Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Les anges gardiens

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Par kitl
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Le pionnier André Oudet dans ses oeuvres © herveoudet

Au moment où la blessure de Matz Sels devrait remettre en selle Bingourou Kamara, attardons nous sur les transitions successives pour le poste de gardien de but du RC Strasbourg.

Poste spécifique du football, avec son maillot distinctif, la capacité d’utiliser ses mains et sa surface d’exercice, le gardien de but a acquis au fil des années un rôle déterminant. Il est loin le temps du keeper à casquette, aussi casse-cou qu’acrobate, collé à sa ligne de but et dont les pieds servaient uniquement à dégager le ballon. On lui a octroyé un entraîneur spécifique. On prévoit une doublure prête à le remplacer en cours de match, là où les fins de match avec un joueur de champ dans les cages étaient encore monnaie courante il y a quarante ans. On prévoit même une triplure, histoire d’assurer ses arrières…

A travers les âges, et même les clubs, apparaît une petite typologie des changements de gardien. Il faut un nouveau gardien :
  • Si le titulaire quitte le club (transfert, fin de contrat, retraite…) ;
  • Si le titulaire se blesse ;
  • Si le titulaire déçoit.

D’un cas à l’autre, la transition s’effectue en douceur ou bien du jour au lendemain. Poste sensible, le gardien de but est forcément dans l’œil du cyclone lorsque les choses vont mal, et il apparaît parfois moins onéreux de changer de goal que de changer d’entraîneur. A moins qu’un changement d’entraîneur s’accompagne d’un changement de gardien…

Nous le verrons, le Racing a connu des périodes au cours desquelles le poste de gardien a été un îlot de stabilité au milieu d’un océan déchaîné. Cependant ce constat semble s’appliquer à la plupart des clubs français.
Baratelli ; Bats ; Lama ; Letizi : en 25 ans, le PSG a connu quatre gardiens titulaires, tous internationaux.
Bernard ; Carnus ; Curkovic ; Castaneda ; Bell ; Coupet ; Janot ; Ruffier…
Dropsy ; Bell ; Huard ; Ramé ; Carrasso…

Laissons ce petit jeu aux longs retours de vacances sur l’autoroute du Soleil et revenons à la préhistoire du professionnalisme strasbourgeois. Etonnamment, les années 1930 sont marquées par un profond turn-over, qu’on est bien en peine d’expliquer aujourd’hui. Le pionnier André Oudet garde le but du RCS en pays malouin, lors du premier match professionnel disputé le 3 septembre 1933 contre l’US Saint-Servan (5-1) puis cède sa place à Léon Papas début 1934. Papas officie deux saisons avant que Ferencs Mayer ne lui succède. Finaliste de la Coupe de France 1937, le gardien hongrois ne reste qu’une saison, relevé par le jeune Alfred Dambach, que l’on retrouvera à Rouen après la guerre et qui eut l’honneur d’une sélection en Equipe de France à la Noël 1944.

Lergenmuller, premier de cordée
Il faut attendre l’après-guerre pour trouver un semblant de continuité. Reconstruit en un éclair, le Racing s’appuie sur des éléments qui lui appartenaient en 1939 comme Alphonse Rolland, des survivants de la Gauliga Elsaß et bien sûr le duo Paco Mateo - Oscar Heisserer. Dans la cage, un autre témoin des vicissitudes de l’Histoire, Marcel Lergenmuller, acteur de l’épopée périgourdine de 1939-1940, non sans devoir déplorer par la suite un détour sous l’uniforme vert-de-gris.

Lergenmuller est titulaire de 1945 à 1948, gardant le but alsacien en finale de la Coupe de France 1947. Il cède sa place sur blessure, temporairement puis définitivement, à Lucien Schaeffer.

La IVème République fait des émules
La saison 1948/49, conclue sur une relégation sportive – avant repêchage, suite au retrait des SR Colmar – porte le sceau de l’instabilité, puisque quatre portiers se succèdent. Lergenmuller est absent quasiment toute l’année 1948, les jeunes Schaeffer et Remetter sont sous les drapeaux, si bien que le Racing engage au pied levé le Letton Janis Bebris.

Après cet épisode, Lucien Schaeffer endosse le numéro 1. Il profite de la défection de François Remetter, parti chez les amateurs vosgiens du Thillot après s’être brouillé avec le président Heintz. Schaeffer tiendra les rênes durant quatre saisons, remportant la Coupe de France 1951.

