Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

1992/2008 : Strasbourg-Bordeaux, destins croisés

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Par manwithnoname
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Remontés de concert en D1, en 1992, adversaires en finale de la coupe de la Ligue 1997, la route de Strasbourg et Bordeaux s'est depuis largement séparée. Une question se pose donc : le Racing aurait-il pu connaître le même destin que les Girondins ?

Grandeurs et décadences : jusqu'en 1991-1992.

Quand, couronnement d'une des meilleures périodes de son histoire, le Racing Club de Strasbourg devient champion de France sous la direction de Gilbert Gress en 1979, le Football Club des Girondins de Bordeaux n'est alors qu'un club anonyme du championnat de France, dont le dernier titre remonte à 1950, et qui enchaîne les résultats médiocres sans jamais parvenir à prendre une réelle envergure. Il faut l'arrivée à la présidence d'un Claude Bez, en 1978 et d'un Aimé Jacquet au poste d'entraîneur en 1980, pour que les projets de grandeur voient enfin le jour. Claude Bez est animé d'une seule ambition : faire des Girondins l'un des plus grands clubs français, et, même, d'Europe. Il parviendra à ses fins, son club décrochant dans la décennie 1980-1990 trois titres de champion de France, deux coupes de France et deux demi-finales européennes. Cette domination girondine, pourtant, connaît un coup d'arrêt avec la montée en puissance de l'Olympique de Marseille de Bernard Tapie, et avec les dépenses pharaoniques du président bordelais, dont l'esprit de compétition et de rivalité s'avère si démesuré qu'il finit par plomber la trésorerie du club. Déficit colossal (estimé à plusieurs centaines de millions de francs), anomalies dans la gestion, notamment dans l'affaire de la rénovation du centre d'entraînement du Haillan, contre-performances sur le plan sportif : au terme de la saison 1990-1991, alors que Claude Bez, désavoué, doit laisser la main à un certain Alain Afflelou, les Girondins, classés 10èmes au terme d'une saison décevante, sont rétrogradés administrativement en D2, au même titre que Brest et Nice, lors de la « grande lessive » du football français. Pendant ce temps, le Racing, qui n'a cessé de cumuler les désillusions sportives au point de chuter en D2 en 1986, et mis en grande difficulté financière par la gestion des années Bord puis Hechter, végète alors au niveau inférieur, échouant deux années de suite en barrages pour l'accession en D1, contre Nice puis Lens.

Une si vieille « amitié » : 1991-1992

En juillet 1991, nos deux gloires déchues se retrouvent toutes deux en deuxième division, dans ce qui restera assurément l'un des groupes les plus relevés de l'histoire : le groupe B, dont font également partie des clubs comme Nice, Bastia ou Mulhouse. Rapidement, cependant, le départ en trombe de Bordeaux et de Strasbourg distancie de loin leurs éventuels concurrents, laissant les deux clubs en découdre pour le titre de champion. De là va naître une rivalité historique entre les deux clubs et leurs supporters, au terme d'une course poursuite échevelée, qui verra les Girondins ravir d'un souffle la première place, juste devant le Racing.
En effet, les Bordelais, déterminés à retrouver au plus vite le plus haut niveau, ont pris dès le début les choses à bras le corps et, sur la base d'un recrutement intelligent, ont monté une équipe commando taillée pour la remontée, sous la direction de Gernot Rohr. Aussi l'ossature formée de joueurs rompus aux joutes de la D1 (Sénac, Plancque, Huard, mais aussi Jean-Pierre Bade et Jean-Luc Dogon), épaulés par des grands espoirs du club comme Lizarazu et Dugarry, parvient-elle, assez logiquement, à décrocher le titre de champion de D2 à la fin de la saison, face à Valenciennes.
Le Racing, quant à lui, est sorti exsangue de l'expérience Hechter, ce qui l'a contraint, pour faire face aux dettes colossales amassées depuis plus de dix ans, à adopter la forme d'une S.E.M.. La principale préoccupation des dirigeants est de parvenir à propulser le club en D1 et à vaincre le syndrome des barrages maudits. Les pleins pouvoirs en matière sportive sont confiés à l'enfant prodigue de la Meinau, Gilbert Gress, qui effectue là son grand retour, et le groupe existant, sans être bouleversé, se voit renforcé intelligemment par des valeurs sûres (Pouliquen, Mura, Keshi, Paillard, Keller). Le début de saison canon qu'effectue l'équipe alsacienne laissera entrevoir la possibilité de décrocher la première place, mais la machine bordelaise finira par l'emporter sur la longueur. Décrochant la place de barragiste pour la quatrième fois consécutive, le Racing, survolté, balaye tout sur son passage, et fait son grand retour en première division, dans la roue de leurs rivaux girondins.

