans le vieux Stade Venoix du SM Caen.
Malheureusement cette soirée normande va finir par tourner au cauchemar, pas vraiment en raison du résultat décevant (défaite 3-0) mais bien à cause de la terrible nouvelle qui attend les joueurs à leur retour au vestiaire.
Pierre Ménès, journaliste à l'Equipe présent sur les lieux raconte : « Max Hild m'avait annoncé la nouvelle avant la rencontre. A la fin du match je vais voir Gilbert Gress et lui dit : "il faut aller l'annoncer à Marc Keller car sinon il va y avoir une gaffe en salle de presse". On est entré dans le vestiaire et là on voit un journaliste planté devant Marc en lui demandant quelle était sa réaction face à cette nouvelle... Je me souviens être allé chercher Marc dans la douche où il était parti s'effondrer. Il y avait aussi Ali Bouafia qui pleurait, Leboeuf et Cobos pleuraient. C'était terrifiant ».


« Un joueur rare »

Les joueurs du Racing apprenaient par l'intermédiaire de ce journaliste indélicat que Frédéric Johansen, joueur de 20 ans du FC Mulhouse, très proche ami de Marc Keller et de quelques autres Strasbourgeois, venait de se tuer dans un accident de la route au retour d'une fête dans un village haut-rhinois. Avertis avant la rencontre, les dirigeants du Racing avaient préféré attendre la fin du match pour annoncer aux joueurs la nouvelle de la disparition de celui qui était alors considéré comme l'un des plus sûrs espoirs du football français.
Bizarrerie du destin, dans son numéro de ce même mois de décembre, le mensuel Onze Mondial consacrait justement une double page au jeune colmarien. On y apprenait notamment que cet international espoir auteur de grandes performances face à la Bulgarie et l'Autriche avait été sollicité par le Matra Paris, l'AJ Auxerre, le FC Nantes ainsi qu'une vingtaine d'autres clubs français avant de se décider à signer au FC Mulhouse, « pour privilégier (sa) région et (sa) famille ». De plus dans ces pages son entraîneur mulhousien Bernard Genghini le décrivit comme « un joueur rare, techniquement très au-dessus de la moyenne et qui me fait penser dans son style à Alain Giresse, mais qui doit encore apprendre la diplomatie avec ses coéquipiers ».
Frédéric Johansen devait d'ailleurs rejoindre l'effectif du Racing pour la saison 1993-1994...

Et à Caen le week-end prochain, plus de quatorze ans après cet accident, Pascal Johansen, son petit frère, portera comme à son habitude le numéro 18 en son souvenir (soit le numéro 10 que portait Frédéric additionné au numéro 8 de Pascal).


La série noire

Et curieusement le Racing paye depuis une vingtaine d'années un tribut particulièrement lourd aux accidents de la route.
La série noire avait commencé en 1988, également pendant la trêve hivernale au cours de laquelle Vincent Sattler trouva la mort, le 22 décembre précisément. Grand espoir alsacien, il était déjà considéré comme le meilleur défenseur du club alors qu'il n'avait que 19 ans. Titulaire en défense centrale aux côtés de Léonard Specht ou de Francis Gillot, il impressionnait par sa maturité, son physique (1,87m et 85 kg), son excellent jeu de tête et son élégance. Heisserer disait d'ailleurs de lui qu'il « aurait fait un formidable stoppeur ».
Formé au milieu des années 80 par Albert Gemmrich en même temps que José Cobos, c'est au retour d'une soirée en compagnie de ce dernier qu'il eut son accident, quelques jours à peine après son dernier match disputé à Lens (1-3).


La disparition du grand frère

Plus récemment, personne n'a oublié la disparition de Fabrice Viau le soir du vendredi 16 janvier 2004. Joueur phare du centre de formation strasbourgeois, présent au club depuis 1998 et considéré comme le grand frère des autres jeunes du Racing, Viau venait de faire ses débuts dans l'équipe professionnelle quelques mois plus tôt à l'occasion de la réception d'Auxerre (1-2).
D'ailleurs le lendemain de sa mort le Racing recevait à la Meinau... Auxerre (0-2) : « quand on nous a annoncé la mauvaise nouvelle samedi matin, on a tous pris un très gros coup derrière la tête. Beaucoup pleuraient dans le vestiaire » a dit quelques temps plus tard JC Devaux. D'ailleurs depuis sa disparition, Devaux, un proche de Fabrice Viau, dispute chaque rencontre avec un maillot à son nom sous son propre maillot. « On a essayé de jouer, d'être dans le match. Mais nous sommes tombés sur l'école de Guy Roux. Ses joueurs défendent et contrent. Et ils ont marqué. Ce but, c'est rien à côté de ce qu'on avait vécu quelques heures auparavant. En tout cas, on a tout donné sur le terrain ».
Un nouvel hommage sera bientôt rendu à celui qui était surnommé "Waddle" en raison de sa coupe de cheveux : la halle couverte d'entraînement du Racing portera bientôt son nom et une plaque y sera apposée, probablement à l'occasion de la réception de Metz le 18 mai prochain.


Et deux anciens strasbourgeois

Enfin deux anciens joueurs du Racing ont également trouvé récemment la mort sur la route. Christophe Niesser tout d'abord, Strasbourgeois de juin 1983 à juin 1988 et qui avait fait ses débuts sous le maillot bleu à l'âge de 17 ans aux côtés de Piasecki, Gemmrich ou encore Carsten Nielsen. Milieu de terrain offensif, fils de Roger Niesser (ancien pro du FC Metz), il décéda sur la route le 25 octobre 1999 près de Nancy, à l'âge de 33 ans.
Egalement disparu à Nancy le 20 février 2002, Philippe Schuth, formé à Strasbourg et gardien de but au Racing entre 1983 et 1987. Lancé dans le grand bain à 18 ans par Jean-Noël Huck contre Laval en mars 1985 à la place de Patrick Ottmann, Schuth fut le titulaire du poste jusqu'à son remplacement par Philippe Flucklinger en octobre 1986.
Petit fils d'Herbert Schuth (gardien à Metz et Valenciennes) et fils de Jean "Johnny" Schuth, gardien lui aussi du Racing (et vainqueur de la Coupe de France 1966 contre Nantes 1-0), il a ensuite quitté Strasbourg pour porter le maillot d'Angers, de Dunkerque, de Lorient, de Toulouse et de Gueugnon, généralement dans le rôle de second gardien.
Arrivé en août 2001 à Nancy comme doublure de Bertrand Laquait, il était devenu titulaire dans les cages du club lorrain où il réalisa quelques grands matchs, comme à Paris en Coupe de Ligue (où il contraint presque à lui seul les Parisiens aux tirs au but) ou à Strasbourg (match nul 2-2). Syndicaliste engagé et figure emblématique de l'UNFP, un match amical opposant un club professionnel et des joueurs au chômage lui rend chaque saison hommage sous le nom de « challenge Philippe Schuth ».

Et à l'instar de la tribune Frédéric-Johansen au stade de l'Ill de Mulhouse ou de la Halle Fabrice-Viau à Strasbourg, l'une des tribunes du stade Marcel-Picot de Nancy s'appelle aujourd'hui Philippe-Schuth.
Sans doute pour souligner que, comme le disait Clemenceau, « les cimetières sont remplis de gens irremplaçables ».

filipe

Commentaires (1)

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  • Ce soir là, lors du match, Leboeuf a commis des boulettes assez inhabituelles pour lui. On apprendra le lendemain qu'il avait été mis au courant juste avant le match du drame, et du coup, n'était évidemment pas dans un état de jouer convenablement.

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