Schaeffer parti à Valenciennes, le jeune Jean-Pierre Kress lui succède en 1953, pour une saison aussi pleine individuellement (sélection en Equipe de France) que collectivement (promu, le RCS termine sixième). Ce qui ne l’empêche pas de tourner le dos à sa carrière professionnelle pour s’engager avec le Racing... handball, mécontent des conditions proposées par la direction !

Arrive l’ancien Sochalien Fragassi, relayé par Raymond Barthelmebs bientôt envoyé en Algérie, tandis que Kress effectue quelques piges… Relégué en 1957, le Racing mise sur Maurice Visioli, un Ardennais militaire dans la région, qui tiendra bon an, mal an trois saisons.

Remetter de retour et le début d’une dynastie
En 1960, l’heure est à la refondation. Après une troisième relégation en moins de dix ans, le tandem Heckel-Veinante mise sur la jeunesse (Gress, Hausser, Stieber, Merschel…), à laquelle sont adjoints deux anciens de Suède : le monumental Robert Jonquet et François Remetter, qui effectue son retour après une décennie passée à sillonner le pays. La trentaine bien tassée, Remetter effectue quatre saisons dans les bois avant d’être poussé vers la sortie, son remplaçant étant tout trouvé.

En effet, Johnny Schuth a patienté trois saisons dans l’ombre de « Franzl ». Il devient titulaire en 1964 pour ne lâcher le poste qu’en 1971, à l’issue d’une relégation. Entretemps, il s’est illustré au cours des succès européens contre Barcelone et Milan et lors de la victoire en Coupe de France 1966. Capitaine entre 1969 et 1971, il quitte le RPSM pour Metz afin de continuer à jouer en première division.

L’homme de tous les records
Après deux saisons satisfaisantes avec Christian Montès, et après avoir éjecté André Rey, le Racing doit à Robert Domergue le recrutement de Dominique Dropsy en 1973. Le Picard ne laissera que des miettes à ses doublures, Patrick Ottmann et avant lui l’oublié Serge Gobert : de son arrivée à mars 1982, Dropsy ne manque pas la moindre minute de jeu en championnat en 327 matchs. Une fracture de la main met fin à la série.

Artisan du titre de champion de France 1979, gardien de l’Equipe de France entre 1979 et 1981, Dominique Dropsy compile 406 matchs de championnat sous les couleurs du Racing. Capitaine entre 1980 et 1984, il talonne également René Hauss au hit-parade des brassards.

Le RCS ne lui proposant qu’un an de contrat, il quitte le club pour Bordeaux où il accomplira une deuxième carrière encore plus fructueuse. Terrible erreur de jugement d’un Racing qui s’en est fait la spécialité dans les années 1980.

Après Dropsy, le déluge
Les dirigeants avaient sans doute été convaincus par les prestations de Patrick Ottmann trois (!) ans auparavant au cours de son intérim de 7 matchs au cours duquel il ne concéda que deux buts. Mais le citoyen de Rohrwiller multiplia les errements, au point d’être supplanté par un gamin de 18 ans. Philippe Schuth, fils de Jean, est lancé dans le grand bain au cours de l’opération rajeunissement lancée par Jean-Noël Huck au printemps 1985. Malgré quelques coups d’éclat et une spécialité sur penalty (Bellone, Thierry Meyer et Domergue mordent la poussière), le siège éjectable reprend du service fin 1986, au profit d’un autre Mosellan, Philippe Flucklinger.

Destiné à un avenir international par l’intarissable Daniel Hechter, « Fluck » est à son tour débarqué au printemps 1989. Celui qui avait été recruté comme numéro 2 avait séduit les dirigeants, convaincus qu’il ne serait pas d’une grande menace pour le titulaire… Devant l’effritement des performances de Flucklinger, Pascal Janin effectuera la dernière ligne droite achevée en barrage à Brest.

Sylvain, c’est pas de la roupie de sansonnet
Alors que le gardien de but a une expérience de vie aussi faible que l’entraîneur, le Racing semble revenu de sa lubie de miser sur des jeunes gardiens puis de les jeter aussitôt. Schuth et Aubry n’avaient pas vingt ans, Flucklinger à peine plus. C’est le moment choisi pour recruter en 1989 le portier de l’Equipe de France Espoirs, Sylvain Sansone.

Durant quatre saisons, le Sétois allait passer par tous les états : des saisons de D2 à rallonge, des barrages au couteau, une déroute au Ray puis une apothéose contre Rennes. Gardien emblématique pour toute une génération, il signe une première saison en Division 1 correcte, mais ses dernières prestations la saison d’après allaient se montrer plus ésotériques, du dégagement dans le dos de N'Doram aux gants en peau de pêche à la Mosson… Entretemps, Sansone avait été rétrogradé au profit du Suisse Corminboeuf, qu’une blessure empêcha de s’inscrire dans la durée au RCS.

