Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : hiver 1985-86

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Souvenir/anecdote
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Par kitl
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Le Bulgare Andrzej Jeliaskov

Après plusieurs années d’immobilisation, la machine à remonter le temps est de retour. Il y a trente ans, le Racing se battait désespérément pour conserver sa place dans l’élite. Dans ce contexte morose, Francis Piasecki s’efforce de garder la foi.

L’année 1986 s’ouvre dans un climat de résignation sur les bords du Krimmeri. Le RC Strasbourg est dernier à la trêve, pas encore irrémédiablement lâché mais c’est tout comme. Coupe du monde au Mexique oblige, le calendrier de première division a été avancé : 25 journées ont déjà été disputées, et le Racing compte la pire attaque et la moins bonne défense du championnat.
Ce début de saison fragilise Jean-Noël Huck, arrivé en mars 1985 au chevet d’un Racing relégable qu’il parvint à sauver. A l’heure où Strasbourg débute une neuvième saison consécutive en D1, le natif de Mutzig disposait pourtant d’un effectif, pensait-on, avantageusement renforcé (arrivée de Brisson, Larios, Barraja, Jeliaskov, peu de départs notables en dehors du décevant Gérard Soler).
Les blessures et sautes de forme des uns et des autres ont contraint Huck à aligner un nombre considérable de jeunes joueurs, eux-mêmes rapidement surmenés. Le calvaire prend forme : entre la fin août et la fin décembre, une seule victoire viendra récompenser les Alsaciens (1-0 contre le Nancy d’Arsène Wenger) !

Dans un contexte de « trouble » entre l’Elysée et Matignon, à l’occasion de la visite du général Jaruzelski début décembre 1985, le Racing n’a en outre pas fait l’économie d’une révolution de palais. Désireux de se concentrer sur les futures échéances électorales de 1986, André Bord choisit en effet de démissionner de la présidence de la section professionnelle, conservant la tête de l’omnisports. Il a confié une "délégation de pouvoir" à Jean Willaume, président de la section handball du RCS, membre du comité depuis vingt ans mais totalement étranger aux affaires du football. Au cours de cette réunion du 4 décembre 1985, tenue à l’insu des journalistes, le comité a en outre refusé l’offre de service de Jean-Louis Wehr, chef de l’entreprise éponyme, aux amitiés équivoques, qui convoitait une présidence exécutive que ni Bord, ni les autres membres, n’étaient prêts à lui attribuer.

Willaume déclare à la presse régionale qu’il « n’est pas président par intérim » et affirme sa confiance à Jean-Noël Huck, en lui fixant l’objectif de glaner quatre points d’ici à la trêve.
Une énième défaite, 4-1 au Havre, sera toutefois fatale à l’ancien Niçois. Il est remplacé par Francis Piasecki, dernier champion de France 1979 de l’effectif, qui amorça dès l’été sa reconversion en encadrant l’équipe réserve (« Je ne suis plus joueur, je donne juste un coup de main aux jeunes ») et en conseillant le recrutement d’Andrzej Jeliaskov. Le Mosellan renforça cependant une équipe première décimée durant quatre rencontres à l’automne, il connaît parfaitement l’effectif. Piasecki dispose de seulement 14 matchs pour sauver le club.

Avec son nouveau président placé là presque par hasard, l’intronisation d’un nouvel entraîneur au parcours de joueur prestigieux mais totalement novice, une situation comptable précaire, le Racing vit une ambiance de fin de règne. Il partage, toutes proportions gardées, cet état d’esprit résigné avec le gouvernement Fabius. Tous les esprits sont tournés vers les élections législatives du 16 mars, que le pouvoir socialiste s’attend à perdre. Les commentateurs s’écharpent sur l’éventualité d’une cohabitation, tandis que l’introduction de la proportionnelle ajoute une dose d’incertitude au scrutin.

