Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Les morsures de l'Aube

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Par matteo
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Si Strasbourg a son Racing, Troyes a son Racine (Andromaque, Iphigénie, tout ça). Ceux auxquels ce calembour tragique n'a tiré qu'un sourire attristé sont dispensés de la lecture de cet article. Pour les autres, c'est par ici que ça se passe.

« Votre mission, si vous l'acceptez, est de rédiger un article rigolo sur l'Espérance Sportive Troyes-Aube-Champagne. » Mazette, on y va fort chez redaction ! Pas évident d'écrire un article fin, subtil et brillant sur un club qui, sorti de Troyes et de quelques autres bourgades telles que La Chapelle-Saint-Luc, Saint-Parres-aux-Tertres ou Charmont-sous-Barbuise n'intéresse personne en France. Même le FC Martigues, à l'époque de sa splendeur, générait moins d'indifférence sur son passage que l'ESTAC – c'est dire l'anonymat dans lequel évolue le club champenois.
Mais comme le dit l'adage, à coeur vaillant rien d'impossible. C'est donc le coeur vaillant, l'esprit léger et la mauvaise foi en bandoulière que nous allons nous intéresser au club de cette bonne ville de Troyes, à travers un exposé que se divisera comme il se doit en trois parties.



Part one : la ville



En dépit de son équipe de football plutôt crépusculaire, Troyes est le chef-lieu de l'Aube. L'Aube est un département français dont strictement personne ne sait à quoi il peut bien servir. Un sas de décompression entre le bassin parisien et les contrées encore inexplorées de la Haute-Marne et de la Haute-Patate ? Un corridor sanitaire entre la Côte des Blancs et la Côte de Nuits ? Une entité administrative dont le seul but est de flatter le sadisme des professeurs d'histoire-géo qui aiment à punir les collégiens qui la confondraient avec l'Aude ? Nul ne le sait.

Les faits sont cependant accablants : les Aubois s'obstinent à produire du Champagne, alors qu'il est notoire que celui de la Marne voisine est infiniment supérieur. Ils continuent à confectionner de l'andouillette de Troyes, même si tout le monde sait qu'il n'est d'andouillette que celle charcutée en Normandie. Troyes reste l'un des grands centres français du textile, bien que les ignobles maillots Duarig de l'ESTAC soient fabriqués en Turquie. Bref, l'Aube ne serait-elle qu'un gigantesque ersatz ?

L'Histoire nous indique qu'Augustabona fut la capitale du peuple gaulois des Tricasses qui lui laissèrent leur nom en guise de cadeau empoisonné : Troyes. Et depuis, plus rien. Il se murmure dans les milieux autorisés que Troyes compterait parmi les plus belles villes de France grâce à son atmosphère médiévale et à l'étendue de son patrimoine. On n'en sait pas plus, personne n'a jamais pu le vérifier, et surtout pas le million de chalands qui visite chaque année les magasins d'usine de la ville, véritable Disneyland de l'hystérie fashionista.

Une anecdote, une historiette ? Difficile à trouver, tant la vie paraît s'écouler de la plus indolente des manières sur les bords de la Seine naissante. Ah, si : il a longtemps existé à Strasbourg une échoppe baptisée « Aux Bas de Troyes » et dont la récente fermeture a ému bien des Strasbourgeois, en particulier ceux qui n'y avaient jamais mis les pieds.



Part two : le club


Serait-ce du à un microclimat particulier qui sévirait sur Troyes et sa région ? Un « vent du fada » propre au sud de la Champagne crayeuse ? Toujours est-il que Troyes se distingue dans le paysage footballistique français par le caractère ubuesque des différentes dénominations qui ont jalonné l'évolution du club. Ces noms sont tout simplement plus farfelus les uns que les autres.

Passons sur l'UST, l'ASTS et autre TOS pour nous intéresser au début des années 70 : les plus anciens se souviennent sûrement du TAF (Troyes Aube Football), qui sévira en Première Division de 1973 à 1979. On imagine avec effroi les conversations de l'époque dans les bistrots troyens : « ce soir, après le taf, je file au TAF ». Pas étonnant qu'avec un nom évoquant plus le labeur et la sueur que le football-champagne, le TAF ait fini tristement sa course dans un fossé communal après que ses problèmes financiers l'eurent poussé à la liquidation.

Tel le Phénix renaissant de ses cendres, voilà que Troyes, au mitan des années 90, retrouve le monde du football professionnel. C'est là que le « vent du fada » frappe encore, puisque ses dirigeants de l'époque ont l'idée géniale de baptiser le club Association Troyes Aube Champagne (ATAC). Ce nom, s'il évoquera à certains l'acronyme d'une célèbre association altermondialiste, est surtout celui d'une chaîne de supermarchés. Un peu comme si l'Inter décidait de s'appeler l'Intermarché de Milan, l'Udinese devenait Super U-dinese ou l'AS Monaco se transformait en AS Casino. Ce qui devait arriver arriva : suite à un litige avec ladite chaîne de supermarchés, l'ATAC se vit dans l'obligation de changer une nouvelle fois de nom.

Brainstorming dans les bureaux du club champenois. Et qu'en est-il sorti, je vous le demande ? Espérance Sportive Troyes Aube Champagne (ESTAC). Un nom qui évoque plus Pagnol que Chrétien de Troyes. Un nom qui sent la garrigue et la poiscaille pas fraîche plutôt que l'andouillette ou la craie champenoise. Le « vent du fada » avait encore frappé. Le quiproquo fut tel que les rencontres OM-ESTAC se jouèrent traditionnellement dans un Stade Vélodrome quasi-vide, les Marseillais croyant qu'il s'agissait là d'une rencontre amateur de la Ligue de Provence.

