Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Microcosmes (1/2) – Au Cœur des ténèbres

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Souvenir/anecdote
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Par strohteam
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20 comm.
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© Claude Truong-Ngoc

Vous en avez marre du robinet d’eau tiède actionné à foison par le duo Keller-Fontanel ? Ce Racing trop lisse vous ennuie au point de lui préférer la dernière série Netflix ? Alors vous êtes mûrs pour une petite rasade nostalgique de coups tordus à la strasbourgeoise.

Cet article vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, ou alors de façon allusive. L’image actuelle d’un club apaisé, où les membres de la direction tirent dans le même sens en bonne intelligence avec les collectivités et les supporters, est sans doute un peu trompeuse, et l’on imagine aisément que des tiraillements existent en sous-main. Pour autant, derrière le discours lisse et la communication « Commissaire Bialès » de Marc Keller, il y a bien une forme d’unité, ou au moins de concorde, qui est assez inédite dans l’histoire récente du Racing. Essayez pour voir de vous remémorer le dernier article des DNA ou de l’Alsace avec un dirigeant ruant violemment dans les brancards. Vous ne trouvez pas ? Peut-être un peu de fiel au moment de la vraie-fausse relégation en 2014 mais, même à ce moment critique, le navire Marco n’a pas tangué, tout juste un léger clapotis. Si l’on veut vraiment retrouver le dernier pataquès en date, il faut au moins remonter aux remous ayant accompagné la fin de la météorite Frédéric Sitterlé au printemps 2012, il y a presque un septennat. C’est une éternité en temps Racing si l’on se souvient de la chronique terriblement scandée des années 2009-2011.

L’observateur peu avisé pourrait rétorquer que les bons résultats et la trajectoire presque miraculeuse connue par le club, depuis les tréfonds du CFA2 jusqu’aux projecteurs de la première division, ne sont pas étrangers à cette inédite sérénité. Ce serait gravement méconnaître ses classiques meinauviens : c’est précisément quand la mariée était trop belle que les prétendants se sont plus marché sur les pieds. Les événements de 1970, 1979, 1992, 1997 ou 2005, à chaque fois après une belle saison, suffisent à nous le rappeler.

Lors de sa sortie ratée en 2012, Sitterlé évoquait de façon cryptique la pression mise par l’environnement, et notamment des proches de la mairie. Ses acolytes étaient moins discrets et quelques stubistes, plus ou moins proches desdits acolytes, l’étaient encore moins. Tous entonnaient à des degrés divers un refrain connu depuis une trentaine d’année, celui du « microcosme », cet environnement mystérieux qui met des bâtons dans les roues à ceux qui président aux destinées du Racing. A la même époque, un ancien président, Daniel Hechter, sortait un livre de souvenirs où son échec strasbourgeois était également mis sur le compte du fameux microcosme. On y trouvait un joli petit passage d’imagerie spinalienne nous dépeignant des Alsaciens retors ourdissant moult complots dans les arrière-salles obscures des winstube de la Petite France, l’avenir du club se jouant là, sur une nappe à carreaux, entre deux gorgées d’amer-bière ou de Sylvaner trop frais.

Le tableau est évidemment caricatural et pas dénué de mauvaise foi. Hechter a été bien davantage plombé par errements de sa direction sportive que par une hypothétique cinquième colonne alsacienne. Au reste, feindre d’ignorer le contexte local parfois baroque relève de la tartufferie puisqu’il était lui-même parvenu à la tête du club suite à une révolution de palais. Pour autant, le couturier mettait bien le doigt sur une réalité aujourd’hui estompée. Le Racing a été pendant une vingtaine d’année un objet politique au sens le plus politicien du terme et son destin était dès lors irrémédiablement lié à l’actualité du tout petit Landerneau local. Ou pour le dire autrement, ce qui se tramait place de l’Etoile avait inévitablement des répercussions deux kilomètres plus au sud, entre Rhin Tortu et route de Colmar. Pour tâcher de mieux comprendre tout cela, et définir comment le microcosme a pu réellement peser sur le destin du club, il faut revenir plus de quarante ans en arrière et esquisser une galerie de portraits façon Baron noir, alors accrochez vos ceintures et remontons dans un premier temps jusqu’à la source du problème. Où il est question, entre autres, d’un ministre gaulliste, d’un écorché vif du Neudorf, du bâtisseur de la Place des Halles et d’un éphémère chef de gouvernement de la Quatrième.