Bordeaux en reconquête, Strasbourg (déjà) en reconstruction : 1992-1996.

Si, à l'orée de la saison 1992-1993, les deux clubs, encore nostalgiques de leur passé glorieux, affichent de grandes ambitions, qui dépassent de loin le simple maintien, c'est principalement en raison d'une stabilité retrouvée aussi bien au niveau financier que sportif.

En coulisses :

Dans les rangs bordelais, l'ambition est à l'ordre du jour. Le traumatisme né de la chute de l'empire Bez et de la relégation administrative qui est venue la sanctionner, est désormais bien loin, et l'euphorie de la remontée immédiate a excité les appétits de grandeur. Le président Afflelou rêve de marquer les esprits, en faisant « revivre » la grande époque bordelaise, et de s'enivrer du parfum capiteux des épopées européennes. Gestionnaire avisé, peu enclin aux extravagances de son prédécesseur, mais mégalomane et avide de reconnaissance, le célèbre lunetier voit dans son club un miroir de sa réussite professionnelle et un formidable moyen de promotion personnelle et commerciale. Beau parleur affable et sympathique, le personnage semble céder facilement au mirage de la réussite facile, du strass et des paillettes, alimentant ainsi une image peu reluisante qui vient se superposer dans l'inconscient collectif à celle de Bordeaux la « bourgeoise ».
Si le Racing de Gilbert Gress, lui aussi, nourrit des ambitions à la hauteur de son passé, elles ne sont pas les mêmes. Le club, en 1992, sort d'une longue éclipse, et revient au plus haut niveau animé du désir de s'installer de nouveau parmi les meilleurs clubs français. Pour autant, la capacité du club à figurer parmi les meilleurs est en étroite corrélation avec sa santé financière - donnée fondamentale sans laquelle il est impossible de rien comprendre à son histoire. A peine relevé du gouffre dans lequel a failli le précipiter le déficit hérité de l'ère Hechter, le club vit encore sous perfusion et la municipalité, qui le soutient à bout de bras, doit approvisionner constamment ses caisses. Cet état de fait explique que les ambitions strasbourgeoises, si elles sont réelles, ne peuvent être que mesurées. Cette stratégie est celle du nouveau président, Roland Weller, qui prend les rênes du club en 1994 et qui tente de tirer le meilleur profit du lent travail de rétablissement opéré depuis le début de la décennie.

Sur le terrain :

