Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Sedan les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes

Note
5.0 / 5 (6 notes)
Date
Catégorie
Avant-match
Lectures
Lu 13.652 fois
Auteur(s)
Par kitl
Commentaires
17 comm.
img-0118.jpg
© mart1

Club historique du football français, connu des anciens pour ses épopées en Coupe de France et des plus jeunes pour son comeback de la fin des années 1990, le CS Sedan-Ardennes renaît une nouvelle fois de ses cendres depuis peu, ayant rallié la troisième division deux ans après avoir été envoyé en CFA 2.

Cité industrieuse nichée dans un méandre de la Meuse, Sedan renvoie à plusieurs souvenirs douloureux pour les plus cocardiers, et c’est le plus naturellement du monde que beaucoup de villes allemandes ont leur « Sedanstraße ». Séparée de la Belgique par la forêt des Ardennes, riche en sangliers et considérée infranchissable par l’état-major des années 1920, la ville de Sedan vaut essentiellement pour son club de football, si l’on s’écarte de ces considérations militaires.

C’est sous le sigle peu évident d’UAST que se fait connaître ce club au milieu des années 1950, un club immédiatement incarné par Louis Dugauguez, qui l’entraîne depuis 1948. UAST pour Union athlétique Sedan-Torcy, du nom d’un quartier de la ville où est situé le stade Emile-Albeau. Sedan grimpe en première division en 1955, s’appuyant sur ceux qui feront son mythe : les « footballeurs-ouvriers ». Il y avait donc à l’époque du football dans les Ardennes, mais aussi des usines. Employés au sein de la manufacture de textile des frères Laurant, bienfaiteurs de l’UAST, les Roszak, Eloy, Max Fulgenzy, Carpentier, Brény ou encore les frères Christian et Célestin Oliver (originaires d’Afrique du Nord) s’entraînent le matin puis filent à l’usine.
La première saison dans l’élite se déroule paisiblement, Sedan se permettant même le luxe d’atteindre la finale de la Coupe de France au printemps 1956. Briller dans cette compétition deviendra une véritable spécialité pour Sedan, qui avait déjà atteint les demi-finales en 1954. A Colombes, les hommes de Dugauguez s’emparent de la Coupe, battant le voisin troyen (3-1), le club de l’Aube portant également un nom oublié de nos jours, l’AS Troyes-Savinienne.

C’est avec un effectif quelque peu renforcé et toujours sous le patronage bienveillant d’un sanglier (Dora ayant succédé à Dudule) que Sedan remporte une deuxième Coupe de France en 1961, face au Nîmes Olympique de Kader Firoud. Un jeune Camerounais nommé Zacharie Noah fait partie du onze ardennais. Noah ne deviendra pas international français, à l’inverse de nombreux Sedanais, qui attirent l’attention du comité de sélection par les prouesses en Coupe de France, mais aussi leur régularité en Division 1. Célestin Oliver suit ainsi du banc l’épopée de Suède en 1958, tandis que se révèlent des éléments comme Maryan Synakowski, le gardien Pierre Bernard ou Roger Lemerre.

Cinquième en 1958 et 1962, l’UA Sedan-Torcy se hisse même à la troisième place en 1963. Louis Dugauguez choisit alors de prendre du recul, afin de le préserver de soucis cardiaques. Devant les difficultés rencontrées par son successeur Jules Vandooren, « Monsieur Louis » reprendra du service en fin de saison pour maintenir le club. Son nouveau bail durera dix ans…
Alors que la génération des pionniers a quitté le club, Sedan parvient à se régénérer : les jeunes Yves Herbet et Yvon Roy, aidés du maître à jouer espagnol Emilio Salaber mènent en 1965 le club à une troisième finale de Coupe en moins de dix ans. Mais la défaite est pour la première fois au rendez-vous, en deux matchs, face au Stade Rennais.

