Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

L'Intertoto : petit parfum d'Europe

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Souvenir/anecdote
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Par athor
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David Zitelli face à Metz (photo DNA)

Avec les tours préliminaires de Ligue Europa, le Racing va redécouvrir le marathon estival des matchs européens, face à des adversaires souvent peu connus. Une aventure qui n'est pas sans rappeler la défunte coupe Intertoto, jouée deux fois par le RCS, en 1995 et 1996.

Compétition souvent dévaluée, sujette aux moqueries et aux défections des clubs, la coupe Intertoto fut, entre le milieu des années 1990 et la fin des années 2000, le moyen pour des clubs n'ayant pas brillé dans leur championnat de tenter de gratter un strapontin européen. Mais avant de renaitre en 1995 sous l'égide de l'UEFA, cette compétition fut avant tout un moyen de générer de l'argent pour des sociétés de paris sportifs. Nous sommes en 1961 et l'absence de compétition durant près de trois mois entre mai et août cause du tort à cette industrie, qui compte alors quasi exclusivement sur le football pour générer du chiffre d'affaires. Trois hommes décident alors de créer un tournoi qui opposeraient des clubs européens. Ernst Thommen, patron du loto sportif suisse, Karl Rappan, entraîneur autrichien de la sélection suisse, et Eric Persson, président du club suédois de Malmö, lancent l'International Football Cup, qui deviendra coupe Intertoto en 1967 et qui se jouera uniquement l'été. Au départ, l'UEFA, sans être opposée à l'idée, souhaitait en rester éloignée, du fait de son aspect purement commercial et de son lien direct avec les sociétés de paris sportifs. Pendant près de trente ans, la compétition ne fut pas vraiment prise au sérieux, d'autant qu'elle ne désignait pas vraiment de vainqueur et n'offrait pas de trophée, les clubs participants voyant surtout l'occasion de disputer des matchs amicaux améliorés. Au début des années 1990, l'UEFA revoit sa position et décide de reprendre en main la gestion de la coupe Intertoto, pour en faire une sorte de phase de qualification pour sa coupe de l'UEFA.

La première édition, en 1995, réunissait donc 60 équipes, réparties en 12 groupes de 5. Chacune de ces équipes s'affrontait une seule fois en phase de poules, et les 12 vainqueurs, ainsi que les 4 meilleurs deuxièmes, se retrouvaient en huitièmes de finale, joués sur un seul match. Les quarts de finale étaient ensuite considérés comme les finales de la coupe Intertoto, puisque les quatre vainqueurs se retrouvaient entre eux au tour préliminaire de la coupe de l'UEFA. Un format assez abscons, car peu lisible pour le grand public, mais une vraie opportunité pour des clubs habituellement éloignés de la coupe d'Europe.

En France, quatre clubs sont invités à participer à la première édition : Bordeaux, Metz, Cannes et Strasbourg, qui ont fini respectivement 7ème, 8ème, 9ème et 10ème de D1 lors de la saison 1994/1995. Pour le Racing, c'est l'occasion de se racheter après une saison décevante, marquée par le remplacement de l'entraîneur Daniel Jeandupeux, dont les méthodes n'ont jamais convaincu, par Jacky Duguépéroux, et surtout, par la finale de coupe de France, perdue face au PSG. Placée dans le groupe 11, l'équipe est opposée aux Turcs de Genclerbirligi, aux Maltais du Floriana la Valette, aux Autrichiens du Tirol Innsbruck et aux Israéliens de Petah-Tikva.