Du strict point de vue sportif, les deux clubs connaissent, à partir de 1992, et jusque dans les années 1996/1997, une période d'embellie, traversée néanmoins de crises et de passages à vide, qui, s'ils seront sans lendemain pour les Bordelais, s'avéreront durables et cycliques pour le Racing. Rolland Courbis devient le nouvel entraîneur des Girondins, celui qui, après s'être séparé des cadres de la remontée, va s'appliquer à bâtir une équipe qui, en quatre années, va relancer les Girondins vers les sommets nationaux et même européens. Pour ce faire, et pour soutenir les cadres fidèles que sont Huard, Lizarazu et Dugarry, le club bordelais va délibérément choisir de faire appel, plus qu'à de grands noms ronflants et coûteux, aux services de joueurs confirmés, capables d'assurer chaque année une qualification européenne. Cela n'empêche nullement de renforcer l'équipe de l'apport, calibré, de quelques joueurs étrangers de renom : c'est à cette époque que le Parc Lescure fait connaissance avec le Néerlandais Richard Witschge, mais aussi avec ses premiers Brésiliens, précurseurs d'une filière sud-américaine (Colombie, Argentine, Brésil) dorénavant inscrite dans la tradition girondine. Mais le joueur le plus marquant de ces années de reconquête à Bordeaux n'est autre qu'un jeune espoir français, débarqué de Cannes, et rapidement devenu international au même titre que ses amis Liza et Duga : Zinedine Zidane. Ces trois joueurs emblématiques finiront, comme un symbole, par quitter les Girondins en 1996, en même temps que leur président, pour connaître la destinée que l'on sait.
C'est avec cette ossature, à peine retouchée, que le Bordeaux 1992/1996 va connaître quelques années fastes... et quelques désillusions. Deux belles quatrièmes places lui permettent de retrouver d'emblée l'Europe, mais, après le départ de Courbis en 1994, les résultats en championnat sont plus erratiques et plus décevants, inaugurant une longue valse d'entraîneurs à la tête des Girondins. Signe manifeste qu'Afflelou, du fait de son appétit de victoires et de son trop grand empressement, a fini par perdre progressivement le contrôle du club. Septième après une saison médiocre et heurtée en 1995, le club bordelais touche le fond en 1996 en terminant à la seizième place, au bord de la relégation, lors d'une année où blessures et guerres internes se seront succédés de manière chronique. Le lot de consolation pour les Girondins consiste néanmoins en une finale de Coupe de l'UEFA, au terme d'un parcours insensé, depuis la campagne en Intertoto jusqu'au double affrontement perdu face au Bayern de Munich, après avoir défait consécutivement le Bétis de Séville, le Milan AC, et le Slavia Prague. Malgré cet exploit, qui donne un peu de baume au coeur à une année traumatisante, le Bordeaux version Afflelou est clairement en fin de cycle et son président est contraint de jeter l'éponge au terme de la saison.
De façon moins chaotique, le Racing va connaître lui aussi son lot d'émotions lors de cette période. Terminant sa première saison dans l'élite par une très convaincante huitième place, jamais égalée depuis lors, grâce à une politique mélangeant cadres expérimentés et arrivée à maturité d'une génération exceptionnelle, celle des José Cobos, Franck Leboeuf, Jean-Jacques Etamé et autres Marc Keller, ce retour en fanfare est à peine écorné par une plus anonyme treizième place obtenue l'année suivante. Comme Courbis à Bordeaux, Gilbert Gress, en désaccord avec son nouveau président, quitte alors le club qu'il a contribué à remettre sur les rails. A l'intersaison 1994, il cède sa place à Daniel Jeandupeux, lui-même remplacé par Jacky Duguépéroux, et à l'une des plus belles générations de joueurs que le club ait jamais connues (Sauzée, Gravelaine, Vencel, Mostovoï) qui lui offre, à peine trois ans après la remontée, de jouer une finale de Coupe de France le 23 mai 1995 et de regoûter à l'Europe, la saison suivante. Mais cette génération prometteuse ne tient pas toutes ses promesses en championnat et le club rentre progressivement dans le rang (10ème en 1995, 9ème en 1996).

Bordeaux s'envole, Strasbourg s'effondre : 1996-2002.

A maints égards, la saison 1996-1997 s'avère un tournant pour les deux clubs et pour leur évolution respective. Première année de la présidence Jean-Louis Triaud pour les Girondins, dernière année de la présidence Roland Weller pour les Alsaciens, elle voit ces deux clubs, qui ont fait parler d'eux sur la scène européenne, s'affronter en finale de la Coupe de la Ligue. Point d'orgue du renouveau strasbourgeois, elle marque aussi un coup d'arrêt durable à la lente montée en puissance du Racing, comme une incapacité à transformer l'essai qu'avait constitué la victoire en Coupe de la Ligue. Pour les Bordelais, c'est précisément l'inverse : c'est à partir de cette année que le club va véritablement prendre son envol et, avec ce nouveau cycle qui s'amorce, voir son palmarès s'enrichir considérablement. Qui l'eût cru, au soir du 12 avril 1997, quand toute l'Alsace était en fête et la Gironde plongée dans la tristesse ?