Les états-majors alsaciens fourbissent leurs armes, présentent leurs programmes et surtout affinent leurs listes. Appâtées par la proportionnelle, des listes dissidentes émergent : ancien chef de file du PS 67, exclu depuis, Georges Hoffmann mène le combat au nom du « socialisme maintenu » ; le maire de Schiltigheim, Alfred Muller, déçu d’avoir vu la tête de la liste socialiste lui échapper lance le MDA et se positionne au centre-gauche ; à droite, certains notables réfractaires au RPR constituent une liste RPA (Rassemblement pour l’Alsace).
Pour percer, ces « sécessionnistes » entendent profiter de l’organisation concomitante des premières élections régionales au suffrage universel, les régions bénéficiant depuis les lois de décentralisation de pouvoirs plus étendus mais encore embryonnaires. De quoi satisfaire en théorie une classe politique alsacienne majoritairement suspicieuse vis-à-vis du pouvoir parisien, un sentiment décuplé par la récente affaire du synchrotron et la sourde oreille faite à ses revendications de TGV-Est. Le jeune maire de Lapoutroie, Hubert Haenel, appelle d’ailleurs dans les DNA à « désynchrotroniser l’Alsace », en clair, oublier cette déception et passer à autre chose.

Ayant fait le vœu d’arrimer la France à la modernité, Laurent Fabius entend adopter avant les élections une réforme sur l’aménagement du temps de travail. Introduisant le concept de « flexibilité », ce projet de loi divise les syndicats sans contenter le CNPF. Revenu dans l’opposition en 1984, le Parti communiste français hurle à la « dérive droitière ». Outre le chômage, le quotidien de la population est rythmé par la crise des otages retenus au Liban, dans un climat pesant lié à la menace terroriste (pouvant émaner au choix d’Action directe, Carlos, de réseaux proche-orientaux ou encore de groupuscules d’extrême-droite).

A peine arrivé, Francis Piasecki a planifié l’organisation d’un stage au soleil au début du mois de janvier. Le Racing prépare son déplacement à Bordeaux sur place, à Soulac-sur-Mer. De quoi retrouver la forme pour certains joueurs, au premier rang desquels l’ancien banni du football français Jean-François Larios, blessé depuis le mois de novembre. Le nouveau tandem Willaume-Piasecki préfère apprendre à se connaître loin du fameux microcosme strasbourgeois, le président devant se résoudre à manquer l’affrontement entre le RCS handball et l’ASL Robertsau.

A son échelle, le RC Strasbourg lutte contre le chômage. Il enregistre l’arrivée du Bastiais Patrick Cubaynes, en passe d’être libéré par un Sporting aux abois financièrement, à l’instar des anciens Strasbourgeois Félix Lacuesta et Gérard Soler. Cubaynes ne rejoindra ses coéquipiers qu’après leur match à Bordeaux, une nouvelle défaite (1-0). Il débute justement contre son ancienne équipe, qui précède encore Strasbourg au classement. L’avant-centre s’illustre par un triplé, qui efface quelque peu son doublé inscrit au match aller, en faveur des Corses ! Victorieux 6-1, le Racing laisse enfin une équipe derrière lui ; il lui faut en dépasser au moins une seconde. Francis Piasecki semble avoir trouvé la bonne formule, avec le meneur de jeu Jeliaskov reconverti libéro et une ligne d’attaque Kelsch-Pécout-Cubaynes-Brisson.

Ce 4-2-4 est repris en Coupe de France contre Nancy, la qualification est au bout. Il vole en éclat à Toulouse, sous les coups de boutoirs de Gérald Passi, auteur d’un doublé, puis contre Auxerre. Deux larges défaites – 3-0 puis 3-1 – qui incitent Piasecki à changer de plan de bataille. Il bénéficie du double affrontement en Coupe contre Meaux, club de D3 pour procéder à des tests. L’heure est grave, puisque six points (soit trois victoires) et une différence de but défavorable séparent le Racing de Rennes, barragiste.
Le 15 février, le président Willaume confie aux DNA préparer d’ores et déjà la deuxième division. S’il s’attend à perdre son capitaine Rémy Vogel, le nouveau président souhaite conserver les joueurs sous contrat, parmi lesquels les jeunes Knapp, V.Cobos, Schuth, Andrieux, Schaer…(« Nous faisons le maximum pour garder au club nos enfants, les Alsaciens »). Attendant une réponse de Francis Piasecki, qu’il souhaite prolonger, Willaume esquisse les contours du recrutement d’un directeur sportif, en fixant des critères de choix inédits (« On préfèrerait des Alsaciens ou des gens qui sont déjà passés au Racing »). Enfin, le budget sera revu à la baisse.
Contre ces amateurs franciliens à forte composante corse, Strasbourg enregistre la rentrée de Larios mais perd Vogel sur blessure au match retour. Un retour sous tension, puisque Meaux passa à deux doigts de l’égalisation à l’heure de jeu. Voilà les Alsaciens qualifiés pour les huitièmes de finale, où ils affronteront le FC Tours, pensionnaire de deuxième division.

