Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Jacky Vergnes, chasseur de primes

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Par kitl
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Premier buteur du Racing sur la route du titre de 1979 avant de le quitter avec fracas, cet avant-centre opportuniste a débuté et achevé sa carrière à Montpellier.

Grand baroudeur du football français des années 1970, parfois affublé du qualificatif de mercenaire, Jacques Vergnes figure parmi les meilleurs buteurs de l’histoire du championnat de France, avec plus de 150 réalisations. Numéro 9 au tempérament quelque peu instable, il a connu bon nombre de changements de club. Il débuta chez les pros au moment où s’éteignait à petit feu le Stade Olympique Montpelliérain et acheva sa carrière au sein du Montpellier Paillade Sport Club, propriété de Louis Nicollin.
Entretemps, Vergnes s’est retrouvé au cœur de l’une des rares polémiques ayant émaillé la fantastique saison 1978-79 du RC Strasbourg.

Héraultais de naissance, le jeune Jacques Vergnes – la mode des Jacky n’est pas encore passée par là – hésite encore entre une carrière de footballeur et le métier de dépanneur de télévisions alors qu’il évolue chez les amateurs du FC Sète. A moins de 18 ans, il suit son formateur Marcel Tomazover au Maroc, à Oujda, pour une expérience furtive. C’est finalement au SOM que débute une prolifique carrière. Relégué pour la dernière fois en 1962, Montpellier peine à relancer la machine en deuxième division. Couvé par l’ancien meneur de jeu de Monaco, double champion de France 1961 et 1963, Théodore Szkudlapski, dit Théo, Vergnes se révèle sacrément prometteur. Outre Théo, une autre bonne fée se penche sur son berceau : le gardien de but Pierre Bernard, titulaire en Equipe de France au début de la décennie, le recommande au Red Star. C’est ainsi que le Languedocien rejoint la banlieue parisienne et le club toujours entraîné par Jean Avellaneda.

Victime d’un certain déracinement, conjugué à un exil sur l’aile, Jacques Vergnes ne donne pas la pleine mesure de son talent au stade Bauer, en dépit de la présence à ses côtés de José Farias. C’est à Johnny Schuth, autre vainqueur de la Coupe de France 1966, que Vergnes inscrit ses deux premiers buts en D1.
Pas ravi de la tournure prise par son séjour audonien, celui qui rêve d’occuper une position d’avant-centre répond favorablement aux sollicitations de Kader Firoud, le technicien nîmois. Et ce en dépit de l’arrivée prochaine au Red Star de Marcel Tomazover…

Firoud, apôtre d’un football physique et engagé, a toutefois réussi à faire « marcher » bon nombre d’attaquants. Vergnes prend la balle au bond et inscrit 27 puis 25 buts pour ses deux premières saisons. De quoi faire reparaître le Nîmes Olympique en haut de classement et s’attirer les faveurs de Georges Boulogne, sélectionneur en quête de doublures à Hervé Revelli et Marc Molitor. Jacky Vergnes est ainsi titularisé en septembre 1971 à Oslo pour un match de Championnat d’Europe : entouré de Blanchet et Loubet, il marque comme ses deux compères d’attaque. Assez inexplicablement, l’expérience restera sans lendemain.

Après trois saisons et demi plutôt fructueuses, le natif de Magalas est finalement échangé contre le Bastiais Kanyan. Débute alors une petite odyssée qui le mènera ensuite au Stade de Reims, où il doublonnera avec Carlos Bianchi, chez le promu lavallois et enfin à Strasbourg en 1977. De retour en D1, le Racing réalise une intersaison astucieuse en mettant le grappin sur des éléments de valeur, expérimentés et souvent barrés dans leur club. Reims ne veut plus de Vergnes et accepte le transfert payé en douze traites – un arrangement en principe proscrit raconté par Alain Léopold au journaliste Francis Braesch.

