Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Barrages, ô ! désespoir

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Par matteo
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Le Racing reçoit ce week-end l'OGC Nice, club face auquel il vécut l'une de ses plus cuisantes déconvenues. Retour sur l'épopée des barrages de 1990.

C'est avec le Gym que le Racing a rendez-vous ce samedi pour son premier match à la Meinau de l'année 2008. Les Méridionaux inaugurent la série des matches retour, puisque les Bleus et Blancs avaient été battus au mois d'août dernier sur le plus petit des scores lors de ce qui était probablement l'une de leurs dernières visites au Stade du Ray – le remplacement de la vénérable enceinte de l'avenue du Ray par un nouveau stade (la Pan-BagnArena ?) étant d'ores et déjà programmé. Parmi les nombreuses confrontations entre deux clubs historiques du football professionnel français, il en est une qui est restée dans les mémoires azuréennes aussi bien qu'alsaciennes, mais pour des raisons diamétralement opposées : celle qui, à l'orée des années 90, a opposé Nice et Strasbourg pour une place en Première Division.


Le contexte strasbourgeois

Nous voici donc en des temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, ou à peine. Au début de cette saison 1989-90, le Racing est en Deuxième Division, dénomination d'époque de la Ligue 2 Orange. Et en ces temps reculés, c'est pas beau à voir, la Deuxième Division : un cloaque infâme de 36 équipes réparties en deux groupes, et où seul le premier de chaque groupe est appelé à rejoindre directement l'élite. Entre autres destinations poétiques, on y trouve cette saison-là Abbeville, La-Roche-sur-Yon, Chaumont, Louhans-Cuiseaux ou encore Montceau-les-Mines.

Le Racing est l'un des grands favoris du groupe A. Il faut dire que les Bleus, qui arborent alors leur légendaire maillot vintage à l'effigie d'une chaîne d'hypermarchés disparue depuis et dont le logo symbolise un pachyderme à poil long (non, il ne s'agit pas de Sébastien Chabal), n'ont pas lésiné sur le recrutement : un vice-champion du monde (Rolff), un meilleur buteur de Bundesliga (Thomas Allofs), un serial-buteur de Division 2 (Monczuk), un futur génie du football français (Youri Djorkaeff), le gardien et le libero de l'Equipe de France Espoirs (Sansone et Leclerc). Du lourd à ce niveau.

La saison ne se passe cependant pas comme prévu : le Racing, malgré une attaque de feu et des scores de folie (des 6-2, 3-5, 4-2, 3-4 en veux-tu en voilà), ne peut empêcher Nancy et son jeune buteur David Zitelli de faire la course en tête. Son excellente différence de but lui permet cependant de ravir sur le fil la seconde place au Nîmes Olympique du vétéran René Girard et aux surprenants Alésiens. En cours de route, il a perdu son entraîneur Gérard Banide, démissionnaire et remplacé par l'inexpérimenté Léonard Specht. Le voici contraint à passer par la terrible épreuve des barrages !

Rappelons que le terme de barrage désignait une sorte de play-off issu d'on ne sait quel cerveau malade qui permettait à un club de Division 2, choisi après un tour préliminaire entre les deuxièmes et troisièmes de chaque groupe, d'affronter le 18ème de Première Division pour un duel à la vie à la mort, le survivant étant assuré d'évoluer parmi l'élite. Malheur au vaincu ! C'étaient d'ailleurs déjà les barrages qui avaient précipité le Racing en D2 la saison précédente après la double confrontation perdue face à Brest. Depuis 1982, une seule fois l'équipe de Division 1 a pu conserver sa place parmi l'élite.

Le Racing se débarrasse tout d'abord de Rouen, 3ème du groupe B, puis élimine de façon quasi-miraculeuse Valenciennes : après un nul 0 à 0 à la Meinau, les Bleus, réduits à 10 dans le Nord, menés 2-1 à la 83ème minute, trouvent le moyen d'égaliser à la dernière minute avant d'obtenir leur qualification grâce à un but de Monczuk dans la prolongation ! (il faut préciser que le cerveau malade dont il est question plus haut avait décidé pour on ne sait quelle raison que les buts marqués à l'extérieur ne compteraient pas double – va comprendre, Charles...)

