Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Le théorème de Pascal Johansen

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Par captainflirt
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© Karim Chergui

« Peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas » (Blaise Pascal). Dix saisons passées au Racing Club de Strasbourg, ça laisse forcément des traces. Veille du derby alsacien-lorrain oblige : Jo, en sc

« Et puis, ça vous rappellera de bons souvenirs puisque c'est contre Metz que vous aviez débuté en D1.... »
« Oui, c'était en 2000 (le 15 janvier) à la Meinau et Le Roy m'avait mis au marquage de Meyrieu. On avait fait 1-1 je crois. Pour moi, ça rajoute un petit quelque chose. »

(P.C, DNA, 13 mai 2005)

On y est. Le Racing s'apprête à jouer son traditionnel derby face aux Messins. Revenu de blessure tout juste une semaine avant le choc, avec un passage très remarqué de son club à Gerland (où le FC Metz vient tout juste d'éliminer l'Olympique Lyonnais de la Coupe de la Ligue), Pascal Johansen est fin prêt pour participer à la rencontre dans laquelle il a vu le jour chez les pros. Mais cette fois-ci et près de neuf ans après, c'est vêtu de grenat qu'il jouera.
Pour nous aussi, forcément, ça rajoute un petit quelque chose...

Je t'aime... moi non plus

Rarement un joueur n'aura suscité à la fois autant d'admiration et de polémiques que Pascal Johansen. Cet Alsacien au sang chaud n'est en effet jamais parvenu à mettre tous les supporters strasbourgeois d'accord. Mais il n'a laissé personne indifférent.
Alors qu'il était tour à tour qualifié de « joueur talentueux », d' « élément indispensable », de « travailleur de l'ombre », « infatigable », « de génie » ; ou au contraire de « plaie », de « râleur », de « fouteur de merde », ou encore de « mercenaire », on pensait qu'il avait mis tout le monde d'accord en signant au FC Metz. Eh bien non, là encore, il n'y est pas arrivé. Considéré comme une ultime trahison pour les uns, ce dernier acte en date du 21 août dernier est au contraire apprécié comme un bon choix de carrière pour les autres, puisqu'il est parti rejoindre un entraîneur qui le connaît bien. Bref, même loin du Racing, les débats à son sujet fusent encore...

Pourtant pour signer trois fois en dix ans au Racing il fallait avoir les nerfs solides. Certains supporters vous diront qu'en trente ans aussi, mais c'est une autre histoire. Enfin pas tout à fait. Si on y regarde de plus près, Johansen incarne à merveille ce yo-yo interminable qu'effectue le Racing sur la planète football. Et les supporters de s'habituer également à ce Jo-Jo tantôt brillant, tantôt consternant.
La première signature, c'était en 1997, date à laquelle il rejoint le centre de formation du club strasbourgeois, après avoir réalisé des merveilles en tant que meneur de jeu du SR Colmar, dont il avait les clés du haut de ses dix-sept ans. Issu d'une famille de footballeurs, « Pagalou » arrive enfin à se faire un prénom deux ans plus tard, lors de ses grands débuts chez les pros, en réalisant ce que son frère aîné Frédéric n'a jamais pu faire, c'est-à-dire revêtir la tenue du Racing Club de Strasbourg. La faute à un destin tragique qui devait lui coûter la vie sur une route menant à Ensisheim en 1992, alors que le plus grand espoir du FC Mulhouse venait de signer chez les Bleus du nord. Revanchard, forcément. L'ombre de son frère ayant plané sur lui durant toutes ces années, Pascal ferme le clapet de tous ses premiers détracteurs qui pensaient qu'il n'y parviendrait jamais. Sans se douter qu'il aura encore fort à faire par la suite.
Trois ans plus tard, Claude Le Roy titularise le Haut-rhinois sur sa feuille de match à l'occasion du derby contre le FC Metz. Pascal a 21 ans et la belle aventure commence ; cette place de titulaire il ne la quitta quasiment plus pendant deux ans et demi, avant de s'envoler vers l'Olympique de Marseille.
Entre temps, Pascal fait ses armes aux côtés de Coco Martins, de Teddy Ber' et de Danijel Ljuboja. Entourés de bons joueurs, il prodigue des petites merveilles de passes et d'abnégation. Et c'est logiquement que vient s'inscrire la première ligne de son palmarès en 2001, cette Coupe de France dont il fut l'un des principaux artisans aux côtés de coach Yvon Pouliquen, remportée dans la douleur d'une relégation en Ligue 2 la même saison.