L’ère Vencel
Le Racing a retrouvé un certain nez dans le choix de ses gardiens et confirme avec Alexander Vencel. Régulier et sûr, le Slovaque demeurera incontestable même dans ses choix vestimentaires. Il parviendra à rehausser le curseur dans les grands matchs, comme la finale de la Coupe de la Ligue 1997 ou l’épopée européenne qui suivra. A Anfield puis Giuseppe-Meazza, Vencel retarde l’échéance et empêche Strasbourg de sombrer.

Mais puisque nous nous intéressons aux transitions, celle-ci se fera sans ménagement pour Vencel, à l’image de la brutalité crasse dont firent constamment preuve les hommes choisis par IMG-McCormack. Conseillés par des réseaux occultes – épisode évoqué de façon savoureuse il y a quelque jours à peine à la une du Stub – les dirigeants promeuvent Thierry Debès, lequel sera à son tour victime du coup de com' Chilavert.

Celui qui fit office de rempart infranchissable une après-midi lensoise de juin 1998 allait se révéler bien plus tendre dans l’hiver strasbourgeois. Maigre consolation, une Coupe de France arrachée aux tirs au but.
Chilavert est à son tour débarqué dans des circonstances ubuesques, licencié pour embonpoint à l’été 2002. Alors que Vencel garde la cage havraise en première division, le Racing court après son numéro 1. Mais ni Fernandez, ni Dutruel ne feront vraiment l’affaire.

Cassard fait bien les choses
En 2004, à première vue, le Racing ne fait toujours pas le choix du long terme en attirant le gardien lyonnais Vercoutre en prêt, assorti d’un presque retraité, Stéphane Cassard, à la trajectoire déclinante.
Vercoutre finit par se blesser, son remplaçant enchaîne les prestations de choix et ne quittera plus la cage strasbourgeoise… jusqu’en 2010 !

La succession de Cassard ressemble à celle de Dropsy en 1984, avec la promotion d’un élément local qui n’avait jusqu’ici pas grand-chose à se mettre sous le gant. Régis Gurtner réalise une saison remarquable à l’image d’un collectif pas épargné par les vents contraires.

Une blessure vient flinguer la carrière ascendante de Vauvenargues Kéhi. Une série de matchs peu emballants de son remplaçant Ziman Duki convainc les dirigeants de recruter l’expérimenté Guillaume Gauclin. A son tour, ce dernier se fait piquer sa place par sa doublure, Alexandre Oukidja. Chez les amateurs, les goals strasbourgeois se sont succédé selon les mêmes modalités.

Arrivé en 2017 pour le défi de la remontée, après une décennie dans l’antichambre, Bingourou Kamara devait grandir progressivement, à mesure que le RC Strasbourg se structurait. Il n’a pas eu le temps de l’accompagner, la croissance du club ayant semble-t-il été plus rapide que la sienne. Relayé par Oukidja, Kamara allait subir une rétrogradation à l’arrivée du Belge Matz Sels en 2018.
Sans remonter à l’ancêtre Bebris, le gardien belge s’inscrit dans la continuité des portiers étrangers des années 1990, Corminboeuf et Vencel, qui firent l’unanimité. Sa grave blessure au tendon d’Achille rebat les cartes.

Cas de figure inédit, qui voit un numéro 1 déchu – Kamara – retrouver son poste après deux saisons sur le banc. Sansone avait également bénéficié de la blessure de Corminboeuf, mais il s’agissait d’une fin de saison en roue libre. La disgrâce d’Oukidja avait duré moins de temps.

A bien y regarder, pour un club aussi instable que le Racing Club de Strasbourg, le poste de gardien de but fait figure de balise, suivant le mouvement d’un club sans boussole à la fin des années 1980 ou au début des années 2000. Toutefois, on note l’existence d’une dynastie, avec ses « papes de transition », de Remetter à Cassard, en passant par Schuth, Dropsy, Sansone et Vencel, ces six gardiens ont laissé peu de matchs à la concurrence en cinquante ans.

kitl

Commentaires (1)

Flux RSS 1 message · Premier message par reginald · Dernier message par reginald

  • Joli voyage dans le temps, bravo kitl !

    Par contraste c'est bien un signe des temps changés, on n'imagine plus un taulier partir avec le mépris de la direction dans le Racing d'aujourd'hui, et encore moins s'il est perfomant. Pourvu que ça dure !

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