En coulisses :

Changement de président à l'intersaison 1996 pour les Girondins : Jean-Louis Triaud, homme du sérail et notabilité locale, succède à Alain Afflelou et décide d'emblée de rompre avec la présidence un peu trop « voyante » de son prédécesseur. Premier signe fort de la nouvelle direction : le club retrouve ses couleurs historiques, marines et blanches, et son célèbre scapulaire, abandonnant ainsi le maillot bordeaux des années Affelou. En 1999, les bons résultats aidant, la chaîne M6 fait son entrée dans le capital du club. Néanmoins, cette arrivée ne signifie en rien un changement de cap dans les ambitions sportives du club, qui restent sages et mesurées : éviter de tout bouleverser, construire sur les bases existantes, réagir au plus vite en cas de crise ou de contre-performance... Cette ligne directrice, Jean-Louis Triaud n'aura de cesse de l'imposer aux Girondins, et elle prévaut encore largement aujourd'hui.
Evidemment, par comparaison, le Racing connaît des années beaucoup moins calmes au niveau de la présidence. Inutile de revenir sur les péripéties traversées par un club qui a fini par marcher sur la tête : la cession du club par la municipalité à IMG Mac Cormack au détriment du projet Weller (voir ici et ici), l'arrivée de Patrick Proisy à la présidence, la liquidation du passé par son sicaire Bernard Gardon, l'intronisation au poste de manager général de Claude Leroy et toutes les affaires qui s'en ont ensuivi, le retour au club de Marc Keller et son travail de restauration... Tout ceci est bien connu de tous, hélas, et témoigne suffisamment de l'ampleur de l'échec de l'expérience IMG. Il n'en reste pas moins vrai que, s'il est bien un moment dans l'histoire du club où le tournant n'a pas été pris, c'est bien celui-là et que les rêves grandiloquents et les échecs retentissants d'un Proisy ont considérablement freiné l'évolution du club et l'ont grevé de handicaps qui l'ont longtemps entravée. L'arrivée d'un repreneur ambitieux comme IMG devait débarrasser le club de ses vieux démons, de ses guerres internes, de ses querelles d'ego, force est de constater qu'il n'en a rien été. Bien au contraire.

Sur le terrain :

L'intersaison 1996 est aussi l'occasion pour l'effectif bordelais de connaître une gigantesque saignée qui doit permettre de purger une saison plus que décevante en championnat. Ainsi, les Girondins n'enregistrent pas moins de treize départs (dont Dugarry, Lizarazu, et Zidane) pour autant d'arrivées (Papin, Ba, Colleter, Ziani, Micoud, Pavon...). Micoud et Pavon, d'ailleurs, formeront avec des joueurs comme Ramé, Jemmali, Saveljic, Laslandes et Wiltord, l'ossature du Bordeaux version Elie Baup, entraîneur du club depuis janvier 1998. C'est cette même équipe qui, après avoir retrouvé les places d'honneur (4ème en 1997, 5ème en 1998), va connaître en 1999 une saison faste en décrochant de haute lutte le titre de champion de France devant Marseille. Son premier depuis l'ère Claude Bez. De 1998 jusqu'à son renvoi fin 2003, Baup façonne donc une équipe à son image, sérieuse et solide, à défaut d'être toujours séduisante, régulièrement européenne en fin de saison, qui s'enrichit au fil des saisons des venues de joueurs comme Benarbia, Pauleta, Dugarry, Sommeil, Wilmots, Smertin, Savio... et de l'émergence d'un Feindouno ou d'un Chamakh. Le deuxième titre de l'ère Baup sera cette Coupe de la Ligue décrochée en 2002, aux dépens de Lorient, grâce notamment au buteur portugais Pauleta, auteur de trois saisons pleines sur les rives de la Garonne.
Les années fastes des Bordelais contrastent, de toute évidence, avec l'effondrement sportif des Alsaciens. Tout avait si bien commencé pourtant, en 1997, avec la victoire en Coupe de la Ligue, face à ces mêmes Bordelais. Ce titre vient récompenser un politique sportive réfléchie, celle de la présidence Weller, et un recrutement judicieux, qui a vu l'éclosion d'une véritable équipe de coupes, celle des Zitelli, Nouma, Baticle, Raschke, Suchoparek, Collet... Mais, en championnat, les Strasbourgeois peinent à décoller du ventre mou (9èmes) et à se rapprocher du statut des clubs régulièrement européens. L'Europe, le Racing y prend goût pourtant et, la saison suivante, s'offre une folle épopée en Coupe d'Europe qui le voit se défaire des Glasgow Rangers et de Liverpool avant de chuter, avec les honneurs, face à l'Inter de Milan, en huitièmes de finale. Ces belles heures sont autant de promesses de lendemains qui chantent: du moins, le croit-on alors.
Il n'en sera rien, et la réalité, brutale, sont loin des objectifs mirifiques annoncés trop hâtivement par le nouveau président. Au mieux, le club strasbourgeois se maintient en se faisant régulièrement peur, au contraire des années précédentes (13ème en 1998, 12ème en 1999, 9ème en 2000, après une première partie de saison catastrophique). Au pire, c'est la descente en D2, neuf ans après l'avoir quittée, au terme d'une saison désastreuse. Cette période reste aussi et surtout celle de l'inflation du marché des transferts, du bouleversement permanent de l'effectif, des transferts baroques et, souvent, peu concluants, d'un gâchis sportif autant qu'humain. Si le parcours en championnat, seul marqueur de stabilité possible, s'avère violemment chaotique, le Racing confirme qu'il est devenu une équipe de coupes, en remportant, sous la houlette d'Yvon Pouliquen, sa troisième victoire en Coupe de France en 2001. Et, pendant ce temps, les Bordelais jouent l'Europe chaque année...