Il faut désormais espérer que les dirigeants troyens aient écumé tous les noms ridicules se finissant en TAC ou autres TRAC. Dans le cas contraire, on peut être certain que TICTAC, PATRAC ou MATRAC figurent en tête de leur liste.

Une autre curiosité est le stade de l'Aube, sur la pelouse duquel on imagine bien les gouttes de rosée perler : malgré un programme de rénovation entamé en 1999, celui-ci serait d'une telle vétusté que même les plus fidèles supporters se sentent obligé de manifester leur mécontentement à l'occasion de chaque match. Qui n'a jamais entendu le public du Stade de l'Aube signifier à la face du monde sur l'air des lampions qu'il se sent « Allez Troyes, allez Troyes » dans des tribunes riquiqui ne peut imaginer l'ampleur du martyre enduré par le supporter troyen.

Martyre rendu encore plus insupportable par l'une des autres caractéristiques notables du club troyen : la laideur proverbiale de la tunique de ses joueurs. Des générations entières de jeunes enfants ont fait des cauchemars récurrents peuplés de footballeurs ressemblant à Samuel Boutal et revêtus de maillots immondes défigurés par des logos Baguépi de taille démesurée. C'est dans le trauma originel causé par les maillots bleus siglés Rica Lewis qu'il faut rechercher l'origine des difficultés comportementales actuelles de [lien=https://racingstub.com/persons/1789/]JérôM. Rothen[/lien] (regard hagard, discours incohérent, tendance à appuyer sur le champignon, graphomanie). Si Mickaël Landreau n'a pas arrêté le tir de McFadden, c'est tout bonnement qu'il fermait les yeux en tremblant de peur à la simple évocation mentale de la tenue de son collègue Ronan Le Crom.

L'esthétique des maillots de l'ESTAC est d'ailleurs la cause principale du départ de Jean-Marc Furlan du club champenois : comment un entraîneur aussi impeccablement sapé aurait-il pu continuer à cautionner un tel attentat au bon goût ?

Transition habile pour signaler qu'en plus de JMF, deux joueurs importants de l'effectif strasbourgeois sont passés par l'ESTAC. Si Grégory Paisley a su s'y faire une petite place au soleil (avant de suivre son coach par solidarité anti-Baguépi), notre ami Stéphane Cassard y aura passé 3 saisons comme gardien de but remplaçant.

Un club qui n'a pas su apprécier à sa juste valeur le talent de Saint-Stéphane-Protecteur-des-Pauvres au point de lui préférer un portier aussi brillant que Tony Heurtebis n'est décidément pas crédible au plus haut niveau.




Partie troyes : l'équipe

Un raccourci rapide voudrait que si Troie a son cheval, Troyes aurait ses bourrins. « Que n'hennit ! », répondrait sur le champ (de course) l'entraîneur Ludovic Batelli.

Car, depuis le début de la saison, c'est Ludovic Batelli qui entraîne l'ESTAC, après que Denis Troch a jeté l'éponge pour cause de déprime baguépique. Ceux qui suivent de près le Racing se souviennent bien du bonhomme : c'est lui qui, il y a deux saisons, alors qu'il dirigeait Amiens, avait dénoncé casquette vissée sur la tête l'arbitrage inique censé avantager les gros (comprendre : Strasbourg) par rapport aux petits (comprendre : Amiens). On se rappelle également que Batelli fut gardien de but, une sorte de Baratelli qui aurait bouffé son « ra », du côté de Valenciennes ou de La Roche-sur-Yon (si, si, il y eut un jour du football professionnel à La Roche-sur-Yon).

Que dire de l'effectif troyen ? Qu'il ressemble à l'archétype de l'effectif d'un club banal de Ligue 2. Entre ancienne starlette fauchée en plein vol et qui continue son tour de France des clubs glauques de L2 (Fabrice « Troyes-est-le-club-de-mon-coeur » Fiorèse), joueurs vaguement connus par les lecteurs compulsifs de la rubrique L2 de France-Football (Lafourcade, Buengo, Bettiol, Lesoimier, Drouin, Guillaume) et inconnus complets (Faussurier, Obbadi, Guidilleye, Beauvue), difficile de trouver de quoi se dérider les zygomatiques.

Et c'est précisément ici, que toi, cher lecteur, tu ressens la gêne éprouvée par le rédacteur de cette aimable pantalonnade. Comment est-il humainement possible de faire rire en évoquant les noms de Jesper Mikkelsen, Cyrille Merville ou Eloge Enza-Yamissi, lesquels, à vue de nez, ne se prêtent que très peu à la gaudriole ? C'est une sensation vertigineuse de vide métaphysique qui saisit celui qui se confronte à la lecture de l'effectif troyen. Les noms s'égrènent : Kébé, Marester, Faye, Bouzid... « Des pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concepts, aveugles », a écrit Emmanuel Kant dans « Critique de la Raison Pure ». Le cousin de Cédric Kanté n'avait effectivement pas tort : c'est bien le vide du contenu de la pensée qui caractérise le mieux l'effet que peut faire l'examen d'une feuille de match de l'ESTAC. Gageons cependant qu'au royaume des aveugles qu'est la L2, les intuitions sans concept de JMF seront reines.

Entre ici, Ludovic Batelli et ton cortège de Mondeguer, Prempeh, Shaiek, Mermillod et autres soldats inconnus au bataillon ! Que la lumière soit dans l'immense nef de la Meinau, et que la mission du Racing soit claire : contre Troyes, c'est trois points, point.

matteo

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