Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

L'Arlésienne, clap de fin

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Par strohteam
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L'Eurostadium disparaît subitement du paysage en ce début d'été... Ce qui ne manque pas d'entraîner la perplexité quant aux desseins réels des uns et des autres.

Jacques Bigot l'a annoncé sur France 3, le projet Eurostadium est mort et enterré. La raison invoquée par le président de la Communauté urbaine pour motiver ce refus est le brusque revirement d'Hammerson. Les dernières propositions du groupe britannique diffèrent en effet très nettement du modus vivendi de septembre 2008. Selon l'accord initial, la collectivité devait fournir un terrain et financer les accès, Hammerson prenant à sa charge l'ensemble du coût de la construction - estimé à 350 puis 400 millions d'euros, divisés pour moitié entre le stade et le centre commercial attenant.

Or, à l'occasion d'ultimes négociations, Hammerson a réclamé, selon Bigot, 50 millions d'euros de subventions publiques pour la construction du stade ainsi que le financement à hauteur de 47 millions d'euros des infrastructures annexes, notamment les parkings, le terrain devant par ailleurs être mis à disposition gratuitement. La Communauté urbaine préfère mettre ces 100 millions d'euros d'argent public dans la réfection du stade de la Meinau, dont elle est propriétaire. Cette annonce vient mettre brutalement fin à un feuilleton vieux de plus d'un an mais qui, au fond, a toujours été marqué par une grande dose de flou. Eurostadium n'aurait-il été au fond, qu'un gigantesque bluff, une belle partie de poker menteur ? Autopsie provisoire d'un échec.

« Froid ? Moi ? Jamais ! »

Dès l'annonce du projet, alors qu'Hammerson n'était pas encore apparu dans le tableau, le financement du pharaonique complexe a constitué un épais mystère. Pourtant, tous les acteurs du dossier ont manifesté en public un constant optimisme sur la possibilité de financer un stade à partir d'un centre commercial, uniquement sur fonds privés. Strasbourg devait être pionnière en la matière. Promis juré, le Racing et la municipalité n'auraient pas à mettre la main à la poche, contrairement à ce qui pouvait se passer à Lille. Et peu importe si entre-temps la crise économique a durement touché le secteur de l'immobilier. Peu importe que même le grand Liverpool FC ait été contraint de renoncer à son projet de nouveau stade. Et tant pis si les retails parks – ces gigantesques centres commerciaux à l'américaine en périphérie qui ont bourgeonné ces dernières années – s'écroulent, victimes d'une offre sur-abondante par rapport aux besoins limités des consommateurs. Philippe Ginestet notamment est constamment resté fidèle à cette antienne : le stade devait être intégralement financé par Hammerson, qui devait s'y retrouver sur les loyers des nouveaux emplacements commerciaux crées. Bref, tout le monde était content et c'était franchement génial, repasse-moi un peu de ta cigarette qui fait rigoler.

Sur racingstub.com comme ailleurs, le débat a fait rage : était-ce bien réaliste ? Les optimistes mettaient en avant le caractère de long terme de l'investissement et le potentiel supposé d'un grand espace de loisirs et de consommation. Les sceptiques, de leur côté, persistaient à ne pas comprendre comment une entreprise ayant par définition vocation à faire du profit, et par ailleurs durement touché par la crise, pouvait envisager de faire une telle fleur au RCS et aux Strasbourgeois. Beaucoup ont suspecté l'existence d'un vice caché quelque part,. Au final, la réalité s'est révélée abrupte : Hammerson a fini par réclamer à la CUS l'équivalent des deux tiers de la somme initialement envisagée pour le projet de stade (150 millions d'euros). Autant dire que le groupe britannique entendait surtout construire un centre commercial, tout en versant une participation substantielle mais nettement insuffisante pour la construction d'un stade dont il s'imaginait pourtant pouvoir être le propriétaire et, à ce titre, le bailleur du Racing ! En langage familier, on désigne souvent cela à l'aide de la formule du beurre, de l'argent du beurre et de l'avenant postérieur de la crémière. Des conditions très difficilement acceptables pour des décideurs publics déjà soumis aux pressions des commerçants de la ville qui, très tôt, avaient clamé leur hostilité au projet.

« Gouverner c'est faire croire »

Alors forcément, devant un échec aussi retentissant, des questions se posent et l'imagination travaille. Quel a été le degré de sincérité des différents acteurs ? Avaient-ils des motivations cachées, car peu avouables ? Au vu des derniers événements, il semble peu crédible d'imaginer que tous ceux qui ont été impliqués dans cette affaire ont vraiment cru jusqu'au bout à l'aboutissement du projet. Entre les déclarations d'intentions, la confiance affichée et le déroulement des faits, il y a un décalage trop béant pour ne pas susciter le soupçon. Sans tomber dans la théorie du complot, on peut tout de même esquisser quelques hypothèses.