Pretty Vacant


Au printemps 1968 la France tape sa crise d’adolescence et le Racing, patriote comme toujours, se dit qu’il serait de bon ton de l’imiter. La coupe de France remportée en 1966 constituait un aboutissement bien davantage qu’un triomphe fondateur. Les finances ont très vite été sous tension, les meilleurs joueurs vendus et le club s’est sauvé au forceps au cours de barrages s’étirant jusqu’au 19 juillet, suite évidemment aux événements ayant secoué le pays en mai. Le comité Heintz est proprement à l’agonie et du côté de l’Hôtel de Ville on est assez peu motivé pour augmenter la subvention. Au terme d’un assez long embrouillamini, animé par un « Comité d’action pour le renouveau du football d’élite » (bigre), le Racing passe à la fin de 1968 sous la coupe d’un nouveau comité mené par Alfred Wenger où l’on retrouve également Philippe Fass, Armand Hassan ou Edmond Stempfer, personnages récurrents des épisodes suivants. Au passage, deux fauves d’envergure ont fait leur apparition dans le storyboard. André Bord et surtout Emile Stahl sont venu renifler le Racing sans vraiment y mettre la patte, ce n’est que partie remise.

Ce changement d’équipe dirigeante marque une rupture fondamentale. Les bouleversements jusqu’alors n’avaient certes pas manqué, plusieurs comités ayant été emportés par des résultats sportifs peu glorieux. Mais tout cela se passait à l’intérieur du club. Président en 1968, Joseph Heintz l’était déjà dans les années 1930, époque où il avait pris le relai de Charles Belling et des fondateurs du FC Neudorf. Le Racing lavait son linge sale en famille. Désormais on s’étripe sur la place publique et surtout on introduit des pièces rapportées, puisque Alfred Wenger vient d’Imbsheim, là bas tout au fond des collines de l’Ackerland et du pays de Hanau, alors qu’auparavant on traitait entre Strasbourgeois, presque entre Neudorfois. Wenger est généralement dépeint sous les traits d’un Raimu alsacien. Personnage pittoresque, entrepreneur de travaux publics, il devait être la quintessence du plouc campagnard pour un patricien comme le chirurgien Jean-Nicolas Muller, lequel a supervisé la transition en sa qualité de président omnisports.

Ce n’est pas encore l’époque du microcosme, on campe juste le décor. Les relations avec la mairie restent celles d’un club sportif quémandant sa subvention ou des emprunts, que le maire feint de considérer comme des créances alors qu’on sait qu’ils ne seront jamais vraiment remboursés. Quand la situation va bien, l’édile ferme les yeux. Quand les choses se tendent, il appuie là où ça fait mal. En face, le président plaide sa cause et n’oublie jamais de rappeler les taxes acquittées par le club et son rayonnement local. Mais au fond Pierre Pflimlin ne se préoccupe guère du football, le Racing est au plus une petite épine dans son pied.

Alfred Wenger est peut-être un plouc, mais il a eu du nez. En bon homme d’affaires, et avec un brin de bon sens paysan, il a acheté au plus bas. Dans la corbeille, il y avait pourtant deux diamants à polir, bientôt internationaux : Jean-Noël Huck et Marc Molitor. Boosté par cette soudaine poussée de sève, le Racing réalise une superbe saison 1969-1970, terminant cinquième du championnat avec la bagatelle de 65 buts marqués en 34 matches. On a vu du spectacle à la Meinau, qui plus est avec des jeunes vedettes alsaciennes. Dix-huit mois plus tôt, André Bord et Emile Stahl ont laissé passer le plat. Maintenant, ils s’en mordent un peu les doigts et vont s’inviter d’autorité à la noce. C’est la byzantine histoire du RPSM, déjà admirablement résumée ici et là. L’objectif était de faire un grand club strasbourgeois, et ça a échoué dans les grandes largeurs. Quelques mois plus tard, Stahl n’est déjà plus vraiment là, le mariage de déraison n’a jamais été consommé et les Pierrots s’en vont vite refonder leur club Porte de Kehl tandis que le Racing descend piteusement en D2 en dépit du talent d’Ivica Osim. En décembre 1972, Alfred Wenger n’est plus là non plus puisqu’il claque la porte bruyamment à la suite de l’épisode fameux de la grève des joueurs. Le troisième larron, André Bord, s’est contenté de mettre un orteil dans la porte mais il a encore un pied et demi à Paris, où il est enfin parvenu à décrocher la timbale ministérielle après six années de secrétariat d’État. Le Racing n’est pas la préoccupation principale quand on traverse la cour de l’Élysée tous les mercredi.