Aux portes de la gloire

Puis ce fut l'épisode marseillais. Johansen fut remplacé par Ulrich Le Pen à la fin du mois d'août, tandis que le club strasbourgeois empochait pas loin de trois millions d'euros pour le transfert d'un de ses derniers Alsaciens. Fabrice Ehret ne devait jamais s'en remettre.
Pascal connut de grands matchs du côté du Vélodrome, où il vécut une saison plus qu'honorable en étant titularisé par Alain Perrin à vingt-neuf reprises. Probablement la plus riche de sa carrière en termes de progression. Son club termina à la troisième place du championnat, qualificative pour la Ligue des Champions. Pascal Johansen y joua cinq matchs, avant que le club phocéen ne soit reversé en UEFA où il ne joua qu'un seul match, l'année même où Marseille connut sa dernière finale européenne en date. Mais sans lui.
En effet, cette saison 2003-2004 constitua déjà un premier tournant dans la carrière du joueur.
Tout commença pour « Pasqui » du côté de la Meinau un soir d'octobre. Celui que les adolescentes venaient admirer en nombre à l'entraînement lorsqu'il évoluait sous les couleurs du Racing allait connaître son premier désaveu notoire at home, alors qu'il sortait sous les sifflets du public à la 75è minute de la rencontre entre Strasbourg et Marseille, juste avant que Fabrice Ehret ne crucifie les siens. Une victoire 4 à 1 qui fut sans doute la plus retentissante des dernières victoires du Racing en championnat de France.
Ce fut l'incompréhension pour le joueur qui pensait avoir laissé un bon souvenir dans les travées de la Meinau. Il fit aussitôt mention dans la presse régionale alsacienne de ce triste évènement dès les jours qui suivirent. Une fâcheuse habitude qu'il n'allait dès lors plus quitter...

Puis, ce fut le début de ses prises de bec avec ses entraîneurs successifs. José Anigo le premier (si on excepte un épisode assez bref avec Yvan Hasek en 2002), chargé de remettre en ordre l'ensemble des Bouches du Rhône, ne voulut plus traiter avec un joueur qui faisait mine de le prendre pour « un con » à la moindre remarque. Non content de manquer l'occasion de tutoyer les sommets de l'Europe avec la bande à Drogba, Pascal traversa ensuite une période moribonde. On ne le vit guère au Prado. A vrai dire, il n'était même plus retenu pour jouer en CFA...
C'est dans ces circonstances précises que Pascal Johansen trouva l'opportunité d'aller rebondir sur ses terres, en renforçant l'effectif d'Antoine Kombouaré sous la forme d'un prêt avec option d'achat. Le Racing a bon coeur, et Pascal sut très vite le remercier.

La lente déchirure

La saison 2004-2005 aurait pu être l'une des pires de l'histoire du Racing Club de Strasbourg. Mais c'était sans compter sur les années suivantes. A contrario, et bien que fort mal entamée par de nombreux cartons encaissés à domicile comme ailleurs, cette saison fut la meilleure depuis bien longtemps aussi bien pour Strasbourg que pour Pascal Johansen.
Associé à Christian Bassila dans le secteur défensif, Paga allait s'offrir un retour au sommet sur la pelouse et dans les coeurs des supporters, aux côtés de plusieurs joueurs formés au club alsacien, dont Yacine Abdessadki qui suivit à peu près la même trajectoire que lui au cours des trois bouts de saisons qu'ils vécurent ensemble.

