Une soirée en enfer

En plus des dix bus d’associations de supporteurs partant de la capitale européenne direction la capitale de la finance européenne, des centaines de voitures alsaciennes empruntent la fameuse HaFraBa pour gagner la Commerzbank-Arena. Le voyage n’est pas de tout repos, un bus tombe en panne et n’arrivera au stade qu’à la fin de la première mi-temps. Pour les autres, ce sont les fameux bouchons / Stau qui perturbent le voyage. Les bus finiront ce dernier à contre sens sur l’autoroute, escortés par la police pour rejoindre l’immense parking visiteur rempli de 67. A son entrée, on distingue une tonnelle siglée du logo RCS ainsi qu’un stand bières / saucisses, tous les deux nappés d’un halo bleu constitué de fans en maillot.





A ce moment, il reste 45 minutes avant le coup d’envoi. Ça va le faire se dit-on tel un Grégory Paisley. Un cortège de quelques 700 Strasbourgeois quitte le parking pour se rendre à l’entrée la plus proche. Les premiers « Hourra hourra les Strasbourgeois sont là » résonnent. Dans la plus pure tradition de la Bundesliga, nous empruntons le même chemin que les locaux, fortement encadrés par la police, caméscopes en main. Première étape, une palpation classique avant de bipper son billet aux tourniquets, un rituel que le Strasbourgeois maîtrisent depuis le début de ces matchs européens. Cela prend un peu de temps mais tout se passe correctement et le cortège peut reprendre sa marche, et monter les marches jusqu’à l’enceinte qui nous domine majestueusement pendant tout le trajet.





Nous arrivons dans les coursives, encore partagées sans souci avec les supporteurs de l’Eintracht. Alors que certains filent vers les stands de saucisses, un bouchon / Stau se forme au goulot d’étranglement qui sert d’entrée à la tribune visiteurs. Il s’avère que la sécurité veut procéder à une seconde fouille individuelle des 700 Strasbourgeois, alors qu'il reste 5 minutes avant le coup d’envoi. Forcément cela ne passe pas, forcément cela s’énerve, s’en suit un mouvement de foule. Beaucoup d’entre nous raterons donc le coup d’envoi et le tifo adverse. Une énorme bâche Eintracht noire entre les 2 étages de la NordWest Kurve, drapeaux en bas, et des ballons blancs en haut. Le mot d’ordre tous en noir, après tous en blanc puis rouge aux tours précédents, a été bien respecté. De notre coté, le bleu habille aussi la majorité des suiveurs.



Après un quart d’heure à la porte voisine pour ne pas rater le match, je gagne la tribune visiteurs désormais accessible. Je me rends également compte que les fans du Racing chantent mais que je ne l’avais quasi pas entendu en étant juste à côté ! Les 2600 fans sont répartis sur deux étages, les ultras donnant le la dans la partie basse. Les trois capos sont sur le grillage et à quelques mètres d’eux, il est difficile de comprendre leurs indications malgré les mégaphones. Nous sommes pourtant situés à l’opposé du kop local qui donne puissamment de la voix. Fréquemment et spontanément, tout le stade participe et se lève ce qui donne une ambiance impressionnante. Assurément parmi les meilleures en Europe quant à leur prestation d’hier soir. Nous tentons d’exister vocalement et surtout visuellement grâce à l’agitation de plusieurs grands drapeaux qui marquent la présence strasbourgeoise dans le stade. C’est difficile même si les 2600 supporteurs y mettent du cœur. On se dit qu’un but des Bleus nous aiderait bien dans notre combat inégal face à deux fois notre Meinau, mais ce sont les Allemands qui ouvrent le score. Frankfurt ein … Strassburg null entonne le Jean-Luc Filser local.

Le premier tournant du match arrive avec l’expulsion d’Ante Rebic sur une action impliquant Matz Sels. Ce dernier va devenir la tête de Turc du public, qui ne se faisait déjà pas prier pour siffler du Strasbourgeois. Cela durera tout le match pour Matz. Le parcage accompagne le Croate d’un linguiste « Auf Wiedersehen ». A la mi-temps énorme bronca pour l’arbitre ! En fait même plus qu’énorme, nos oreilles en sifflent encore en allant utiliser les sanitaires qui ne sont pas bloqués par une longue file d’attente comme à la Meinau. A l’étage, des Allemands cagoulés tentent une percée par les Ardennes, cette partie de la tribune n’étant séparée du reste du stade. Les stadiers restent impassibles, la police met quelques temps à venir pour les faire refluer de l’autre coté du Rhin. Niveau rigueur allemande, on repassera.



Le match reprend et les deux équipes sont encore à égalité sur les deux rencontres. Dimitri Liénard s’en va tirer un corner devant le kop et se fait bombarder par les latérales. Il repart, l’arbitre reste impassible, assez cocasse lorsque l’on sait qu’un sandwich a valu une sanction au Racing en championnat. Puis Dimitri craque, carton, il sort en boitant sous la bronca francfortoise. Le match semble plié, il l’est malgré quelques tentatives strasbourgeoises maladroites. Nous encaissons encore deux buts qui permettent à la Commerzbank-Arena de finir en roue libre. De notre coté, les capos ne lâchent rien, certains blancs nous permettant de nous faire entendre. Un peu. Mais dès que les chants repartent il est difficile de se coordonner, voir de s’entendre. Résultat, il arrive que des groupes peu distants se retrouvent à entonner deux chants différents. « Laisse-moi kiffer l’Europe » arrive néanmoins à tirer son épingle du jeu, en espérant qu’il soit bientôt de nouveau à la page.

Il reste quelques minutes, le moment d’entonner une dernière Marseillaise. Baroud d’honneur dans cette campagne européenne qui se solde par un Waterloo. On attendait Grouchy, ce fut Blücher. Le moment est beau, écharpes au vent, les poitrines gonflées chantent une dernière fois la fierté d’avoir défendu les couleurs en dehors de nos frontières. Un moment gravé chez les 2600 venus soutenir le Racing qu’il ait 7 ou 77 ans. Le match se termine, et les qualifiés entament un tour d’honneur puis célèbrent avec leur public qui se fond tout de même d’un « auf wiedersehen » à notre encontre, merci de rien. Les Strasbourgeois viennent saluer le parcage. « Un seul amour et pour toujours, Racing club de Strasbourg » vient clore la soirée. Alors que l’on s’apprête à partir c’est Marco le plus beau qui débarque et prend le mégaphone pour quelques mots. La sortie du parcage, puis du parking sera encore fastidieuse sous bonne escorte mais nous arrivons finalement tous au milieu de la nuit devant notre Meinau adorée.
Retour aux affaires courantes dimanche, en attendant de pouvoir à nouveau « kiffer l’Europe avec ceux que j’aime ».