Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : mai 1988

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Souvenir/anecdote
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Par kitl
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Un Racing tout tremblotant au moment du sprint final vers l’élite, la Meinau épicentre du football européen et la suite – et fin ? – des réjouissances électorales. Un menu différent de l’habituelle trilogie de mai en Alsace : asperges, jambon et rhubarbe.

Nous avions laissé le RCS à la veille du pont de la fête du Travail, il a disposé sans coup férir des modestes Yonnais de Christian Letard (4-1). Un doublé de Reichert, une réalisation de Christen et une tête de Jean-Luc Lemonnier, ailier de poche et artisan de l’inéluctable quoiqu’encore non-officielle accession en première division. Un succès chez le dernier de la classe lorientais couplé à un faux-pas du SM Caen enverra le Racing au nirvana dès la 32ème journée.

Attendu de pied ferme par des Morbihanais repartis de la Meinau avec six buts dans la musette, les hommes de Kasperczak réalise une prestation poussive dans la lignée des derniers matchs loin de leurs bases. L’opportuniste David inscrit le seul but de la partie en profitant d’un mauvais renvoi de Flucklinger et de l’apathie de l’arrière-garde. Caen revient finalement à un point d’un Racing plus fébrile que jamais.

Bonne nouvelle pour les @athor de l’époque qui roulent en Citroën GS, portent des verres fumés et arborent une fière moustache : les juniors d’Albert Gemmrich éliminent Niort en quart de finale de Gambardella. Citons les onze joueurs alignés au stade de la Venise verte : Aubry, Nuss, Kuntz, Sattler, Davico, Adolff, Rolling, Dally, Stavjanicek, Grava et Droesch. Le lecteur assidu de la présent chronique aura reconnu trois éléments ayant participé à plus ou moins grande échelle à la saison de l’équipe fanion. L’INF Vichy, futur vainqueur où évolue un certain Emmanuel Hutteau, barrera la route des Cigogneaux en demi-finale.

L’entre-deux-tours de la campagne présidentielle bat son plein : d’anciens ministres giscardiens appellent à voter Mitterrand plutôt que Chirac, donnant le change à la stratégie de rassemblement de l’homme de Jarnac. Le Maire de Paris ne rend pas les armes et annonce le 4 mai une grande nouvelle depuis l’estrade de son chapiteau bâti sur le parking de la Meinau : la libération des otages Marcel Carton, Marcel Fontaine et Jean-Paul Kauffmann, détenus au Liban depuis plusieurs années.
Le lendemain, l’assaut sanglant d’Ouvéa viendra tempérer l’euphorie. « Tonton » est finalement réélu très confortablement (54% à 46) et à l’inverse de 1981, le palais Brongniart accueille l’information sans aucun frémissement.
En Alsace, apparaît un net clivage villes/campagnes pouvant causer quelque inquiétude aux maires de Strasbourg et Mulhouse, centristes bon teint. Marcel Rudloff et Joseph Klifa sont ardemment contestés sur leur droite pour leur prétendue mollesse et voient monter un vote « de gauche » d’un type nouveau. Dans les kiosques au lendemain du second tour, le journal Libération frôle le million de ventes tandis que Le Monde le dépasse. Le Figaro n’a pas communiqué ses chiffres.

Une semaine foot s’ouvre à Strasbourg, dans un stade attendu rempli deux fois en quatre jours, ce qui n’a pas dû arriver souvent depuis l’Euro 1984. La Meinau accueille en effet la finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupes entre le KV Mechelen et l’Ajax Amsterdam le 11 mai puis la dernière levée de championnat du Racing le 14 contre Melun-Fontainebleau. Daniel Hechter a décidé d’offrir les places au public strasbourgeois, davantage pour le récompenser de sa ténacité que de sa fidélité, pour ce qui aurait pu être le match de la montée si les Bleus n’avaient pas loupé le coche en Bretagne. Les intéressés devront au préalable retirer les sésames pour des raisons de sécurité.

La sécurité, priorité des organisateurs de la finale de C2 : l’UEFA a annoncé une finale sans alcool, du moins dans l’enceinte du stade. La Ville de Strasbourg a de son côté décidé d’interrompre la circulation automobile rue des Vanneaux, rue de la Gravière et route de la Fédération et se ménage la possibilité de fermer la route de Colmar en cas de foule incontrôlable.
39.446 spectateurs – guichets fermés, of course – assistent au triomphe de Malines, bien aidé par l’exclusion précoce de Blind. Les Flamands s’imposent sur une tête de Piet Den Boer, géant moustachu de nationalité… néerlandaise.