La vie est un long fleuve (in)tranquille : 2003-2008.

A peine un an après l'avoir quittée, le Racing, sous l'impulsion du tandem Keller/Hasek, retrouve la première division en 2002. C'est cette même année que Bordeaux remporte sa première Coupe de la Ligue. Pendant que les Girondins se plient à la démarche imposée par le président Triaud et, surtout, par la politique prudente de l'actionnaire principal M6, sans forcément briller sur le front européen, les Strasbourgeois connaissent leur lot de joies et de tensions, de soulagements et de crispations, de victoires en coupes et de relégations.

En coulisses :

Toujours adeptes du profil bas, les dirigeants bordelais ne semblent pas changer une ligne directrice qui leur suffit amplement et leur rapporte le minimum exigé : une qualification régulière en Coupe d'Europe, si possible, en Ligue des Champions. Tant pis si les supporters, en manque d'adrénaline et de grands noms, critiquent leur manque d'ambition et la faible implication de M6 dans la vie du club. Tant pis si le club ne flambe plus en Coupe d'Europe depuis des années, semblant participer et même avaliser le relatif désintérêt des clubs français pour les compétitions européennes. Tant pis si Bordeaux apparaît comme un club lisse, trop sage, sans aspérités et éternellement satisfait de sa place de bon élève sur le plan national. La recette est simple, et reste toujours la même tant qu'elle fait ses preuves : éviter de flamber inutilement sur le marché des transferts et, surtout, éviter les grandes déclarations oiseuses, au rebours d'autres grands clubs français tout aussi dévorés d'ambition. Cette contestation trouvera un certain écho en 2003-2004 quand l'actionnaire majoritaire, réticent à mettre trop d'argent dans le football, sans pour autant se désengager, imposera au club girondin une cure d'austérité qui vise à limiter drastiquement les dépenses. Les gros salaires quittent le club et l'accent est mis sur le centre de formation, censé fournir l'ossature des succès à venir. Le club traverse alors deux années difficiles. Mais, de cette stratégie, le club bordelais ne se départira pas, et elle lui permettra même, de temps à autres, de tenter des « coups » sur le marché des transferts. L'éclosion d'un Fernando Cavenaghi ces deux dernières saisons en est la meilleure illustration.
Le Racing ne peut évidemment se payer le luxe d'une telle politique, lui qui, à peine remonté en Ligue 1, s'emploie déjà à liquider l'héritage des années Proisy. Dans un premier temps, le couple Egon Gindorf (président) /Marc Keller (manager général) semble remettre le club sur les rails, et, en dépit de résultats sportifs encore incertains et d'une certaine fragilité financière, la victoire en Coupe de la Ligue en 2005 sonne, en apparence, le retour au premier plan du club alsacien. Erreur : à peine l'euphorie dissipée, les premières dissensions se font jour au sein de l'équipe dirigeante. Ces tensions à rebondissements qui opposent Marc Keller à Philippe Ginestet, et qui conduiront à envisager un moment de confier la présidence du club à un certain... Afflelou, traversent le club jusqu'à ce que Ginestet se retrouve seul maître à bord en 2006. Ces péripéties incessantes ne font que renforcer l'image négative d'un club instable et mal géré, incapable de faire fructifier ses succès et toujours prêt à retomber dans ses travers.