Faute de, c’est donc le bon Philippe Fass, gérant d’un magasin de confection Grand Rue, qui hérite du bébé. Mais il n’est qu’un primus inter pares faiblard au sein d’un comité très vite divisé, notamment au sujet de la politique menée par le directeur sportif Robert Domergue. Les trois grosses années entre 1973 et 1976 sont un long supplice pour Fass. Les coup fourrés se succèdent, on peine à en comprendre la logique avec nos lunettes de 2018 mais on se rend compte aisément que le pouvoir n’est pas au sein du comité. C’est Emile Stahl qui, matois, tire à distance les ficelles. Selon son habitude, il n’a aucun titre officiel, mais il tient les cordons de la bourse, alors c’est tout comme. L’homme est d’un autre calibre, son agence immobilière est en première ligne dans la rénovation de Strasbourg. Il vient d’ailleurs de commencer une opération d’envergure au niveau de l’ancienne gare urbaine. En ces temps pompidoliens, on dit adieu au vieux tram et on prépare un nœud routier déboulant directement dans une immense surface commerciale au cœur du centre-ville, ce sera la Place des Halles.

Pour le Racing, pardon le RPSM finissant, c’est un chantier bien moins glorieux. Retour en D2 en 1976 et encore un changement de comité. Une nouvelle génération de dirigeants menée par Alain Léopold prend les rênes, parrainée en coulisse par Emile Stahl et surtout par un revenant, André Bord.

Anarchy in the Krimmeri


On y est. En Angleterre et à New York, des jeunes malpolis commencent à secouer l'aristocratie du glam rock. Le Racing, club punk s’il en est, ne pouvait manquer le wagon, et ça va secouer. Le grand barnum du microcosme commence de la plus belle des manière, par une déflagration parisienne. Le Premier ministre en a sérieusement marre des petites vexations infligées par ce monarque républicain qu’il a pourtant contribué à introniser aux dépens de sa famille putative, celle de Chaban-Delmas. Il ne dispose pas des moyens pour mener efficacement sa politique. Les deux familles de la droite française se regardaient en chien de faïence depuis au bas mot une dizaine d’années. Elles vont désormais s’écharper pour de bon, faisant au passage quelques victimes collatérales - au sens propre du terme - au cours des petites années de plomb à la française.

André Bord, secrétaire général de l’UDR, est dans le camp Chirac. Pourtant, il reste au gouvernement pour deux petites années, peut-être parce qu’il renonce au passage à briguer la mairie de Strasbourg en 1977 alors que la a ville a deux députés gaullistes et s’est prononcé pour le “oui” lors du référendum de 1969. Le couperet finit néanmoins par tomber à l’issue des législatives de 1978. Bord est évincé au profit d’un nouvel espoir centriste - mais ancien militant RPF dans sa prime jeunesse. C’est Daniel Hoeffel qui récupère la fonction gouvernementale dévolue d’office à un Français de l'extérieur alors que Bord doit renoncer à la vie parisienne et au très cossu triplex quai Kennedy prêté par Alain Delon.