Rien ne semble pouvoir arrêter ce Racing et son joueur majeur, le grandissime Youri Djorkaeff. Et voici que se dresse sur sa route le dernier obstacle avant la terre promise : le 18ème de Division 1, à savoir l'OGC Nice !

Le contexte niçois

Saison pourrie pour l'OGCN. L'équipe, qui paraissait suffisamment solide pour assurer un maintien tranquille malgré les départs de Bravo au Paris-SG et de Guérit à Monaco, ne parvient pas à quitter les profondeurs du classement. C'est grave, Médecin ? L'entraîneur Pierre Alonzo est contraint au départ en cours d'exercice, et est remplacé par une vieille connaissance : Carlos Bianchi. Au coude à coude avec le Racing Paris 1, les Niçois accrochent in extremis la place de barragiste et laissent la 19ème place aux Parisiens, relégués en même temps que... le FC Mulhouse.

C'est donc une équipe dangereuse car blessée dans son orgueil que doit se préparer à affronter le Racing. Une équipe qui a l'expérience de la Première Division : la charnière centrale Bonnevay-Elsner n'a rien à envier en terme de romantisme aux poètes contemporains Abardonado ou Rool, l'ami René Marsiglia est un vieux de la vieille, Mazzuchetti et Gastien ne rechignent pas à travailler dans l'ombre. Du talent aussi : l'international marocain El Haddaoui est réputé pour sa technique de haute volée, Jules Bocandé est l'un des grands joueurs sénégalais de sa génération, Jean-Philippe Rohr a été champion olympique avec l'équipe de France.

Mais l'atout numéro 1 du Gym est le goléador luxembourgeois Roby Langers. Goléador, luxembourgeois : il est vrai que réunir ces deux mots dans la même phrase peut paraître audacieux tant ils sont antinomiques (au même titre que marseillais et modeste ou suisse et sympathique, par exemple). Il faut cependant se rendre à l'évidence : avec ses 14 buts, le frêle attaquant blondinet a fini 3ème gâchette de Première Division, et a grandement contribué à porter l'espoir de maintien pour son club.

Le derby aviaire entre Aiglons et Cigognes s'annonce serré : il va être homérique...


Le match aller : un score presque parfait...

Il fait beau en ce 25 mai 1990, et la Meinau affiche quasiment complet au moment où les deux équipes pénètrent sur la pelouse. Le Racing, confiant, aligne comme à l'accoutumée une équipe résolument offensive. A la triplette d'attaquants Péron-Monczuk-Subiat s'ajoutent en effet les milieux très offensifs Djorkaeff et Didaux.

La partie débute, et contre toute attente ce sont les Niçois, que l'on imaginait aux abois, qui se créent les meilleures occasions. Déterminés, ils entendent bien prouver que jusqu'à nouvel ordre, l'équipe de Première Division, c'est bien eux. Il faut tout le talent de Sylvain Sansone, casaque jaune et toque bleue, pour éviter le pire face aux offensives menées par un duo Langers-Bocandé en verve et bien alimenté par l'intenable El Haddaoui. Strasbourg plie, mais ne rompt pas, parvenant également à se créer l'une ou l'autre occasion de but. Le public alsacien encourage les siens, la tension reste cependant palpable.

Et c'est peu avant la mi-temps que la délivrance arrive : sur un corner frappé par Didaux, le ballon s'élève droit dans le ciel et est catapulté dans le but niçois par la tête de... Youri Djorkaeff, plutôt réputé pour sa patte droite de velours que pour son jeu de tête proche de celui d'un pygmée nain microcéphale. 1 à 0 pour les Bleus. La partie est entamée depuis 38 minutes, et le Racing en ouvrant le score le premier semble avoir fait le plus difficile.