Renommé RC Paris-Sedan en 1966, à l’occasion d’une fusion factice organisée par les instances du football français pour sauver le club de la capitale, Sedan résiste là où son ancien rival rémois n’en finit plus de sombrer. Louis Dugauguez est même appelé au chevet d’une Equipe de France bien malade en 1967 : il ne fit guère de miracle dans un contexte de guéguerres au sommet et de trou générationnel, son mandat s’achevant au bout d’un an à l’issue d’une défaite infamante à Strasbourg, contre les amateurs norvégiens. Comme sélectionneur, Dugauguez eut le mérite de lancer deux garçons qu’on retrouvera plusieurs années plus tard, Roger Lemerre et Aimé Jacquet…

Après deux belles saisons (5ème en 1968-69, 3ème en 1969-70), Sedan se voit porter un coup fatal avec l’instauration du contrat à temps, mesure libératrice pour les joueurs mais préjudiciable pour les clubs modestes. Son besoin d’argent se faisant de plus en plus pressant, et afin de devancer la volonté fédérale de déraciner le club pour le faire jouer au Parc des Princes, s’organise autour de Sedan un vaste mouvement de solidarité à l’intersaison 1970. Les souscriptions proviennent de tout le département et le Conseil général des Ardennes, grand prince, vient à la rescousse de Sedan. La rupture avec le RCPS est consommée, le club s’appellera désormais Club Sportif Sedan Ardennes, avec, déjà, l’ajout du nom du département comme contrepartie à la subvention.
Malgré ce renflouement, les Sangliers souffrent, déplorant les départs mal remplacés de José Broissart, Lemerre, Philippe Levavasseur et le service militaire de Serge Dellamore. Sedan tombe en Division 2, en même temps que le Racing Club de Strasbourg.

Tous deux remonteront directement, Sedan dominant la D2 Nord, tandis que le RCS disposa facilement de concurrents sudistes. Passant de l’Alsace aux Ardennes, Ivica Osim illumina Sedan de sa classe, assisté d’un débutant nommé Mustapha Dahleb, mais en pure perte : Sedan est à nouveau relégué en 1974, et Louis Dugauguez a rendu son tablier en cours de saison.

C’est le début de deux décennies d’errance pour le CSSA, obligé de quémander au milieu des années 1970 une subvention municipale qui n’arrivera pas. Car la crise n’a pas attendu la disparition de Lehman Brothers pour frapper les Ardennes, son textile et sa métallurgie. Même la Coupe de France ne parvient plus à faire vibrer Emile-Albeau, le club naviguant entre D2 et D3. Les quelques jeunes qui percent – Luc Sonor, alors attaquant, mais aussi Alain Polaniok – filent rapidement vers des clubs plus huppés. Pire, Sedan se fait damer le pion au début des années 1990 par le voisin de Charleville.

Il faut attendre le milieu des années 1990 et la reprise du club par Pascal Urano, entrepreneur multicartes, pour voir le retour de Sedan. Bruno Metsu fait remonter le club en D2 en 1998. Patrick Rémy mène son équipe de revanchards en D1 dès la saison suivante, une promotion assortie, clin d’œil du destin, d’une finale de Coupe de France. Equipe mythique (Nicolas Sachy, Hippolyte Dangbeto, Luis Satorra, Bruno Pabois, Olivier Quint, Pierre Deblock, Cédric Mionnet, Alex Di Rocco, Pius N’Diefi…) mal récompensée au Stade de France, du temps où le FC Nantes terrassait les petits clubs par un penalty généreux en fin de match.

Septième pour sa première saison, Sedan fera encore mieux sous les ordres d’Alex Dupont : le nouveau stade Louis-Dugauguez, construit en bordure de l’antique Emile-Albeau, vibre lors d’un succès retentissant face au PSG (5-1). Proche d’être champion d’automne, le CSSA bouclera finalement la saison à la cinquième place, muni un ticket pour la C3.
Eliminés – comme le Racing – dès le premier tour par les Tchèques de Pribram, les Sangliers mettent du temps à redécoller et, sans doute précipitamment, Pascal Urano remplace Dupont par Henri Stambouli. Pour l’équipe orpheline de Quint et Deblock (qui se planteront à Nantes et Auxerre), la saison est difficile mais les jeunes Stéphane Noro et Henri Camara font bonne figure. Le couperet tombe finalement en 2002-03, à l’issue d’une saison marquée par un nouveau changement d’entraîneur peu clairvoyant, Dominique Bathenay échouant dans sa mission maintien.

