Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : août 1986

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Souvenir/anecdote
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Par kitl
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Didier Six, tête de gondole de la campagne d'abonnement du Racing © kitl

Le début de saison tourne à la catastrophe tandis que la confusion la plus absolue règne en coulisses.

Résumé de l’épisode précédent : Le Racing subit en cet été 1986 un de ces psychodrames dont il a le secret. Sollicité par André Bord, Daniel Hechter essuie un refus du comité de gestion, dont il souhaitait directement prendre les rênes. Il revient plusieurs fois à la charge, s’en suit une bataille de chiffres, de communiqués, alors que la santé financière et sportive du club inquiète. L’équipe de Francis Piasecki s’est efforcée de mettre de côté ce contexte pesant : sa préparation estivale, riche de six rencontres de Coupe de la Ligue dont quatre succès, s’est avérée somme toute correcte.

Le coup d’envoi de la saison de D2 est prévu le 9 août contre Reims à la Meinau. Peter Reichert, qui reste sur un triplé en Coupe d’été contre Nancy, manquera cette rencontre mais devrait rapidement être sur pied. L’examen passé n’a pas révélé de lésion. Un de ses lointains prédécesseurs à la pointe de l’attaque strasbourgeoise sera dans le camp d’en face. Carlos Bianchi prendra en effet place sur un banc qu’il fréquenta assidûment en 1979-80, cette fois-ci à la tête du modeste Stade de Reims.

Francis Piasecki aligne ses recrues : Gousset libero, Thierry Gudimard et Didier Six en attaque. Il fait également confiance au jeune milieu de terrain Etamé. Incapable de concrétiser de nombreuses occasions, butant sur Franck Mary ou sur les montants, le RCS s’incline (0-1) sur un but de l’Américain d’origine haïtienne Dufrene. Plus alarmant, Strasbourg est battu dans le combat par une équipe limitée mais pleine d’abnégation, ce qui a le don de provoquer l’ire de Piasecki : « Ils n’écoutent pas les consignes ». L’entraîneur prévient, quitte à paraître catastrophiste : « Si on ne monte pas, je m’en vais. Je n’attendrai pas qu’on me renvoie ». Son adjoint Albert Gemmrich, qui vient d’endosser les habits de superviseur, confirme devant la presse que la deuxième division est davantage affaire d’état d’esprit que de football.
Toujours est-il que 10.000 déçus repartent chez eux. Les finances du Racing sont dans le rouge, et ce n’est pas le millier d’abonnés qui suffira à assurer des recettes suffisantes de billetterie.

Didier Six semble particulièrement dans l’œil du cyclone. On lui reproche son indocilité sur le terrain, ce qui n’est guère étonnant pour un joueur au caractère notoire. Piasecki n’hésite pas à écarter l’ancien international pour le déplacement à Valenciennes, club formateur de Six. Strasbourg adopte une configuration plus défensive, avec le jeune Niesser au poste de libero (Gousset n’ayant « pas convaincu dans la relance »). Las, le Racing concède une défaite (2-0) particulièrement inquiétante, après avoir à nouveau frappé le poteau par Jean-Jacques Etamé. A l’issue de la rencontre, Piasecki évoque un « sentiment d’impuissance. La pire des choses ». Seuls les gamins Niesser et Etamé semblent trouver grâce à ses yeux. Reichert est attendu comme le messie et on semble tellement en panne de solutions que les journalistes demandent à Piasecki et Gemmrich s’ils envisagent de rechausser les crampons...

L’entraîneur, connu pour son tempérament ombrageux et exigeant, semble déjà gagné par la morosité. Dans le conflit pour le contrôle du club, il vient de prendre parti en faveur du comité actuel, présidé par Jean Willaume, qui l’engagea en cours de saison dernière. Piasecki ne manque pas d’égratigner le bilan de Daniel Hechter à la tête du PSG, qu’il fréquenta deux saisons, de 1975 à 1977 : « Une 11ème place, une 9ème place et un redressement fiscal pour finir ».

La France vit au rythme languissant du mois d’août. La rubrique faits divers frémit à l’idée d’accueillir une autre affaire lorraine : après le feuilleton Grégory, place à Simone Weber. Les partis préparent les élections sénatoriales, dont la campagne sera bien plus feutrée que pour les législatives de mars dernier, seuls quelques milliers de grands électeurs étant concernés. Les quatre sortants bas-rhinois formeront une liste d’union UDF-RPR, tandis que les Haut-Rhinois Goetschy, Zwickert et Schielé sont menacés par deux jeunes ambitieux, Hubert Haenel et Jean-Marie Bockel.