Même s’il était prévisible depuis le choc de 1976, le coup d’arrêt est brutal, et on imagine qu’il y a eu un gros pincement au cœur au moment de rendre la DS à cocarde. Toujours est il que Bord n’est plus que député, ce qui s’apparente à un petit drame quand on été un inamovible « ministre alsacien ». L’homme n’est pas vieux, 56 ans, il ne va pas se contenter des questions au gouvernement. Nationalement, l’horizon semble bouché jusque 1981. Alors, il se rabat sur la présidence de l’assemblée départementale qu’il occupe depuis 1967. Ce n’est pas grand chose - les lois Defferre ne sont pas encore passées par là - mais c’est déjà ça. Cela permet de distribuer quelques subventions. Au passage, on a une belle ligne de mire sur une autre construction phare des seventies strasbourgeoise. A l’étroit place Broglie, Pierre Pflimlin fait construire un centre administratif sur l’ancien glacis de la Citadelle. Le grand européen, dirigeant historique de la démocratie chrétienne française, est plus près de la fin que du début. Ça commence à bouger sérieusement dans sa majorité, par exemple du côté de l’ancien mentor de Nicolas Sarkozy au sein de l’UJP. En face, une jeune génération issue du PSU émerge et se prend à rêver, avec dans ses rangs un professeur de lettres arborant le combo grosses lunettes/collier de barbe de rigueur.

Nous avons donc un maire au capot qui fume, un promoteur immobilier qui redessine la ville, un ministre évincé qui cherche à se relancer et une palanquée de second rôles aux dents longues. Et au milieu de tout ça, le Racing Club de Strasbourg, qui a repris son nom et gagné un beau blason dans l’histoire. Pour que la ratatouille alsacienne soit complète et goûtue, il faut ajouter la dose de pili-pili qui change tout. Une grande gueule, une figure christique qui déjà à l’époque divise. Il s’agit évidemment de Gilbert Gress. L’ange de la Meinau revient en 1977 d’un court exil neuchâtelois, il va mener le Racing au pinacle. Il gagne au passage ses galons d’icône régionale, incarnant ad vitam aeternam l’archétype de l’Alsacien caractériel mais perfectionniste qui en remontre à la France de l’intérieur. Certains s’agacent, beaucoup adorent. Il y a une roue à prendre, André Bord est un renard du peloton, il l’a senti. A Lyon, les joueurs célèbrent sur la pelouse de Gerland un triomphe éblouissant. Quelques heures plus tard, dans les arrière-cuisines de chez Bocuse, on aiguise déjà les couteaux.

Bord save the Queen


Rien de ce qui concerne le Racing ne saurait être étranger au ministre alsacien. Il a été membre du club (section basket) et sa petite association sportive culturelle de la Meinau était le « M » du RPSM. En 1974, il place même un ancien membre de son cabinet, Roland Vigny, à la présidence générale. Manque de bol, Vigny va calancher quelques mois plus tard et le hochet échoit à... Emile Stahl. Bord se refait l’année suivante, la relance du club par le comité Léopold n’étant possible que grâce à une généreuse subvention du conseil général présidé par qui vous savez. Le personnage est donc fermement installé et le parfum de gloire lui monte au nez. En 1978, tout juste débarqué du gouvernement, il se fait élire président général. La fonction est surtout honorifique mais les rivaux ne s’y trompent pas. Ce Racing soudain irrésistible est de facto le nouveau vecteur de l’ambition d’André Bord. Dès lors, le calcul n’est pas très compliqué. Si l’on veut stopper Bord, il faut viser la fusée Racing.

Mais pas encore, pas tout de suite. Ce serait trop évident. D’autant que l’ancien ministre ne joue pas très finement. Il ne veut plus partager. C’est maintenant la présidence, la vraie, qu’il lui faut, celle du comité pro d’un club tout frais champion de France. Le dessein peut sembler grossier aujourd’hui. En s’appuyant sur des succès sportifs, on pourrait briguer un mandat politique. On imagine mal Marc Keller mener en 2020 sa liste au conseil municipal. On doute même que ça l’intéresserait seulement. Mais l’époque est différente, le football n’est pas une si grosse affaire et il est bientôt filialisé par les municipalités. Sur la Côte d’Azur, la montée en puissance de Jacques Médecin est indissociable des grandes heures de l’OGC Nice. A Marseille, qui oserait dire que Bernard Tapie n’avait pas d’arrières pensées politiques en reprenant l’OM en 1986 ? Plus près de nous dans le temps, mais plus loin géographiquement, on a bien vu un ancien président des Etats-Unis lancer sa carrière en prenant la tête du club de base-ball des Texas Rangers.

