Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Le Malais fait

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Souvenir/anecdote
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Par athor
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© moietmoi

A la fin de la mouvementée saison 1999/2000, le Racing s'est envolé pour une surprenante tournée en Malaisie. Un voyage symbole des années Le Roy, qui va aussi être, indirectement, à l'origine de l'affaire des faux passeports dans le football français.

Été 1998, la France fête son premier titre de champion du monde de football, avec un engouement jamais vu pour ce sport. Ses acteurs s'accordent pour dire que ce succès aura des répercussions positives pour l'ensemble des clubs professionnels, qui verront un afflux de public dans leurs stades et des vedettes sur le terrain. Un véritable tournant donc, pensait-on. A Strasbourg, on "fête" les un an de la prise de pouvoir d'IMG McCormack. Sur le terrain, l'équipe s'est péniblement maintenue à la faveur d'une victoire face à Montpellier, sous la houlette de René Girard, finalement non conservé. Pour surfer sur la vague de la Coupe du monde, Patrick Proisy décide de changer le mode de fonctionnement, en recrutant un manager général reconnu, qui sera chargé de l'ensemble du secteur sportif. Éphémère directeur sportif du PSG, puis sélectionneur du Cameroun durant le Mondial, Claude Le Roy débarque à ce poste, en étant précédé, à l'époque, d'une solide réputation. Son premier choix est d'installer un homme de confiance, Pierre Mankowski, au poste d'entraîneur. Les deux hommes se sont connuS à Amiens, lorsque le premier entraînait le second. Mankowski fut également l'adjoint de Le Roy en sélection camerounaise. Avec un recrutement bien loin des joueurs référencés promis par le président Proisy, le Racing effectue une saison 1998/1999 poussive et ne doit son maintien qu'à un sursaut au printemps.

Un an après son arrivée, Claude Le Roy décide de passer à la vitesse supérieure et promet une réelle amélioration de l'équipe, avec des joueurs destinés à exploser à Strasbourg. Débarquent donc Diego Hector Garay, annoncé meilleur que Marcelo Gallardo, arrivé dans le même temps à Monaco, Mario Haas, meilleur buteur du championnat autrichien, Gonzalo Belloso, Pierre Njanka, Joseph N'Do ou encore Pape Malick Diop. Le début de saison est plutôt correct, avec trois succès lors des cinq premières rencontres, mais le RCS traverse une grave crise de résultats à l'automne. Avant-dernier au soir de la 16ème journée, après un revers à la Meinau face au Havre, le club doit connaître un changement. Pourtant, Claude Le Roy a annoncé maintenir sa confiance à Mankowski, au moment où la presse évoquait la possibilité de voir le manager général s'installer sur le banc. Reniant sa promesse (« je ne laisserai jamais mon "pote" partir seul »), l'ancien "sorcier blanc" écarte l'entraîneur en place et devient coach à la fin du mois de novembre. « Un coup de poignard dans le dos de la part d'un ami de trente ans » déclarera Pierre Mankowski par la suite. Ce dernier figurera toujours sur les feuilles de match durant le reste de la saison, Le Roy n'ayant pas les qualifications requises.

Néanmoins, le redressement est spectaculaire : le Racing se met à enchaîner les bons résultats, dans le sillage d'un Peguy Luyindula, 20 ans, qui se révèle après avoir poussé sur le banc les déceptions Haas et Belloso. Strasbourg termine 9ème, à seulement trois points de la 5ème place. Surtout, sous la houlette de Claude Le Roy, c'est à dire à partir de la 17ème journée (18 matchs), l'équipe a pris 30 points, soit deux de moins que le champion Monaco.

Tous les espoirs sont donc permis pour le RCS, et Claude Le Roy est bien décidé à renforcer encore son équipe, mais également à développer le club à l'international, conformément aux souhaits de Patrick Proisy et d'IMG McCormack, qui ont l'ambition de créer une « marque Racing » exportable dans le monde. C'est dans ce but que, dès le mois de novembre 1999, soit avant l'installation de Le Roy sur le banc de l'équipe première, deux joueurs malaisiens, Rizal Akmal et le défenseur Juzaili Samion, sont arrivés à Strasbourg. Pourquoi la Malaisie ? Tout simplement parce que le manager général en fut le sélectionneur pendant deux ans, entre 1994 et 1996, et qu'il voit là un moyen de s'ouvrir vers l'Asie. Les deux joueurs, solides espoirs dans leur pays, rejoignent le FR Haguenau (CFA2) de Pierre Pleimelding en prêt au mois de janvier, dans le cadre du partenariat entre les deux clubs, tout en s'entraînant à Strasbourg le matin.

C'est donc dans ce contexte, avec un mercato qui s'annonce assez animé dans les deux sens, que les Strasbourgeois s'envolent le dimanche 14 mai, soit le lendemain de leur dernier match à Lens, pour Kuala Lumpur, en Malaisie. Alors que tous les autres footballeurs de l'Hexagone sont en vacances, une tournée d'une dizaine de jours, ponctuée de trois matchs amicaux, a été ajoutée par Claude Le Roy. Si certains éléments, sur le départ, sont restés à Strasbourg (Nielsen, Haas, Rouxel...), d'autres ont l'occasion de se montrer, comme Rizal Akmal, qui vient d'effectuer une bonne saison à Haguenau. Arrivée le lundi matin à 8h, heure locale, l'équipe joue son premier match le mercredi 17 mai à 20h15, face à la Sabah Team, un club du championnat national, au stade Likas de Kota Kinabalu. Sous une chaleur tropicale, les hommes de Claude Le Roy s'imposent tranquillement 4-0, avec des buts de Bagayoko, Zitelli, Belloso et Marsiglia.