Le ministre des Transports – par ailleurs maire d’Orléans – Jacques Douffiagues profite de la léthargie estivale pour s’interroger sur le bien-fondé du statut des agents SNCF. Il n’en fallait pas plus pour provoquer une levée de boucliers immédiate. Alors que la session parlementaire extraordinaire s’achève sur une cinquième utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution en moins de six mois, le gouvernement Chirac boucle son « marathon législatif » avec 26 textes au compteur. Les dernières discussions concernaient le projet de loi Léotard sur l’audiovisuel, qui projetait de revenir sur un certain nombre de décisions prises par les précédents gouvernements socialistes, un état d’esprit commun à la loi Méhaignerie sur le logement ou aux multiples dispositions portées par Charles Pasqua et Albin Chalandon en matière de sécurité et de justice.

Le 12 août se tient un conseil d’administration du Racing. Le président Willaume confirme les contacts avec Jean-Claude Darmon, menés par le directeur commercial Patrice Harquel. Aucune décision ni vote n’intervient, Willaume continue d’assoir sa légitimité sur le mandat de deux ans confié en décembre. En face, « l’Association pour le renouveau du Racing » poursuit son lobbying insistant en faveur du « plan Hechter ». Elle appelle les amoureux du club et autres curieux à une rencontre avec le grand couturier, le 22 à l’Holiday Inn. Une sorte de réunion publique à laquelle se joindra la presse régionale, qui ne fait plus guère mystère de sa préférence pour le nouveau projet de « redressement », tendant vers « un Racing fort », bref un club à la hauteur de la vocation européenne de Strasbourg que fait miroiter Daniel Hechter.

Didier Six, obligé de répondre aux grincements de dents quant à son salaire et aux rumeurs de licenciement, est de retour pour le troisième match de championnat contre Abbeville. Après s’être refait la cerise en D3 contre Epinal, il signe le deuxième but, le petit Richard Mazerand venant juste de déflorer le compteur du Racing en championnat. L’avant-centre Gudimard a également marqué. Le large succès (3-0) face à des Picards dépassés ne fait pour autant disparaître le spectre d’une saison déjà perdue. L’affluence est pour sa part déjà retombée à 4000 spectateurs.

Trois jours plus tard, le RCS est à Guingamp, où il retrouve Jean-Noël Huck, entraîneur et occasionnellement libero de l’équipe. Le natif de Mutzig ne sera pas sur le terrain au contraire de Peter Reichert, dont les débuts sont très attendus. Mais lorsque l’Allemand entre à la mi-temps, le score est déjà de 3 buts à 1, par la faute du jeune numéro dix Michel Rio et de l’inusable Andrzej Szarmach. Ce troisième revers (3-2) plonge le Racing en eaux troubles, à la 14ème place, alors que se préfigurent deux réceptions déjà décisives, contre Dunkerque puis Orléans. Dire que le calendrier paraissait clément…

Entretemps s’est tenue la conférence de Daniel Hechter, flanqué des responsables de « l’Association pour le renouveau du Racing » dont il souhaite faire ses relais. Devant 700 personnes, le candidat à la présidence plaide pour un « comité de salut fort, comprenant MM. Giegel, Kubel, Spielmann et (lui)-même ». Il évoque d’ores et déjà la venue d’un « manager de grand talent, du style de Roux, Herbin, Wenger… » et précise l’équation qui l’a poussé à venir à Strasbourg : « Pour monter une grande équipe, il faut 50 millions de francs. Le Racing actuel fonctionne avec 25 millions. Comment trouver les 25 autres ? ». La réponse est toute faite, Hechter fera bénéficier le club de sa crédibilité auprès des banques.

Daniel Hechter semble convaincre son auditoire par quelques formules bien ciselées : « Je ne suis pas un putschiste », à l’adresse du comité en place, ou « Faisons table rase du passé », en réponse à une question sur la responsabilité d’André Bord dans le déclin du Racing. Il conclut son exposé d’une tirade sous forme de prémonition : « Quand viendrai-je ? C’est à vous qu’appartient en partie la réponse. Soutenez l’association de M. Giegel, écrivez, manifestez-vous. Je suis fataliste et je crois qu’un jour viendra où les personnes incapables de donner du lustre au Racing partiront d’elles-mêmes. Tôt ou tard. Tout se fera de toute façon dans la légalité. »

