Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : septembre 1988

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Souvenir/anecdote
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Par kitl
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Clap de fin pour Kasperczak

Incapable de renouer avec la victoire, le RCS glisse inexorablement vers la zone rouge. Cette morosité menace fatalement Henryk Kasperczak, dont la position devient de plus en plus inconfortable au fil du mois…

Résumé de l’épisode précédent : Certaines carences dégagées par le onze strasbourgeois laissent imaginer que les retrouvailles avec la première division seront bien plus laborieuses qu’attendu. Pour le moment, la créativité apportée par Pita, en pointillés, et surtout Mège, se manifeste essentiellement sur coups de pied arrêtés et surtout l’équipe manque globalement de ressort mental.

La Meinau n’accueille que 7.512 spectateurs pour ce Strasbourg-Cannes déterminant. Il n’y a rien de déshonorant à perdre face au Matra, contre Marseille ou à Bordeaux si le Racing est capable de l’emporter face aux concurrents directs. Henryk Kasperczak attend « combativité et esprit d’équipe » face au 4-5-1 prudent aligné par Jean Fernandez. Les retrouvailles entre Zlatko Vujovic et Léonard Specht tournent court, le capitaine alsacien étant forcé d’abandonner ses partenaires à la 34ème minute, remplacé par Jean-Jacques Etamé.
Sans imagination, le Racing concède le 0-0. Pita demeure invisible malgré son évidente bonne volonté, tandis que Fabrice Mège signe la meilleure occasion du match, une frappe des 25 mètres sur l’angle du poteau et de la transversale.

Un an après la polémique du « détail », Jean-Marie Le Pen récidive avec « Durafour-crématoire », calembour qui choque au sein même du FN. Les élections cantonales s’annoncent à la fin du mois : 23 sièges sont à pourvoir dans le Bas-Rhin. On dénombre 17 candidates sur 123, aucune d’entre elles n’ayant été investie par la « majorité alsacienne », qui fait la part belle à des notables grisonnants. Influence américaine ou non, la presse et les états-majors partisans évoquent le terme de « primaires » pour départager les candidats RPR et UDF au premier tour.
A un plus haut niveau, loin de ces élections locales qui ne passionnent pas grand monde, se jouent d’énièmes développements franco-allemands, pariso-alsaciens et messo-nancéiens autour du tracé du futur TGV-Est. Deux options sont en balance : Paris-Strasbourg ou Paris-Mannheim.

Le 10 septembre, Strasbourg rapporte un résultat frustrant de Nantes (2-2). Ce qui n’est pas foncièrement décevant le devient au regard du scénario de la rencontre. Vincent Sattler, véritable satisfaction du début de saison à 19 ans, ouvre le score suite à un corner de Pita dévié par le capitaine d'un soir Reichert – huitième but sur phase arrêtée sur un total de onze. A la 47ème, Mège reprend parfaitement un centre de Didaux pour le 0-2.
S’en suit une furia nantaise, trente minutes de pression qui conduisent au 2-2 : Youm réduit le score à la 53ème, Flucklinger et Sattler multiplient les sauvetages avant que Christophe Robert ne soulage la Beaujoire. Encore un but encaissé dans les dix dernières minutes, après les réalisations de Bellone à Montpellier et d’Anziani pour le Matra Racing.

En attendant le pape en octobre, Strasbourg s’offre une répétition générale en accueillant une personnalité politique de premier plan, Yasser Arafat. Invité par le groupe socialiste du Parlement européen, le leader palestinien charrie un parfum de soufre, lié à l’utilisation massive du terrorisme en Europe. Manifestations tantôt outrées, tantôt bienveillantes et mesures de sécurité draconiennes accompagnent cette visite. Déterminé à s’afficher comme un interlocuteur responsable, Arafat concède en privé à Roland Dumas qu’il était quasiment prêt à reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël.
Le 17 s’ouvrent les Jeux olympiques de Séoul : la nageuse Catherine Plewinski apporte la première médaille à la France ; côté alsacien, déception pour le lutteur de Batzendorf Martial Mischler, cinquième comme à Los Angeles.

Le même jour se tient le derby de la peur entre le 17ème Strasbourg et le 14ème Metz. Kasperczak est une nouvelle fois contraint de remodeler son onze de départ. Mège a vu rouge à Nantes et Pita a senti une alerte à la cuisse : Etamé officiera donc en numéro 10. Derrière, Specht est disponible mais prend place sur le banc, émergence de Sattler oblige. Le collectionneur d’avertissements Patrice Ferri est de retour avec le brassard de capitaine.
Le gaucher est à l’origine de l’ouverture du score de Francis Gillot, toujours sur coup de pied arrêté. Mais Gaillot réplique à Gillot sur une action comparable. Strasbourg pousse de façon désordonnée avant de se faire poignarder sur une action confuse, difficilement retranscrite dans les DNA. Combinaison messine sur coup-franc, le juge de touche lève puis abaisse immédiatement son drapeau, dans l’intervalle, le ballon est entré. A la 89ème minute…

Le technicien polonais est à présent clairement menacé, alors que se profile trois jours plus tard un déplacement de l’impossible à Monaco. Le champion en titre connaît quelques trous d’airs : Hoddle est en méforme et Hateley blessé, remplacé par le jeune Weah, « athlète puissant, apparemment un peu lourdaud » selon les observations de Jean-Pierre Meyer.
Kasperczak tente des coups – trois défenseurs axiaux, Kambel-Seck préféré à Reichert seul en pointe – pour un résultat désastreux. 2-0 au bout d’un quart d’heure, 4-1 au final. George Weah inscrit ses premiers buts en D1, Francis Gillot récidive sur un corner de Mège (la fameuse stat passe à 10 sur 14) mais assiste impuissant à ce récital. La situation s’est bien dégradée au classement, voilà le Racing barragiste avec déjà six points de retard sur le 16ème, Laval.