Un relatif renouveau arrive en D2, sous l’impulsion de Serge Romano. Sedan retrouve une finale de Coupe en 2005 (ce but de Noro !), perdue contre Auxerre en fin de match, puis remonte en 2006. L’expérience est de courte durée, pour les Ducourtioux, Belhadj, Pujol, Amalfitano et Maurice-Belay, qui ne comptent que deux succès à la trêve. Redescendu illico, le club truste les premières places mais échoue invariablement dans l’emballage final : le scénario se répète en 2007-08 et 2011-12. Le président Urano, las d’investir à perte ses deniers personnels, accélère à l’été 2012 un plan d’austérité déjà bien engagé : exit le milieu Le Moigne-Valdivia-Stanislas Oliveira. Les derniers « joyaux » – Wesley Lautoa, Kassim Abdallah, Florentin Pogba – trouvent preneurs en Ligue 1 et le vétéran Ulrich Ramé se retrouve gardien de halte-garderie.

Ce deuxième passage du maudit Habib Bellaïd dans les Ardennes se conclut comme prévu par une relégation sportive en National, descente aux enfers prolongée administrativement après dépôt de bilan. A noter que la dernière confrontation entre Strasbourg et Sedan remonte à cette saison-là, en Coupe de France.

Repris par les frères Dubois, dont on fait des héros, en attendant d’hypothétiques fonds saoudiens, Sedan s’est extirpé lui aussi en deux saisons de la fange du CFA. Les hommes de Farid Fouzari – un profil à la François Keller – furent soutenus par un bon noyau de supporters (2676 spectateurs de moyenne en CFA 2 puis 3820 en CFA), et malgré l’enthousiasme retrouvé du peuple sanglier, il faudra sans doute patienter pour voir le CSSA retrouver une compétitivité sportive.

Rythmée par les descentes à Paris de milliers d’Ardennais et les grognements de la mascotte, imprégnée du contexte industriel du football « d’avant », l’histoire du CS Sedan Ardennes est riche de ces petits miracles pouvant pousser une petite ville de 20 000 habitants à compter dans le paysage footballistique français.

kitl

Commentaires (17)

Flux RSS 17 messages · Premier message par domarchivsas · Dernier message par Provençal 04

  • kitl égal à lui même,c'est à dire ....parfait.

    Un historique complet du club Ardennais.
    Même Dudule et Dora sont cités!