Directement visé par le couturier, le comité réagit le surlendemain en demandant, par la voix de René Maechler, la démission d’André Bord de la présidence de l’Omnisports. Ce contre-feu n’a guère de succès, l’ancien homme fort du club réagit en proposant à Jean Willaume et Daniel Hechter de se rencontrer. Rendez-vous est fixé au 2 septembre…
Sans reprendre à son compte la sortie de son adjoint, Willaume admet que la « cohabitation avec Bord est difficile ». Affaibli par le début de saison calamiteux du RCS, le comité a, au surplus, appris dans la presse qu’Hechter avait rencontré Gilbert Gress, l’homme pour lequel les amis d’Alain Léopold démissionnèrent en bloc en 1980. Le technicien a beau rappeler qu’il doit cinq ans de contrat au Xamax, il ne semble guère mesurer qu’il vient d’être utilisé pour un formidable coup médiatique.

A Colmar, la Foire aux Vins est placée sous le signe de l’énergie et du dynamisme : Alain Poher est venu l’inaugurer et mener campagne pour ses amis du Sénat, la soirée s’achevant par un concert de Georges Moustaki. Coup dur pour l’agglomération mulhousienne avec la fermeture de la SACM-T, l’un des derniers fleurons du textile alsacien.
Enfin en Allemagne, les élections législatives de janvier sont en vue : Helmut Kohl est confronté à la brouille entre la CDU et les associations de rapatriés, nostalgiques des frontières de 1937, qui n’ont pas digéré l’Ostpolitik. Un revanchisme partagé sur le littoral méditerranéen : le 18 août à Toulon, quatre hommes sont tués par la bombe qu’ils transportaient. Ils étaient membres du groupuscule « SOS France », proche des milieux rapatriés d’Algérie et d’anciens parachutistes, à l’origine de plusieurs attentats anti-maghrébins dans la région.

Dunkerque débarque à la Meinau le 27. Comble de malheur, Peter Reichert a rechuté à Guingamp… Au lendemain du résultat nul (1-1), les DNA s’acharnent : « Ils n’ont pas volé les sifflets ». Sur un centre de Jean-François Péron, Goba a répondu à Schaer. Après ce match, Piasecki troquera son 4-4-2 très offensif pour un 4-3-3 plus standard. Trois jours plus tard, sous les yeux de Daniel Hechter et de Jean-Pierre Dogliani, venus humer l’air de la Meinau, le Racing s’enfonce face à Orléans (2-3).
Défait à la 88ème, le RCS pointe à une préoccupante 16ème place de son groupe. La Division 1 n’est plus qu’un mirage. Totalement résigné, Francis Piasecki s’interroge et s’attend à « (se) faire virer ». Le conflit pour la présidence touche à sa fin : grâce aux bons offices d’un mystérieux « trio de médiateurs », on s’achemine vers une solution de compromis, que la rencontre Willaume-Hechter du 2 septembre doit entériner. Il sera alors temps de se mettre au chevet d’une équipe à la dérive.

Article réalisé à partir des archives des Dernières Nouvelles d'Alsace, consultables au musée historique de Haguenau ou à la médiathèque André Malraux de Strasbourg.

kitl

Commentaires (3)

Flux RSS 3 messages · Premier message par il-vecchio · Dernier message par athor

  • Citation:
    A Colmar, la Foire aux Vins est placée sous le signe de l’énergie et du dynamisme : Alain Poher est venu l’inaugurer
    Ah! Le président du Sénat est le symbole de l'énergie et du dynamisme. :)) :)) :)) :)) :))

    Citation:
    le millier d’abonnés
    en D2 en 1986. 4000 en National 30 ans plus tard.

    Citation:
    comité de salut fort, comprenant MM. Giegel, Kubel, Spielmann et (lui)-même
    Il y a trente ans déjà. Un dinosaure qui en aura vu passer des présidents.
  • Alain Poher qui a également inauguré le quartier français d"Europa Park.

    Très bon comme d"habitude !
  • Seulement 1000 abonnés avec une campagne de communication aussi géniale ?

    Sinon, des coulisses qui se déchirent, un entraîneur qui ne trouve pas de solutions et des joueurs qui déçoivent, l'histoire est décidément un éternel recommencement.

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  • takl bonne nuit
  • takl 2024 devrait accoucher d'un 2025 appaisé et empathique. Tout va bien se passer, le Racing sera en L1, paix amour liberté et fleurs.
  • takl futur antérieur : [lien]
  • takl mais bon on a pas le droit de les exterminer. Y'en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.
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  • takl il manque plein de choses dans la dernière phrase, dont des mots, la honte.
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