La Meinau s'enflamme, et c'est carrément la folie trois minutes plus tard lorsque, suite à une action de l'Argentino-helveto-norinois Nestor Subiat, le même Youri Djorkaeff profite d'une balle traînant à l'entrée des 16 mètres azuréens pour délivrer un véritable missile Exocet qui va finir sa course dans la lucarne de Morisseau. La mi-temps est sifflée sur ce score de 2 à 0, dans l'ambiance que l'on imagine.

2-0 à la mi-temps grâce à un doublé du numéro 10 vedette : la prémonition d'un match mythique qui aura lieu 8 ans plus tard ? Il faut le croire, puisque, 3 minutes après le retour des vestiaires, Didier Monczuk inscrit le troisième but pour le Racing : et un, et deux, et trois-zéro...
Didier Monczuk : l'archétype de l'avant-centre old-school. Style capillaire certifié années 80, mobilité comparable à celle d'un candélabre, mais flair du buteur proche du sixième sens. Il marquera 67 buts en trois saisons à Strasbourg, mais ne jouera jamais en Première Division avec le Racing.

On a coutume de dire que 3-0 est le score idéal pour un match aller. C'est ce que se dit le public alsacien, dont même les habituels ronchons sont emballés par la tournure que prend le match. C'est aussi ce que se disent les joueurs niçois, lesquels jettent leurs dernières forces dans la bataille pour tenter de marquer ce petit but susceptible de remettre en cause l'issue de la confrontation, et accessoirement la face du monde libre.

Et c'est dans un silence de cathédrale gothique en grès rose des Vosges que l'inévitable Roby Langers parvient à réduire le score sur une passe de Jules « moi-je-crois-que-bon » Bocandé. Le Sénégalais enfume la défense strasbourgeoise en servant idéalement son compère qui fusille le portier bas-rhinois. La pendule affiche 66 minutes de jeu.
Les Aiglons continuent de pousser, se voient même refuser un but, mais ne parviennent pas à tromper la vigilance de Sansone, et c'est sur ce score de 3 buts à 1 que l'arbitre siffle la fin de la partie.

Côté strasbourgeois, on verse dans une douce euphorie : malgré le but encaissé, c'est avec deux buts d'avance que le Racing se rendra à Nice dans quatre jours. Les joueurs esquissent même un tour d'honneur sous les yeux hébétés de leurs adversaires du jour... La réception dans les Alpes-Maritimes s'annonce chaude.


Le match retour : Ray, morne plaine...

En cette soirée du 29 mai 1990, ils sont 20.000 Nissarts à pousser le Gym vers son seul et unique objectif : assurer le maintien en refaisant le retard de deux buts concédé à la Meinau.

Les Strasbourgeois se présentent avec les onze mêmes joueurs qu'au match aller. Chez leurs adversaires, Bianchi a choisi de laisser El Haddaoui sur le banc et d'aligner d'entrée le Yougoslave Milos Djelmas. Il cherche probablement à susciter un effet Djelmas chez ses joueurs : en rouge et noir, ils exileront leur peur, ils iront plus haut que ces montagnes de douleur, en rou-ouge et noua-ar.

Nice n'étant pas voisin de dictionnaire de Nîmes pour rien, l'ambiance au stade du Ray est à la corrida, et c'est à la mise à mort du toro strasbourgeois que crient les aficionados. Dès l'entame, il est évident pour les (quelques) supporters ayant fait le déplacement et pour ceux (plus nombreux) qui écoutent le match à la radio que le Racing n'y est pas. Les joueurs paraissent étonnamment fébriles, et la défense laisse aux Niçois des boulevards plus larges que la Promenade des Anglais. Dès la 7ème minute, Roby Langers profite de la passivité des lignes arrières bleues pour ouvrir le score. La suite des opérations s'annonce extrêmement compliquée.