Cette équipe montée par Gilbert Gress, associant de nombreux jeunes côtoyés à la fin de sa carrière de joueur et les Novi, Piasecki, Schilcher, Domenech, surprendra à la fois le public alsacien, redevenu fidèle, ainsi que le football français, bousculant la hiérarchie stéphano-nantaise. Les promus sont à la fête : Monaco est sacré et Strasbourg monte sur la troisième marche du podium.
Auteur de 11 buts, Jacky Vergnes a toutefois vécu la fin de saison en pointillés, éclipsé par le retour de blessure de Roland Wagner. Il débute toutefois la saison 1978-79 dans le costume de titulaire, porteur du numéro 9 contre Lyon, le 19 juillet 1978 à la Meinau.

Ce match inaugural est laborieux. Strasbourg peine à imposer son jeu et le public manifeste son impatience. Servi par Raymond Domenech, Vergnes bat Yves Chauveau et assure au Racing un premier succès étriqué. A nouveau titulaire à Laval (2-2), le Méridional est relégué sur le banc dès le troisième match contre Nantes. Gilbert Gress l’envoie s’échauffer toute la seconde mi-temps pour le faire entrer à la 87è minute. Ce traitement irrite Vergnes, qui n’avait pas vu venir ce changement de statut : « A Strasbourg je ne suis plus qu'à 30 % de mes moyens. Si l'on ne veut plus de moi je m'en vais. Je veux en référer au président. A 30 ans il me faut penser à mon avenir » (citation reprise de l’épisode 1 de la série « Une saison inoubliable »).
Devenu persona non grata en quelques semaines, Jacques Vergnes entre encore en jeu lors de la victoire chez le champion en titre monégasque et restera cantonné au banc à Reims. Il sera finalement transféré à Bordeaux fin septembre, échangé contre le Tchadien Toko, le RCS empochant 400.000 francs dans la transaction.

Pur avant-centre, Vergnes a davantage été victime de son profil unidimensionnel que d’une quelconque « préférence régionale » accordée à Roland Wagner, voire Joël Tanter, l'Alsacien du Morbihan. Ce dernier occupe avec brio le rang d’avant-centre, la définition des postes étant de toute manière purement théorique dans le football de mouvement, de courses et de permutations impulsé par Gilbert Gress. A l’instar de Carlos Bianchi quelques mois plus tard ou de Didier Monczuk bien des années après, Jacques Vergnes ne participe pas suffisamment au jeu et son efficacité chirurgicale ne saurait le sauver au vu des résultats obtenus par le Racing et par la triplette Wagner-Tanter-Gemmrich.

Son séjour bordelais sera surtout marqué par un retentissant quadruplé réussi sur la pelouse du Parc des Princes face au PSG. Agé de 31 ans, Vergnes sent le vent tourner et répond favorablement à l’appel de Louis Nicollin, qui entreprend de rénover le football montpelliérain. Son profil de vétéran s’inscrit parfaitement dans le cadre pailladin, à la suite des Fleury Di Nallo, Louis Landi, Henri Augé, Jean-Pierre Betton, Georges Calmettes, Hugo Curioni… Certains parmi ces anciens ont connu la fin du SOM, d’autres furent d’emblématiques Nîmois. Témoignage suprême de cette construction « aux dépens » du voisin gardois : Michel Mézy puis Kader Firoud rejoignent également le projet montpelliérain.

Passé de la DH en 1976 à la première division en 1981, le MPSC supporte difficilement la crise de croissance et vit un calvaire. Les dernières recrues – Enzo Trossero, Luizinho (encore un Nîmois), Jacques Santini – n’apportent pas assez, tandis que Mézy et Vergnes squattent l’infirmerie. L’avant-centre, encore meilleur buteur du groupe B de D2 en 1980, ne dispute que quatre rencontres sans jamais trouver le chemin des filets. Une disette inédite depuis ses débuts quinze ans auparavant qui précipite sa fin de carrière.

Même s’il n’a participé qu’à quatre matchs de la saison du titre, Jacques Vergnes demeure pleinement champion de France 1979 avec le Racing Club de Strasbourg. Il était à ce titre présent à la Meinau pour la petite célébration organisée le 27 avril 2009 en marge d’un Strasbourg-Metz (0-0). L’histoire ne dit pas quel club il soutenait un mois plus tard un soir brûlant à la Mosson.

kitl

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