Sur le terrain :

Les Girondins vont connaître, à partir de 2003, deux années difficiles, éreintantes, qui vont jeter le doute sur la pertinence de la stratégie adoptée par leurs dirigeants. Elie Baup ne résiste pas à la tempête et quitte le navire après cinq ans de bons et loyaux services. Son successeur, Michel Pavon, ne parviendra pas à redresser la barre et les Girondins, secoués comme ils l'ont rarement été, terminent deux saisons de suite dans les profondeurs du classement, échappant même de justesse à la relégation en 2004-2005. La réaction ne se fait pas attendre : en faisant appel à des entraîneurs du calibre de Ricardo puis de Laurent Blanc, en tentant des paris pour relancer certains joueurs au creux de la vague (Denilson, Cheyrou, Smicer), et, surtout, en s'appuyant sur la richesse de son centre de formation (Chamakh, Planus, Francia, Mavuba, Marange, Obertan, Ducasse), les Bordelais redressent la tête, retrouvent les hauteurs du classement, en décrochant à deux reprises, en 2006 et 2008, l'accession directe en Ligue des Champions, et accrochent une nouvelle Coupe de la Ligue à leur palmarès, remportée en 2007 face à Lyon.
Quant au Racing, il connaît également son lot de crises sur le terrain, enchaînant avec constance périodes d'euphorie et parcours erratiques. Les saisons, toutes plus déconcertantes les unes que les autres, se soldent le plus souvent par des maintiens péniblement arrachés, comme le club semble s'y être accoutumé depuis plusieurs années (13ème en 2003 et 2004, 11ème en 2005). Finalement, deux descentes entrecoupées d'une saison décevante en Ligue 1 viendront sanctionner cette friabilité et cette fragilité endémiques, rendant tout souhait de stabilité ou de reconquête toujours plus incantatoire. Chaque année dépouillé de ses meilleurs éléments (Pagis, Niang, Haggui, Keita, Gameiro), et dépourvu des moyens de les remplacer aussi efficacement, le Racing semble condamné à rester quelques temps encore dans le rang. Le regret en est d'autant plus fort que, à l'exemple des meilleurs clubs français, le Racing semble enfin toucher les dividendes de son centre de formation, réputé pour sa prolificité qui lui assure l'éclosion d'un certain nombre de jeunes prometteurs, dont la valeur, aussi bien sportive que économique, contribuera à faire fonctionner le club dans un proche avenir.

Conclusion :


Au terme de cette étude comparée du parcours des deux anciens « meilleurs ennemis » depuis leur remontée conjointe en 1992, il est loisible de constater combien le fossé s'est creusé entre les Girondins de Bordeaux et le Racing Club de Strasbourg. Certes, les deux clubs a connu son lot de crises, de tensions, de remises en cause, et de mésaventures sportives, que l'on peut interpréter comme autant de crises d'adolescence ou de maturité, dont certaines étaient inéluctables, d'autres aisément évitables. Mais force est de constater que le club girondin a réussi à s'installer de nouveau parmi les grands clubs français, en demeurant depuis 1992 en première division sans discontinuer, en remportant un titre de champion de France et deux Coupes de la Ligue, et, surtout, en se qualifiant treize fois pour une Coupe d'Europe. Les Bordelais ont simplement su se donner les moyens de leur ambition. Le Racing, lui, a démontré qu'il était capable, cycliquement, d'accomplir de grandes choses et son palmarès, avec une Coupe de France et deux Coupes de la Ligue, n'est pas tellement moins riche que celui de son homologue bordelais. Ce qui lui a fait défaut, c'est évidemment une régularité au plus haut niveau, une incapacité à jamais terminer ses saisons parmi les clubs européens (la grande force bordelaise), et une politique sportive cohérente. Mais, à sa décharge, les deux clubs ne partaient pas sur un pied d'égalité de ce point de vue : l'histoire récente montre combien la lecture des résultats du Racing ne peut faire abstraction des impératifs économiques, qui ont grevé sa marge de manoeuvre et qui ont fragilisé ses présidences successives. Il convient donc de toujours garder en mémoire ce facteur propre au Racing, fruit aussi bien d'un passé chaotique que de choix récents malheureux, afin de constamment pondérer le jugement porté sur le manque de stabilité du club alsacien.

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