André Bord a néanmoins un gros problème, car dans l’enclos il y a un désormais un autre mâle dominant, et pas des moindres. Au début, tout va bien, les deux s’allient pour prier Alain Léopold de passer la main. L’ancien ministre sait néanmoins très bien qui l’a fait couronner, il n’a certainement pas oublié ce que l’attelage entre son patron Chirac et le président Giscard avait de bancal. Les derniers Mérovingiens ont été évincés par leurs maires du palais, il ne s’agit donc pas d’être un roi fainéant. Alors, le nouveau président signe son arrivée par un éclatant accès d’autoritarisme. Il impose la signature de Carlos Bianchi, pur avant-centre totalement incompatible avec les conceptions tactiques de Gilbert Gress. Tension immédiate entre les deux tenanciers de la maison bleue. En tribune officielle, on se tient coi mais on n’en perd pas une miette, au point de quitter le terrain des yeux. Très vite, on va souffler sur les braises.

Être président d’un club européen, d’un symbole régional, ce n’est pas rien. On se fait des obligés en distribuant les places, dans la corbeille et ailleurs. On est assuré d’avoir son nom tous les jours ou presque dans les journaux et accessoirement on est en position de donner de la joie à des milliers de Strasbourgeois et d’Alsaciens. Il est notoire que la position est à Strasbourg la plus enviée après celle de premier magistrat. En plus, le club va se doter d’un stade à la hauteur de ses ambitions, forcément continentales. Sauf que la médaille a son revers. Si les succès vous font parfois pousser des ailes, les échecs peuvent plus sûrement vous plomber. Quand le Racing perd, certains, dans l’opposition comme dans la majorité, se cachent à peine pour ricaner.

La cocotte minute explose à peine plus d’un an après le sacre. Gilbert Gress est évincé après plusieurs mois d’un sourd conflit. Strasbourg perd à domicile contre Nantes, la Meinau prend littéralement feu, c’est « l’affaire Racing » qui va faire couler une quantité invraisemblable d’encre. Grand admirateur de Charles de Gaulle, Schilles part un peu comme le Général en 1946, persuadé qu’on va très vite revenir à la raison et rappeler l’Homme providentiel. Peut-être même que certains dans le fameux microsome l’ont aidé à croire à ce genre de choses, précipitant ainsi sa rupture avec un président censément aux abois. Si ce fut le cas, c’était une mauvaise lecture de la situation, et la traversée du désert sera presque aussi longue que celle de l’homme de Colombey. La Maladière n’est certes pas la Boisserie, mais derrière les tirades enflammées souvent adressée à son Helvétie d’adoption, on discerne sans peine la profondeur du dépit amoureux de l’enfant du Neudorf pour sa cité natale.

En attendant, André Bord colmate. Il ne s’avouera pas vaincu aussi facilement.Son comité a implosé, puisque les membres issus de l’ère Léopold ont claqué la porte quelques semaines avant le limogeage de l’emblématique entraîneur. Qu’à cela ne tienne, il parvient à remonter un tour de table avec notamment Gérard Schmaltz dirigeant de la SAMDA, mais aussi membre RPR du conseil municipal. Côté sportif, le Racing sort de son trou d’air, certes péniblement, au printemps 1981 pour s’offrir une belle épopée en coupe de France. Certains joueurs en conflit plus ou moins larvé avec leur ex-entraîneur retrouvent au passage des gambettes, à l’image d’un Francis Piasecki gagnant au passage une place essentielle au sein de la machinerie meinauvienne à mesure que ses coéquipiers champions de France quittent le club. André Bord s’accroche, veut y croire et se rabiboche plus ou moins avec la presse locale par la grâce d’un recrutement clinquant : Carsten Nielsen, Olivier Rouyer, Félix Lacuesta.