L'ensemble de l'équipe semble frappée d'apathie, y compris les expérimentés Rolff et Vincent Cobos, traditionnels aboyeurs, et pour le coup incapables de secouer leurs partenaires. Lorsque Langers inscrit son second but personnel après seulement 26 minutes de jeu, il n'y a personne pour douter que la messe est dite : les Niçois ont (déjà) refait leur retard, et les Alsaciens, K.O. debout, ne paraissent pas en mesure de faire face à la furia rossonera.

La fin de la première mi-temps vire au cauchemar : affolant une défense strasbourgeoise fantomatique, le toujours goléador et toujours luxembourgeois Langers marque deux buts en une minute (aux 39ème sur penalty et 40ème). Goléador luxembourgeois : on l'a déjà signalé, l'expression frise l'oxymore, mais c'est le Racing qui, occis, mord la poussière. Il a déjà mis les deux genoux à terre, terrassé par le quadruplé du petit homme du Grand Duché. Les portes du paradis se referment devant lui.

La seconde période ne sera qu'une formalité : l'histoire retiendra que les buts d'El Haddaoui (64ème) et Bocandé (89ème) porteront la marque à un 6-0 qui évoque plus une manche perdue par Patrick Proisy qu'un score de football. Autre anecdote, la rentrée à 5 minutes de la fin côté niçois de Tony Kurbos, le spécialiste des FCM honnis.

Lorsque l'arbitre met un terme aux atroces souffrances strasbourgeoises en sifflant la fin du match, les joueurs vêtus de bleu regagnent rapidement les vestiaires, la tête basse : 6-0, c'est une véritable Bérézina made in Nissa.

Chez les Niçois, c'est naturellement l'euphorie qui domine, et le vieux stade du Ray se souvient avoir rarement subi tohu-bohu plus triomphant. Le héros du soir est bien sûr Roby Langers, auteur de cinq buts sur les deux matches, véritable bourreau des espoirs alsaciens de reconquête. Il se murmure que son fantôme plane toujours sur le Stade du Ray les soirs où le Racing y vient jouer. Continuera-t-il à flotter sur la nouvelle enceinte de la plaine du Var ? Nul ne le sait...


Epilogue

Plus dure fut la chute. Le Racing, qui avait déjà échoué sur l'écueil des barrages deux années consécutives, ignorait qu'il lui faudrait encore en passer par là deux fois avant d'atomiser Rennes et de retrouver la Première Division en 1992.

Un grand regret est de ne jamais avoir vu évoluer Youri Djorkaeff en D1 sous le maillot du Racing ; il quittera en effet le club au tout début de la saison suivante pour rejoindre l'AS Monaco, et son talent le portera tout naturellement vers l'apothéose du 12 juillet 1998.

Le trauma de ce match terrible fut définitivement effacé quatorze mois plus tard, avec la superbe victoire du Racing à la Meinau face à Nice sur le score de... 6 à 0. Le score à la mi-temps était de 4-0 et les deux premiers buts furent l'oeuvre de Didier Monczuk.
A noter que les Niçois, victorieux de ces barrages dantesques, ne trouvèrent rien de mieux que de se faire reléguer au terme de la saison 1990-91 pour raisons... financières.

Enfin, pourquoi le passer sous silence, d'étranges rumeurs bruissent à propos des circonstances du match retour. Salades niçoises ? D'aucuns évoquent un possible « arrangement » avec les Niçois, d'autres encore prétendent que le club aurait volontairement sabordé la montée pour des problèmes de gros sous. Bien entendu, aucune preuve matérielle n'est venue étayer ces folles thèses (ces foutaises ?). Le serpent de mer du match Nice-Racing du 29 mai 1990 a encore de beaux jours devant lui.


Un lien sympa trouvé chez les Niçois
Pour ceux qui aiment se faire mal, une video du désastre vu par les Niçois est disponible sur la page suivante : ici. Ecoutez en particulier le témoignage du capitaine niçois de l'époque, Jean-Philippe Mattio, en toute fin du document...

matteo

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