Désespérant à l’extérieur, incapable d’en rapporter le moindre succès, le Racing se présente en situation de faiblesse à Marseille, le 23 février. L’OM vit une saison anonyme, mais commence à redouter une relégation susceptible de réduire à néant les projets de grandeurs échafaudés par Gaston Defferre, qui vient d’annoncer la vente du club à Bernard Tapie, lequel a demandé à Michel Hidalgo de l’initier aux choses du football.
Strasbourg est considérablement diminué : outre Jenner, Vogel et Jeliaskov, blessés, Piasecki a choisi de se priver de Pécout, Larios et Barraja, jugés hors de forme. L’inexpérimenté technicien a préparé un dispositif sur mesure, qu’il qualifie de « 1-2-4-3 » : le jeune Niesser est libéro ; Knapp et Andrieux chargés du marquage ; au milieu, Vincent Cobos et Georges Van Straelen s’occuperont de la récupération, Souto et Schaer de l’animation ; reste enfin le trio de devant Kelsch-Cubaynes-Brisson.
En dépit de ces circonstances, le RCS ouvre le score dès la sixième minute par l’inévitable Cubaynes et résiste aux assauts marseillais. Ce court succès est le premier à l’extérieur en D1 depuis presque deux ans (victoire à Saint-Etienne agonisant en avril 1984) ! Une attente presque aussi longue que celle du peuple philippin, qui parvient à chasser l’autoritaire président Marcos dans le même temps.

Pendant que le sort de Michel Seurat, otage au Liban dont la mort tarde à être authentifiée, plonge le pays dans l’effroi, la France vit un mois de février glacial. Les joueurs de l’équipe de France – dont le débutant Jean-Pierre Papin – portent des collants très seyants à l’occasion d’un match amical contre l’Irlande du Nord (0-0) disputé devant 28 909 courageux.
Le report du match à suivre le samedi 1er mars contre Laval est entériné dès le début de la semaine : trente centimètres de neige sont tombés sur la pelouse de la Meinau et les services chargés de l’entretien ne souhaitent rééditer l’erreur de l’hiver précédent, lorsque des bulldozers avaient abîmé les tuyaux d’arrosage installés en surface au cours du déneigement.
Fort d’une certaine dynamique, le Racing est condamné à patienter, la neige menaçant également la tenue du match aller de Coupe de France contre Tours, programmé le 4 mars…

NDLR: vous pouvez retrouver les anciens articles de la série Dans le rétro ici.

kitl

Commentaires (2)

Flux RSS 2 messages · Premier message par strohteam · Dernier message par jpdarky

  • Merci pour la chronique, avec la pointe d'ironie qui va bien.

    Le nom des otages du Liban annoncés au journal de 20h c'est pour moi un souvenir indélébile des samedis soirs chez les grand-parents.

    Et l'inédit maillot Lee cooper !
  • Excellent papier, j'aime beaucoup le mélange actualité Racing - actualité Vraie Vie.

    Et je réalise que mon premier match, c'était donc il y a trente ans.
    RCS-Bastia, 19eme contre 20eme ou l'inverse.

    Je ne connaissais rien au foot (ça n'a pas changé) vu que personne ne m'y emmenait. Et j'ai été harponné pour toujours par le Racing. Hé oui, pendant une saison de fiasco. Ça forge un certain esprit. Quoique sur ce match, évidemment, le Racing était loin du fiasco.

    Il aura fallu des billets offerts à la classe par le prof de français. Conseiller municipal d'opposition. Roland Ries.

    30 ans. Ça fait un peu mal.

    Merci encore et Blourg.

    JPDarky

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