    (+)
  • Excellent article ! Manque la référence à Obélix.
  • La fusion RC Paris - Sedan n'a d'égale que celle entre le Red Star et Toulouse un peu plus tard... Il me semble que le club jouait en alternance à paris et à Sedan à l'époque.
  • @kitl tjrs aussi clair donc sobre, rigoureux donc documenté et régulier dans l'effort.
  • Excellent article, même sur le forum des Sedannais ils sont bluffés.
  • Merci beaucoup pour cet article. Sedanais de pur souches. Je trouve ça exemplaire. Beaucoup devrait prendre exemple. En attendant à samedi :D dans une ambiance de folie
  • (+)
    Autant la fusion Sedan Paris m'a surpris, autant celle que @strohteam m'a encore plus surpris quand même incroyable ce football d'avant...
  • Ben voilà un vrais journaliste avec de la verve et de la plume
  • Excellent , quel boulot bravo ...(+)
  • Bel article qui m'a apporté des infos que j'ignorais, en tant qu'ardennais d'adoption depuis 8 ans (et oui ça existe !). Par contre un gros oubli et silence sur la presidence de Francis ROUMY et quelques belles années du CSSA me semble-t-il. Donc oubli réparé. Bonne soirée à tous.
  • Vraiment complet, ça fait plaisir à lire
    Merci, et pour samedi, un seul, vainqueur l'ambiance dans les tribunes.
    Biensur avec une victoire sedanaise:) mais ça va etre tres dur quand même avec le groupe que vous avez, ce n'est pas possible que vous restiez à ce niveau, d'ailleurs vous n'avez rien à y faire ici.
    Bon match et à samedi
  • Je dit tout simplement magnifique bravo pour ce belle article qui décrit bien notre club superbe travaille et merci a vous .
    Personellement je me rapelle d'un certain teddy bertin que j'aprecier beaucoup dans votre club et plus recemment Gameiro ou luyindula aussi
  • Etant Ardennais pur beurre,j ai 51ans et quand on découvre un article comme celui là,on ne peut que dire merci à l 'auteur qui dans ce récit réalise un sans faute.Enfin voir les Ardennes sous un aspect réaliste,c ' est rare car Sedan souvent vu comme des agriculteurs,lu sur une banderole à Reims lors de la derniére remontée en ligue 1 ou en finale au stade de france contre Nantes (France profonde).Merci à ce MONSIEUR et bien venu à vous samedi ,supporters et amis strasbourgeois ,vous qui habitez une magnifique région ou nous nous rendons dés que l ' occasion se présente.Une remontéee en ligue 2 cette année et tout le mal que l ' on peut vous souhaiter.Allez sedan ,Allez stasbourg dans un vrai stade.
  • Merci à ce généreux écrivain
    Ton article est plein de précisions et de rondeur vis à vis du peuple ardennais et nous t en remercions car nous sommes souvent l objet d une image qui n est pas la notre.
    Même si nos pays sont bien différents, notre histoire est parfois commune avec une occupation de notre département complet pendant plusieurs années (1870-1914-1940)
    Une météo sont évolutives
  • Avez-vous le souvenir du joueur Antoine BARROSO, originaire d'Oran, qui joua à sedans dans les années 1940-1950?
    Je suis son fils.
    Merci!
    Jean-Marc Barroso
  • Désolé pour l'orthographe: il s'agissait bien de SEDAN!
  • Merci pour ce rappel
    j'ai connu Sedan de 1960 à 1964 (+OU-)
    mon oncle était bénévole depuis très longtemps
    à l'UAST
    buvette à gauche ..face à la grande tribune ,
    amicalement

Commenter


Connectés

Voir toute la liste


Stammtisch
  • raukoras Et vivement qu'il parle mieux, ça lui permetra de s'éloigner des EDL façon bingo-MK
  • raukoras Oui, c'est très bien qu'il fasse des efforts pour parler français, on voit bien que ce n'est pas facile pour lui
  • athor Il fait des efforts en français, c'est bien
  • sigur 2 minutes à écouter Emegha en conf. Déjà mythique.
  • pliughe Bonne nuit
  • takl bonne nuit
  • takl 2024 devrait accoucher d'un 2025 appaisé et empathique. Tout va bien se passer, le Racing sera en L1, paix amour liberté et fleurs.
  • takl futur antérieur : [lien]
  • takl mais bon on a pas le droit de les exterminer. Y'en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.
  • takl le monde serait mieux sans "les gens"
  • takl les gens tu leur donne une pelle ils creusent avec le manche
  • pliughe Pff si les gens creusé un peu plus ça nous éviterait de polluer
  • takl BO de la saison : [lien]
  • takl il manque plein de choses dans la dernière phrase, dont des mots, la honte.
  • takl allez dédicace à tous ceux qui ont eu la "cahnce" de mourir avant vu la Racing BlueCo [lien]
  • pliughe Mais oui
  • takl Excellent les Young Gods
  • pliughe L'octogone
  • pliughe [lien]
  • pliughe Et pour le fun, genre yen a dans locomoteur et puis l'entraînement

Mode fenêtre Archives