La démission de Philippe Ginestet, pour commencer, prend une toute autre dimension avec l'échec de ce qui était son bébé, projet qui, de l'avis général, lui tenait énormément à coeur. L'ex-président du Racing s'est il rendu compte un peu avant ses supporters que, non content d'être trahi par son entraîneur, il allait aussi être lâché par son bâilleur de fond ? A-t-il anticipé cet autre échec en se mettant de lui-même en retrait ? On a en tous cas du mal à imaginer qu'il se soit bercé d'illusions aussi longtemps que certains suiveurs partisans de l'Eurostadium. Inutile de dire qu'on aimerait bien l'entendre à ce sujet. De même, le retour de l'emblématique Gilbert Gress flanqué d'un Léonard Specht estampillé « 1979 » ressemble fort a posteriori à une concession effectuée par avance aux nostalgiques, pour mieux faire passer la pilule de l'abandon d'un futuriste projet. Un retour vers le futur destiné à faire oublier un futur sur le retour, en somme.

Le cas de la municipalité et de la CUS est plus clair puisque Roland Ries a ouvertement admis avoir mené un double-jeu. En façade, les élus ont manifesté leur adhésion à l'Eurostadium. Ils se sont déclarés très intéressés par le projet d'Hammerson. La CUS était un acteur incontournable dans ce dossier puisque les dispositions légales envisagées suite au rapport Séguin pouvaient lui permettre de procéder à des expropriations et à des travaux d'envergure en sautant l'étape de l'enquête d'utilité publique. Les mésaventures survenues lors des derniers travaux du tram semblaient donc loin derrière puisque les stades et leurs accès seraient désignés d'office comme étant d'utilité publique. Voilà qui ne pouvait qu'intéresser au plus haut point un géant de l'immobilier commercial qui, fatalement, allait être confronté à tous types de recours en justice. La CUS avait donc une très belle carte dans son jeu mais, soucieuse de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, elle aurait en parallèle travaillé en secret sur un projet alternatif, la rénovation du stade de la Meinau, pourtant largement considérée jusqu'ici comme difficilement faisable. Roland Ries a fini par sortir cette carte de sa manche lors de la visite de Jean-Pierre Escalettes et Frédéric Thiriez, sans que l'on puisse faire pour l'instant la part entre ce qui relève de l'effet de l'annonce et ce qui a réellement été préparé en amont. Véritable alternative ou projet de secours bricolé dans l'urgence ? Difficile de le dire pour l'instant, il faudra attendre encore quelques jours pour voir à quoi ressemble plus précisément le « plan B » échafaudé en secret par nos édiles. Autre question, la rénovation de la Meinau est-elle possible sans Euro 2016 à Strasbourg ? « Même sans Euro, nous rénoverons la Meinau. C'est une nécessité après 25 ans » déclarait hier Bigot.

Reste le gros morceau. Hammerson. Celui dont on a beaucoup parlé, mais qui n'a jamais daigné s'exprimer en public. Depuis l'annonce de septembre 2008, le silence du groupe britannique a été assourdissant. Un seul pauvre communiqué sur son site officiel, aucune prise de position de ses dirigeants, le grand argentier de l'Eurostadium a été pour le moins économe en communication. Le plus souvent, c'est Philippe Ginestet qui a agi comme son porte-parole officieux. Mais, en dehors des interventions du président du RCS, rien qui permette de mieux cerner la stratégie du groupe, ses motivations, son business plan. Le groupe britannique est sorti de l'ombre au début de l'automne 2008 pour décrocher un accord d'exclusivité avant d'y retourner aussitôt, enfermé dans son mutisme. Les envoyés d'Hammerson étaient ces mystérieux hommes en noir qui venaient discuter avec les services de la CUS sans jamais donner un avis. Tout juste savait-on qu'ils « travaillaient dessus », selon une formule maintes fois employée par Ginestet. Autant de travail pour produire une solution dont il faisait peu de doute qu'elle était inacceptable pour la CUS ? On a du mal à le croire.
Alors, forcément, un autre scénario se dessine, celui d'un investisseur immobilier qui, confronté à l'annonce de l'installation d'un gigantesque complexe à proximité, décide de couper l'herbe sous le pied à ses concurrents potentiels en s'accaparant le projet... quitte à le couler ensuite.
L'intérêt d'Hammerson n'a jamais été clair dans cette affaire. Déjà propriétaire de la Place des Halles, que pouvait-il espérer en construisant un tel mogul à quelques kilomètres à vol d'oiseau ? Forcément, une telle augmentation de la surface commerciale globale allait déprécier d'autant la valeur de son investissement initial. De la même manière, Hammerson a accepté visiblement sans broncher le déménagement du projet d'Entzheim à Eckbolsheim souhaité par les décideurs publics alors même que cela l'emmenait dans un endroit déjà saturé, puisque le centre commercial d'Hautepierre figure à tout juste 500 m ! Les dirigeants d'Hammerson ont-ils sérieusement mené leurs étude ou se sont-ils contentés de donner le change, payant ainsi le moindre coût pour préserver la position dominante de leur navire amiral strasbourgeois, la Place des Halles ? Rien ne permet de l'affirmer mais l'auteur de ces lignes en est fermement convaincu. Si c'est le cas, ce sont les supporters du Racing qui, pour la deuxième fois en à peine plus d'un mois, ont été pris pour des abrutis. Et en beauté une fois de plus.


Les autres articles sur le sujet :
> Eurostadium : horizon juin 2013 (5 juin 2008)
> Le point sur l'Eurostadium (20 juin 2009)

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