En attendant la prochaine rencontre, prévue le dimanche face au Dinamo Zagreb, la délégation strasbourgeoise, composée des joueurs et de nombreux dirigeants et membres du staff, a profité de cette tournée lointaine pour voir autre chose. La plupart des joueurs sont ainsi allés découvrir les îles environnantes, avant d'organiser des tournois de beach-volley. Un air de colonie de vacances, à défaut de pouvoir partir avec leurs familles respectives. Le vendredi, le Racing rejoint la capitale Kuala Lumpur pour être reçu à l'Ambassade de France, puis par le prince héritier, qui est aussi président de la fédération malaise et qui vient de recevoir la visite de Franz Beckenbauer, venu présenter la candidature allemande pour le Mondial 2006. Le monarque est par ailleurs, si on en croit l’intéressé, un ami personnel de Claude Le Roy.

Le dimanche 21 mai, c'est donc face aux Croates du Dinamo que le RCS dispute son second match amical. Dans l'immense stade Shah Alam, les Strasbourgeois s'imposent 2-0, grâce à des buts de Luyindula et d'Akmal. Au sujet de ce dernier, l'entraîneur est assez énigmatique quant à la prolongation de son séjour en Alsace : « restera-t-il chez nous ? On verra avec le Prince. » Se pose alors la question du quota de joueurs extra-communautaires, les clubs français étant limités à trois joueurs hors CEE. Deux jours plus tard, c'est l'heure du dernier match de la tournée. Direction Kuantan, sur la côte est du pays, pour affronter la Pahang team, quatrième du championnat national, au stade Darulmakmur, toujours sous une chaleur suffocante. Résultat, une nouvelle victoire 2-0, avec des buts de Zitelli sur coup-franc et d'Akmal, encore lui, qui a également manqué un penalty. Claude Le Roy a une nouvelle fois fait tourner son effectif, se permettant même, en toute fin de match, de faire sortir Thierry Debès, légèrement touché, pour aligner Gonzalo Belloso dans les buts. Une changement qui sera réédité quelques semaines plus tard, à Rennes en championnat, dans un tout autre contexte.

Après un mercredi de repos au bord de la mer de Chine, la délégation alsacienne embarque dans l'avion du retour le jeudi 25 mai pour un atterrissage à Francfort le lendemain. Arrivés en Allemagne, les joueurs ont ainsi pu partir en vacances, avant la reprise de l'entraînement, prévue le 26 juin, avec un stage à Munster, une destination bien moins exotique. Un joueur est toutefois retenu par le service des douanes de l'aéroport de Francfort : Diego Hector Garay. Le passeport italien du meneur argentin est examiné attentivement, et la consultation du fichier Interpol indique qu'il s'agit d'un faux, ou plus exactement d'un document volé et falsifié. Resté durant ces quelques heures, Claude Le Roy rentre avec lui à Strasbourg, sans qu'aucune communication de l'infraction n'ait été faite aux douanes françaises, visiblement pas au courant de l'histoire, et sans que l'affaire ne soit publiquement révélée. Étonnant quand on sait que le délit est passible de poursuites judiciaires et déclenche quasi-automatiquement une procédure de reconduite à la frontière. D'un point de vue sportif, cette fraude a permis au Racing d'aligner un joueur extra-communautaire supplémentaire (en plus des trois autorisés, qu'étaient N'Do, Njanka et Diop). Si au niveau national, l'affaire éclate au mois de septembre 2000, avec les passeports des Stéphanois Alex et Aloisio, Claude Le Roy avait choisi de rester discret avec Garay, l'exfiltrant rapidement à Talleres, en Argentine, dans le cadre d'un prêt. Mais l'histoire du faux passeport italien refait surface, et Nancy, relégué la saison précédente après le match face au RCS, auquel Garay a pris part, envisage de porter plainte. Une affaire qui sera alors utilisée dans la procédure de licenciement de Claude Le Roy, en novembre 2000.

Anecdotique au départ, quoique étrange pour l'époque, cette tournée en Malaisie semble être un vrai tournant dans la période IMG McCormack. Sur une pente ascendante sportivement, au sortir de la saison 1999/2000, malgré quelques interrogations sur le recrutement et les échecs Haas et Belloso, notamment, le Racing va basculer vers l'abime dès le mois de juin suivant le retour d'Asie. Encore aujourd'hui, on peut s'interroger sur la pertinence d'un stage de dix jours sous un climat tropical, surtout avec un intérêt sportif limité, au moment où tous les autres footballeurs français étaient déjà en vacances. Claude Le Roy, proche des instances du pays, avait-il un intérêt personnel dans cette tournée ? Dans le transfert de Rizal Akmal ? Celui qui est alors à la fois manager général et entraîneur n'a de plus pas pris la mesure de l'importance du recrutement, privilégiant parfois ses intérêts personnels à ceux du club (il fut d'ailleurs condamné par la justice). Ainsi, les transferts de Jacques Rémy, Stéphane Roda, Nuno Mendes et autre Vincent Doukantié ne permirent pas de vivre autre chose qu'une saison cauchemardesque en 2000/2001.

athor

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