Alors que Kasperczak s’attend à disposer de dix jours pour préparer la venue ô combien cruciale de Caen, il est finalement limogé le 23 septembre. L’intérim sera assuré par Jean-Pierre Dogliani, le bras-droit d’Hechter, qui avait déjà officié en 1986 à la suite de Piasecki – c’était d’ailleurs au stade Venoix. Troquant avec un peu d’avance le short pour le training, Léonard Specht l’assistera dans la préparation du match. Un nouvel entraîneur devrait débarquer début octobre…

En attendant, on retrouve les Bleus d’Henri Michel sur la route du Mondiale 90. L’affaire Cantona a connu son épilogue : le sanguin Marseillais est suspendu de toute sélection jusqu’au 1er juillet 1989, Espoirs compris. Le sélectionneur en mal d’inspiration a choisi de rappeler Daniel Bravo, après quatre ans d’éclipse. L’ancien Petit prince du Ray est d’ailleurs à l’origine du penalty transformé par Papin face à la Norvège. La campagne de qualifications est sur de bons rails, place à un voyage à Chypre où il faudra soigner la différence de buts.

En Corée, on assiste aux triomphes de Jean-François Lamour au sabre, de l’haltérophile d’origine bulgare Suleymanoglu et de la nageuse est-allemande Kristin Otto. Ben Johnson est sacré roi du 100 mètres, pour quelques jours à peine, un scandale vite évacué par la grâce de Florence Griffith-Joyner. En deux courses espacées d’une heure et demie seulement, « Flo Jo » retranche 15 puis 22 centièmes au record du monde du 200 mètres, précédemment détenu par les Allemandes de l’Est Koch et Drechsler. Côté alsacien, le judoka de Kingersheim Bruno Carabetta remporte le bronze, victime selon Bernard Delattre, envoyé spécial des Dernières Nouvelles d’Alsace, d’un arbitrage maison bénéficiant au local Lee.

Enfin, Michel Rocard mettra bientôt à l’épreuve sa politique d’ouverture, les deux projets de loi sur l’Impôt de Solidarité sur la Fortune et le Revenu Minimum d’Insertion (le premier devant financer le second) promettent une redistribution des cartes. Si le groupe communiste soutiendra le gouvernement – il faudra bien sauver les mairies PCF aux futures municipales –, le groupe barriste Union du Centre, tenant d’une « opposition constructive » votera le RMI mais pas l’ISF.

Appelé à justifier la mise à l’écart de Kasperczak, Jean-Pierre Dogliani évoque, outre le classement, « la détérioration du jeu de l’équipe, la dégradation à tous les niveaux. Il n’y a plus d’âme au sein de ce groupe. » Outre l’inévitable rumeur Gilbert Gress – qui confiera avoir été appelé par Dogliani, mais entend demeurer fidèle à son contrat avec le Xamax –, la presse évoque les noms de Kurt Linder, ancien entraîneur de Gress à l’OM, tout juste congédié de l’Ajax ou encore Gérard Banide.
Dans un billet d’humeur, Jean-Pierre Meyer se veut plus équilibré que le constat à charge du directeur général et croit possible le sursaut : « L’effectif, avec ou sans Pita (il faudra bien un jour parler aussi d’un recrutement pas vraiment convaincant pour le moment, Mège excepté), se révèle certainement capable s’assurer son maintien. »

Le dernier mot revient à Daniel Hechter, bien des années plus tard, qui consacre un chapitre de ses mémoires (Daniel par Hechter, Pygmalion, 2013) à son expérience strasbourgeoise. Une source à considérer avec prudence, l’exercice représentant souvent une occasion de réécrire l’histoire. Ainsi Hechter n’échappe pas aux trous de mémoires : il se souvient avoir recruté Monczuk en même temps que Specht, ou encore affirme que le jeune Djorkaeff avait été acheté en compagnie de Pita et des Allemands Alloff et Rolf (sic) pour affronter la D1 en 1988.
Le couturier affirme avoir douté des capacités de Kasperczak dès la fin de saison de deuxième division, lorsque le Racing tarda à verrouiller sa montée au printemps 1988. Il raconte avoir sondé ses seconds Pierre Kubel et Eddy Lacotte dans la voiture, en rentrant du match de la montée à Valenciennes. Ces derniers l’avaient dissuadé, mais cet épisode en dit long sur la confiance dont bénéficiait l’ancien du Stal Mielec sur ce début de saison : « Vous voulez le garder ? Très bien, j’espère qu’on ne le regrettera pas. »

L’ère Kasperczak prend fin. Le technicien polonais a ramené le club en première division, son niveau naturel, mais a paru impuissant face à la transformation de l’effectif. A son actif, une montée directe en D1 accompagnée d’un titre de champion de D2 à la légitimité certes discutable et surtout l’accomplissement d’une saison entière à la tête de l’équipe, une première depuis Sundermann en…1983/84.
Au matin du match contre Caen, le 1er octobre, la presse locale annonce la venue imminente de Gérard Banide, qui assistera à la rencontre.

Article réalisé à partir des archives des Dernières Nouvelles d'Alsace, consultables à la médiathèque André Malraux ou au Musée historique de Haguenau.

kitl

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