Politiquement, en revanche, ça ne s’arrange guère. Un premier coup de semonce est administré dès mars 1979. Aux cantonales, Bord délaisse son habituel canton du Neudorf pour se présenter juste à côté, à la Meinau. Un succès électoral sur fond de saison triomphale du Racing, voilà qui ferait une image intéressante un an après le départ du gouvernement. Sauf que le conflit entre les deux droites à redoublé en décembre 1978 lorsque Marie-France Garaud et Pierre Juillet ont soufflé à Jacques Chirac un brûlot connu très vite connu sous le nom d’appel de Cochin. L’accès d'euroscepticisme a forcément des répercussions en Alsace, terre bien plus attachée à la construction communautaire que la moyenne des régions françaises. Il débouche indirectement sur un véritable combat des chefs puisque, face à Bord, on envoie ni plus ni moins que son remplaçant au gouvernement, Daniel Hoeffel. Le match tourne en faveur du challenger centriste. Pour le sortant-sorti, c’est un sacré coup dur, d’autant plus que la perte du canton se double logiquement de celle de la présidence du Conseil général.

En juin 1981, c’est carrément la Bérézina puisque le président du Racing, emporté par la déferlante socialiste, cède son siège de député à Jean Oehler. La circonscription bascule à gauche pour la première fois depuis 1932 et « l’affaire Racing » n’est pas étrangère à ce résultat. La bête est blessée, ce n’est pas le moment de se gêner. On assiste ainsi fin 1981 à une fronde menée au sein même du RPR local par deux personnalité, de poids. Il s’agit d’abord de Robert Baillard, premier adjoint de Pierre Pflimlin depuis des lustres, celui qui gère vraiment les affaire de la ville dit-on. Vient juste derrière Robert Grossmann, en pointe sur le sujet des sports - il ferraillait déjà sans succès en 1968 pour que le conseil général soutienne le Racing. Les deux hommes sont rattachés à la famille gaulliste mais siègent au quotidien avec les centristes au sein de la majorité municipale. Entre les deux, leur cœur balance de moins ou moins, ou alors on dira qu’ils sont partisans de l’alliance de raison. Ils auraient d’ailleurs tort d’ergoter, depuis Chirac-Chaban le coup est tombé dans le domaine public. Au même moment, le renouveau relatif du RCS s’avère être un feu de paille, le club replonge dans ses errements et glisse lentement vers le fond du classement. Et comme l’étoile de son président a fortement pâli à tous points de vue, ce n’est pas le moment de voler à son secours, qu’on soit élu ou sponsor, au hasard promoteur immobilier.

Le microcosme a gagné. En 1983, André Bord est sur la jante lorsqu’il s’aligne au départ de l’élection municipale. Affront suprême, il ne dispose même pas de l’étiquette de son parti et réalise un piètre 10 % face au dauphin désigné Marcel Rudloff, élu au premier tour sans coup férir. C’est ce dernier qui aura l’honneur d’inaugurer le tout nouveau Stade de la Meinau, construit pour le championnat d’Europe, mais que le Racing peinera à remplir, faute de résultats.

C’est donc sur ce gâchis spectaculaire, cinq petites années après le sacre suprême, que se clôt le premier épisode de la saga du microcosme. Les causes du déclin brutal du Racing après son seul titre de champion de France sont multiples et ne sauraient être résumées aux seul remous de l’échiquier politique local. Pour autant, avoir un tel président à partir de 1979 a forcément été très encombrant pour un RCS de facto estampillé RPR dans une région où ce sont plutôt les centristes bon teint qui tiennent le haut du pavé. André Bord a de son côté fait preuve d’une ambition bien mal raisonnée et essuyé les caprices de cette maîtresse erratique qu’est le football. C’est à n’en pas douter l’échec de sa vie. Mais l’environnement ne s’est pas gêné pour lui savonner la planche, et donc fatalement aussi celle du Racing.

Aujourd’hui, le tableau est bien différent... Encore que. Un maire finissant, des grues au quatre coins de la ville, un stade à agrandir, des allégeances partisanes à géométrie variable et un homme politique en vogue qui a irrémédiablement lié son destin à celui d’un Racing séduisant... Oh wait, ça ne va pas recommencer, dites ?

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  • pando67 Après réflexion, je me suis peut être un peu enflammé
  • pando67 Mais non vous n'y êtes pas du tout, on a repris confiance et on va faire comme face à Lille !
  • the-naturel Un peu d'optimisme bon sang !
  • the-naturel Tenseur sans déconner si tous tes scores s'avéraient exact, on serait dernier avec -12 points
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  • coyote67 Nantes joueit bien aussi tu disais...
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  • chris68 c'est quoi encore cet article de direct racing?
  • takl ça y est je suis énervé.

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