Interviewé par les Dernières Nouvelles d’Alsace, Marcel Rudloff savoure l’événement de la semaine, qui s’inscrit dans le cadre du bimillénaire de Strasbourg. Le sénateur-maire-président du conseil régional et conseiller général du quartier des Quinze rappelle qu’il était spectateur du légendaire Brésil - Pologne de 1938 et, non sans humour, fait le vœu « qu’il ne faudra pas attendre le trimillénaire pour accueillir la finale de Coupe des Champions.»

Revenons aux choses sérieuses, à savoir la situation du Racing Club de Strasbourg. Marcel Rudloff commente les dix-huit mois de présidence Hechter : « La nouvelle équipe de dirigeants qui a pris en main les affaires du Racing a réussi l’assainissement complet de la situation financière et une régularisation de la situation administrative. Comme de plus, les résultats sportifs sont bons – légèrement meilleurs même que ceux qu’on attendait – tout va bien. »
C’est effectivement l’idée que laisse le feu d’artifice contre Melun, offert par le club au propre comme au figuré, dans le ciel comme sur le terrain. Victoire 4-1 face aux semi-pros du 77.
27.932 billets ont été distribués, de quoi franchir la barre des 10.000 spectateurs de moyenne. Tout se jouera cependant à Nungesser – où le PSG d’Hechter monta en 1974 –, ce suspense crispant tardant décidément à se dissiper.

On n’évoque pas encore en 1988 l’idée de recomposition du paysage politique, mais l’arrivée de Michel Rocard à Matignon risque de rebattre les cartes. Mitterrand réélu fait le pari que son ancien rival interne saura convaincre quelques modérés et rassembler au-delà du socle socialiste, toutefois on ignore tout de la sincérité du Président de la République dans sa politique d’ouverture. Anciens ministres de VGE, Lionel Stoléru et Michel Durafour font partie du premier gouvernement Rocard, de même que Catherine Trautmann. Un gouvernement qui ne se présentera pas devant le Parlement à majorité de droite, dissolution de l’Assemblée nationale oblige.

Pour ces législatives marquées par le retour au scrutin uninominal, avec les fameuses « circonscriptions Pasqua », le Parti socialiste soutiendra des candidats dits « d’ouverture », parmi lesquels Bernard Tapie à Marseille. Les barristes du CDS, qui ne voient pas en Michel Rocard un ennemi, sont tentés de faire bande à part et affichent leurs réserves face à l’union RPR-UDF pour les législatives.

A Strasbourg, l’euphorie de la semaine passée a cédé la place au déchirement et à l’angoisse. Le 16 mai, le départ de Juan Ernesto Simon est entériné : il sera vendu avant la fin de son contrat, au nom d’une realpolitik qu’assume Daniel Hechter. « Bon et étranger », Simon est encore en 1988 un actif qu’il ne sera plus à la fin de son contrat l’an prochain. L’émergence de Sattler, les pourparlers avec le Lensois Gillot et la présence du capitaine Specht rendent l’axe strasbourgeois suffisamment armé pour la D1, l’essentiel étant pour le staff d’améliorer sensiblement le potentiel créatif de l’équipe.

« J’ai tout donné et on ne veut plus de moi » : l’Argentin est sacrifié sur l’autel de la rentabilité et la quête du numéro 10 reprend. On évoque un jour Bryan Robson, on repense à Bruno Bellone mais une information enfin sérieuse filtre dans les Dernières Nouvelles du Lundi du 23 mai, au surlendemain du 0-0 arraché à Valenciennes, qui libère enfin le Racing.
Signe de l’usure face à une intrigue longue à se dénouer, la nouvelle n’occupe qu’une manchette en haut de la une des DNA, qui préfèrent un éclairage sur les candidats alsaciens aux législatives à venir et une photo de l’Autrichienne Wiesner, finaliste des Internationaux de Strasbourg de tennis.

Le match fut crispant, vécu « l’oreille collée au transistor » par le banc, les dirigeants et les journalistes, à l’écoute du résultat de Caen. Les Normands s’imposeront à Beauvais, mais pas assez largement. A Nungesser, l’avant-centre Dominique Corroyer fut proche de crucifier le RCS, mais son but sera immédiatement refusé en raison d’une main préalable. A la fin du match, c’est la délivrance pour les environ 200 Alsaciens ayant fait le voyage…

Comment se nomme la recrue putative révélée par la presse régionale ? Le RC Strasbourg de Lemonnier, Christen et Didaux est-il une meilleure équipe que le surpuissant FC Sochaux-Montbéliard de Paille, Sauzée, Rousset, Silvestre, Hadzibegic et Bazdarevic ? Vous le saurez d’ici peu…

Article réalisé à partir des archives des Dernières Nouvelles d'Alsace, consultables à la médiathèque André Malraux ou au Musée historique de Haguenau.

kitl

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