Le premier match a lieu à la Meinau, quinze ans après la dernière rencontre européenne face à l'Ajax Amsterdam en quart de finale de coupe d'Europe des clubs champions. Programmée le 1er juillet, l'affiche ne déchaîne pas les passions du côté des supporters strasbourgeois. A l'inverse, côté turc, la mobilisation est assez impressionnante, avec la présence de plusieurs milliers de spectateurs, venus notamment d'Allemagne. L'équipe de l'entraîneur belge Georges Heylens, qui avait été évoqué quelques mois plus tôt comme possible remplaçant de Jeandupeux, reste une inconnue pour le staff alsacien. Sur le terrain, la domination du RCS est nette, grâce notamment à la paire de recrues offensives David Zitelli et Gérald Baticle. Ce dernier ouvre le score à la demi-heure de jeu, avant que Mostovoï puis Zitelli n'inscrivent coup sur coup le second et le troisième but dès le retour des vestiaires. Une réalisation qui a le don d'énerver les supporters visiteurs, qui avaient, jusque là, assuré une très chaude ambiance. Pensant que Wilfried Gohel, le passeur décisif pour Zitelli, était hors jeu, ils expriment leur colère en arrachant des sièges (56 selon le décompte de Jean-Michel Colin) et en jetant bouteilles, chaussures et autres objets sur le terrain. La partie est arrêtée quelques minutes, sans incidence sur le résultat final de 4-1 pour le Racing. Une ambiance houleuse, qui n'a pas annihilé les joueurs strasbourgeois, à l'image de Martin Djetou qui en a vu d'autres : « ce n'est rien à côté de ce que j'ai vécu là-bas avec l'équipe de France militaires et espoirs. Par deux fois, nous avions gagné 5-0 et 2-1, mais je vous passe tout ce que nous avons reçu comme projectiles sur le terrain. »

L'ambiance sera plus calme une semaine plus tard à Malte, face au Floriana la Vallette. Délocalisé au petit stade de l'île de Gozo, le stade du Floriana étant indisponible, la rencontre est à sens unique, avec un grand nombre d'occasions. Le score final de 4-0 est presque un moindre mal pour les joueurs maltais, presque tous amateurs à l'exception des deux Serbes, venus avec l'entraîneur Dragan Novcic. Ces deux victoires inaugurales sont aussi l'occasion pour Jacky Duguépéroux pour constater l'évolution de son groupe : « le climat d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui de la saison dernière, le groupe a retrouvé son unité. Entre les nouveaux et les anciens, l'osmose est en train de se réaliser. Les joueurs sont en confiance. »

Le troisième match, à domicile face au Tirol Innsbruck, arrive à cinq jours de la reprise de la D1, face à Montpellier. Si la rencontre a un petit goût de finale, puisque une victoire peut assurer la qualification en huitième de finale, l'entraîneur se montre assez réservé : « si la qualification est au bout tant mieux, sinon tant pis. La date importante, c'est celle du 19 juillet, face à Montpellier. D'ici là, nous ne prendrons pas de risque. » Mais avec son équipe type du moment, le Racing ne fait qu'une bouchée des Autrichiens, l'emportant 4-0, et assure le passage au tour suivant. Ne reste alors plus qu'un déplacement en Israël, à Petah-Tikva pour achever la phase de groupe sur une bonne note. Privé de Frank Leboeuf, retenu en équipe de France pour sa première sélection face à la Norvège, Duguépéroux fait le choix de remanier totalement son groupe, afin de préserver les titulaires pour le match de championnat face au Havre quatre jours plus tard. Dans le onze de départ, on retrouve ainsi les jeunes David Klein, Franck Bernhard, Aziz Rabbah ou encore François Keller, ainsi que le Nord-Irlandais Michael Hughes, poussé vers la sortie quelques jours plus tard. Disputé sous une chaleur étouffante, la rencontre s'achève sur un match nul 0-0, dont on retiendra surtout l'expulsion de Hughes, à la suite d'une altercation avec un défenseur israélien. Pour Raymond Hild, le directeur sportif, ce déplacement fut « un bon petit match d'entraînement. Il a permis à Jacky de voir à l'oeuvre des joueurs qui n'ont pas trop joué ces dernières semaines et de tester quelques jeunes. »

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Marc Keller face à Innsbruck (photo DNA)