Tout d'abord écarté au fil des rencontres par Tony Kombouaré pour incompatibilité d'humeur (une désormais bien triste habitude), Pascal connut par la suite une véritable renaissance sous la houlette de Jacky Duguépéroux. Ensemble, ils allaient redresser la barre en parvenant à maintenir le club parmi l'élite de la plus belle des façons, en remportant au passage une petite coupette qui constitue à ce jour la seule et deuxième ligne du palmarès de Johansen.
La belle aventure de la Coupe de la Ligue et la vivacité d'un duo Pagis-Niang en attaque, copieusement alimenté par les prouesses du Colmarien, furent décisives dans le choix de conserver Johansen au club pour les trois saisons suivantes. Après avoir levé l'option d'achat qui liait encore le joueur à Marseille pour une saison, en déboursant la modique somme de 500.000 euros, Marc Keller, qui était également un grand ami de la famille Johansen, décida de confier au frère de son ancien équipier le statut de cadre de l'équipe pour la saison 2005-2006. Sa seule erreur aura probablement été d'y croire.
Saison « maudite », saison « chat noir ». La saison « mythique » pour laquelle les qualificatifs manquent à la bouche de tout supporter du Racing normalement constitué pour qualifier le départ de Mamadou Niang au mercato estival, fut celle de toute les désillusions. Aucun cadre de l'équipe n'ayant réussi à relever la tête pour sortir le club de ce guêpier qui l'entraînait irrémédiablement vers la Ligue 2. Le Haut-Rhinois n'échappant évidemment pas à la règle...

Grand acteur de cette hécatombe, Pascal Johansen ne sortit pas indemne du bourbier, et la cassure avec une partie du public allait s'intensifier, notamment à l'occasion de plusieurs altercations avec des supporters en déplacement comme à l'entraînement. La presse régionale fut une fois de plus abondamment usitée par le joueur, ou l'inverse, pour exprimer sa bonne foi, tandis que les journalistes tentaient vainement d'expliquer toute sorte de malaise que seule la tristesse d'une relégation peut en réalité révéler.

Un moment courtisé par l'AJ Auxerre, Pascal Johansen fut pourtant conservé dans l'équipe dont JPP allait prendre les rênes. Bons débuts, baisse de régime ou de motivation, le refrain est désormais connu : Pascal a besoin de jouer dans une équipe qui marche pour briller.
L'hiver est donc très rude et les tensions avec l'entraîneur se font sentir. La remontée immédiate tarde à venir. Ainsi, Troyes et Sedan pointent le bout de leur nez et un autre avenir semble se préparer pour Pascal. Il n'arrivera finalement qu'un an et demi et une nouvelle relégation plus tard, lorsqu'il signera au FC Metz.

Cette dernière saison fut sans doute celle de trop pour tout le monde. Pascal Johansen n'a pourtant pas démérité en début d'année. Alors qu'Abdessadki semblait détenir les faveurs du coach Jean-Marc Furlan, le Colmarien redoublait d'efforts à l'entraînement pour reconquérir sa place dans l'entrejeu strasbourgeois. Mais les rares prestations excellentes du joueur n'ont pas suffi à lever le doute sur ses réelles motivations. Témoin flagrant de cette longue agonie, les joueurs et supporters présents lors du match à Marcel Picot contre Nancy, au cours duquel Pascal Johansen demande à sortir en première mi-temps, parce que « ses coéquipiers ne lui donnaient pas le ballon ». Le Racing était à trois journées de la fin du championnat et pouvait encore mathématiquement se sauver... Ce fut la dernière apparition de Johansen sous les couleurs strasbourgeoises. La blessure était consumée.

Une nouvelle vie commence

Alors, à l'heure de dresser le bilan de son passage au Racing de ce fantasque joueur, si doué balle au pied, la plume est lourde. Il n'est probablement pas raisonnable de trancher définitivement à son sujet. Laissons plutôt chacun se faire sa propre idée.
Ce qui est sûr, c'est que Pascal Johansen a marqué son époque. De même que tous sont d'accord pour dire que le Racing méritait mieux ces dix dernières saisons, tous semblent à peu près d'accord pour dire que Pagalou aurait pu faire mieux ces dix dernières saisons.
Alors que ce début de saison où il n'a joué que deux fois, pour cause de blessure à la cheville, ne donne pas beaucoup de choses à dire, c'est oublier vite d'où il vient et qu'il a déjà parcouru un beau bout de chemin. C'est oublier aussi que sa carrière n'est pas finie, et qu'elle redémarre lundi soir, face à Strasbourg au stade Saint Symphorien sous les couleurs messines.
Mais là, soyons en sûr, il y aura encore beaucoup de choses à dire, et à lire... A chacun son théorème.

captainflirt

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