Qualifié en huitième de finale, comme Bordeaux et Metz, Strasbourg hérite des Autrichiens du Vorwärts Steyr, qui a créé l'exploit en écartant l'Eintracht Francfort au tour précédent. Avant le coup d'envoi du match, à la Meinau, le staff alsacien avouait ne pas connaître grand chose du dernier 8ème (sur dix) du championnat autrichien, si ce n'est qu'il s'agit « d'une équipe bien organisé défensivement. » Une caractéristique qui ne s'est pas vraiment vue sur le terrain, puisque Marc Keller et Franck Sauzée, chacun par deux fois, vont faire exploser les visiteurs, qui s'inclinent 4-0. Ces derniers ont d'ailleurs fini la rencontre à neuf joueurs sur le terrain, après deux expulsions. Gérald Baticle a d'ailleurs dû sortir sur blessure après une agression de Marko Felbermayer. Malgré le succès probant, Jacky Duguépéroux était d'ailleurs assez remonté: « on m'avait dit que Steyr était une équipe bien organisée, on ne m'avait pas dit que c'était une équipe de tueurs. » Qualifié en quart de finale, c'est à dire le dernier tour de la coupe Intertoto, le Racing affrontera Metz, au stade Saint-Symphorien, les Lorrains s'étant imposé 2-0 en Roumanie, à Piatra Neamt.

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Rien n'arrête le Tsar ! (photo DNA)

Le match est programmé le mercredi 2 août, trois jours avant la troisième journée de D1. Privé de Gérald Baticle, Rémi Garde et Wilfried Gohel, Jacky Duguépéroux fait preuve de sa prudence habituelle : « nous partons à égalité de chances face à un adversaire qui totalise quatre points en championnat et est invaincu en coupe Intertoto, comme nous. » Tout l'inverse de Frank Leboeuf, qui lance le derby à sa manière : « il faudra se hisser au même degré de volonté et de hargne qui caractérise l'équipe messine. Car techniquement et tactiquement, nous sommes supérieurs aux Lorrains. » Dans un schéma inhabituel à cinq défenseurs, avec Frank Leboeuf en libéro derrière les deux stoppeurs David Régis et Martin Djetou, le Racing fait jeu égal avec Metz. Les occasions se succèdent de part et d'autres, mais Strasbourg prend le dessus après l'expulsion de Didier Lang à la 68ème minute. Dix minute plus tard, Yannick Rott déborde sur son côté et passe en retrait pour Franck Sauzée qui, de 35 mètres, envoie un missile vers le but de Jacques Songo'o. Avec l'aide du poteau, l'ancien Marseillais ouvre le score, imité en toute fin de match par le Tsar Alexander Mostovoï qui dribble Gaillot, Song et Blanchard avant de conclure des 16 mètres.

Quinze après, Strasbourg retrouve une "vraie" coupe d'Europe, en accédant au tour préliminaire de la coupe de l'UEFA. C'est du moins la vision du public et de la presse. Dans le vestiaires, les joueurs, à l'image de Marc Keller, estiment ne pas encore être arrivés : « on sera vraiment en coupe d'Europe au moment du tirage au sort des 32ème de finale. Nous avons déployé beaucoup d'efforts depuis le début de saison pour aller jusqu'au bout et ne pas trébucher sur la dernière marche. » Cette dernière marche est une équipe désormais bien connue, le Tirol Innsbruck, vainqueur du Bayer Leverkusen aux tirs au but lors du tour précédent.

Le tour préliminaire se joue cette fois-ci avec une formule aller-retour. Après un match nul 1-1 en Autriche, le Racing offre un feu d'artifice au public de la Meinau, avec six buts, dont cinq en seconde période, et se qualifie pour les 32èmes de finale de la coupe UEFA, face aux Hongrois d'Ujpest. L'aventure européenne s'achèvera au tour suivant, face au mythique Milan AC, au terme d'une double confrontation mémorable. Bien que décriée et dévalorisée dans les médias, cette coupe Intertoto 1995 aura donc permis à Strasbourg de vivre douze soirées européennes. Et pour l'autre vainqueur français, Bordeaux, le parcours fut encore plus important, puisqu'il s'acheva par la finale face au Bayern Munich.

Un an plus tard, le Racing a une nouvelle fois terminé son championnat en milieu de tableau, à la 9ème place, et a donc la possibilité d'accepter l'invitation en coupe Intertoto, tout comme Nantes (7ème), Rennes (8ème) et Guingamp (10ème). Si certains joueurs, à l'image de la recrue Francis Llacer sont motivés à l'idée de jouer cette compétition (« il ne s'agit pas d'une coupe au rabais. La saison dernière, elle a permis au Racing de se frotter au Milan AC et à Bordeaux d'arriver en finale de C3. La coupe d'Europe, cela implique avant tout un esprit de groupe et un bon mental »), ce n'est pas vraiment le cas de Jacky Duguépéroux, qui se plaint d'un effectif encore incomplet au moment de la préparation et du cas de certains joueurs sur le départ, à l'image d'Alexander Mostovoï. Strasbourg est placé dans le groupe 11, en compagnie des Turcs de Kocaelispor, des Maltais d'Hibernians la Valette, des Russes d'Iekaterinbourg et des Bulgares du CSKA Sofia.

Le premier match, à domicile, face à Kocaelispor fait penser au match de la saison précédente face à Genclerbirligi. Les supporters turcs sont venus en masse au stade de la Meinau, de 4 à 5000 selon les DNA, avec une tribune nord entièrement dévolue aux visiteurs. La faible affluence de 6704 laisse imaginer l'ambiance hostile dans laquelle les Strasbourgeois parviennent à arracher le match nul 1-1. L'ambiance est bien plus feutrée une semaine plus tard dans la capitale de Malte, face au dernier deuxième du championnat local. Alors que toute l'attention des suiveurs du RCS se porte sur le futur transfert de Mostovoï au Celta Vigo pour 15 millions de francs, le Racing, qui vient d'enregistrer le renfort de Jean-Luc Dogon et de Godwin Okpara, gagne tranquillement 2-0, un score acquis à la pause. Jacky Duguépéroux se contente de cette performance face aux amateurs d'Hibernians : « nous avons un peu souffert après la pause, parce que nous sommes en plein travail foncier. Le championnat ne reprend que dans plus d'un mois. Nous n'avons pas la moindre séance de vitesse derrière nous. »

C'est avec cet état d'esprit détaché de l'enjeu de la compétition que Strasbourg accueille le leader du groupe, Ouralmach Iekaterinbourg, pourtant lanterne rouge du championnat russe, qui a débuté au mois de mars. A cette occasion, les dirigeants alsaciens souhaitent faire participer le milieu offensif écossais Allan Johnston, alors à l'essai, mais la fédération écossaise n'en a pas donné l'autorisation. Privé d'Alexander Vencel, touché au poignet lors de l'échauffement et remplacé au pied levé par David Klein, le Racing entre bien dans son match et ouvre le score par Gérald Baticle. Mais les Russes durcissent le ton et serrent les rangs après l'égalisation de Litvinov. La seconde période ressemble à une guerre de tranchées, dans laquelle l'arbitre portugais semble perdu. En fin de match, celui-ci va même expulser Bruno Rodriguez pour avoir jeté ses protège-tibias en dehors du terrain. Le match nul 1-1 fait les affaires des visiteurs, plus que jamais en position de force pour se qualifier au tour suivant. Pour les hommes de Duguépéroux, il faudra gagner à Sofia tout en espérant une victoire de Kocaelispor, déjà éliminé, à Iekaterinbourg.

En Bulgarie, avec le Belge Karim M'Ghoghi encore à l'essai, mais qui s’apprête à signer un contrat de trois ans, et la nouvelle recrue Jan Suchoparek, le Racing réalise un très bon match (« de loin notre meilleur match, le jour et la nuit par rapport à nos précédentes productions » d'après Max Hild), mais manque de réussite, à l'image du poteau trouvé par Okpara et de la barre transversale de Vincent Petit en toute fin de match. La partie s'achève sur un score de 0-0, mais qui ne laisse pas de regrets, Iekaterinbourg ayant logiquement battu Kocaelispor.

Cette seconde campagne de coupe Intertoto s'achève donc prématurément au stade de la phase de groupes. Peu motivé, le Racing se rattrapera cette saison là par un parcours victorieux en coupe de la ligue, et par un championnat plutôt réussi, malgré une toute fin décevante. Ce fut surtout la dernière apparition du club dans cette compétition qui disparaitra en 2008, avec la refonte totale des coupes d'Europe. Désormais, les clubs autrefois conviés en coupe Intertoto s'affrontent lors des tours préliminaires de Ligue Europa, sous forme de confrontations aller-retour. Pour le Racing, l'entrée en lice face au Maccabi Haïfa peut donc rappeler ces souvenirs estivaux de 1995 et de 1996.

athor

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