Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Disparition de Joseph Heckel

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Ailier droit du Racing de l'après-guerre et chef d'entreprise novateur, Joseph Heckel s'en est allé discrètement. Retour sur une vie bien remplie.

La nouvelle avait quelque peu échappé à la plupart des observateurs en ces temps agités : une figure de l'histoire du club nous a quittés le 29 mai dernier. Joseph Heckel fit partie de la petite troupe de courageux qui relança, dans un climat très difficile, le Racing après les affres de la Seconde guerre mondiale. Réintégré au rang qui était le sien en 1939 – la première division – le club repart alors en fait presque de zéro dans une région en grande partie dévastée et plus largement traumatisée. En quelques semaines, Strasbourg réussit pourtant à monter une ossature ayant fière allure avec la vedette d'avant-guerre Emile Veinante sur le banc, Oscar Heisserer en maître à jouer et le formidable Paco Matéo en défense. Mais quelques grands noms ne suffisent pas à former une équipe et il faut donc trouver de bons joueurs locaux pour compléter l'effectif. Joseph Heckel sera de ceux-là : il est repéré durant l'été 1945 alors qu'il évolue avec Schweighouse contre les amateurs du Racing. Il entame ainsi un bail de trois ans sur l'aile droite de la ligne d'attaque strasbourgeoise, également composée de joueurs comme Alphonse Rolland, Frédéric Woehl et, un peu plus tard, Charles Heiné.

Le grand exploit sportif de cet immédiat après-guerre c'est bien-sûr le parcours en coupe de France durant la saison 1946/1947, qui voit le Racing retrouver Colombes dix ans après sa première finale contre Sochaux. Joseph Heckel joue un rôle important dans cette marche en avant, étant notamment l'auteur du but décisif en quarts de finale face au Stade français (2-1). Ces belles performances associées à une débauche d'énergie remarquable lui assurent une place de titulaire pour la finale, alors qu'il avait été un temps en balance avec Esteban Gomez. Malheureusement, Lille est trop fort et le Racing s'incline logiquement (0-2). En championnat également, Strasbourg réalise une très belle saison conclue sur une troisième place avec une attaque de feu (79 buts en 38 matches), un bilan auquel Joseph Heckel a largement participé. Il reste encore une saison au club mais renonce à poursuivre une carrière professionnelle, ce qui lui permet tout de même de participer au tournoi de football des Jeux Olympiques de Londres en 1948 en compagnie de Lucien Schaeffer et Raymond Krug.

Revenu à la Walck, Joseph Heckel réintègre l'entreprise familiale tout en donnant un formidable coup de fouet au club du village. Le FC La Walck atteint l'élite régionale en 1949 et est immédiatement promu au terme de la saison, avec le titre de champion d'Alsace à la clé. Relégué dans la foulée, il se stabilise en DH jusqu'en 1957 avec notamment un certain Paco Matéo comme entraîneur-joueur. Les « Bombardiers de la Walck » sont alors réputés dans toute la région pour leu jeu offensif débridé et attirent souvent plusieurs milliers de spectateurs sur leur vieux terrain en pente, notamment lors des confrontations épiques face à Wittelsheim.

L'autre vie de Joseph Heckel est consacrée à l'entreprise familiale, active dans la fabrication du cuir depuis déjà plusieurs décennies à l'époque. Un oeil de cordonnier qui fit remarquer très vite au joueur quels étaient les multiples défauts des chaussures de football de l'époque, et notamment leur trop grande rigidité. Il innove en créant alors la première chaussure de football à bout mou, qui comporte également une première ébauche de crampons vissés. Pour assurer la promotion de cet outil révolutionnaire, il s'associe à son coéquipier Oscar Heisserer : c'est la marque 2H, pour « Heckel-Heisserer ». Le succès est patent, et rapidement le championnat de France se fournit à la Walck et ce jusqu'à la fin des années 1950, moment où Adidas prend l'essentiel du marché. Au passage, le tandem suscite quelques jalousies et scènes cocasses, puisque c'est pour obtenir une mallette en cuir similaire à celle offerte par Heckel à Heisserer que Paco Matéo plongea dans l'Oise avant un match de coupe de France !

Une fois le football abandonné, la marque Heckel se spécialise progressivement dans les équipements professionnels, notamment les chaussures de sécurité pour les électriciens. Ayant succédé à son père à la tête de l'affaire, Joseph Heckel accompagne cette mutation. L'entreprise existe toujours et a gardé une implantation à La Walck, même si la famille Heckel en a cédé le contrôle à un groupe allemand il y a une dizaine d'années.

Joseph Heckel n'en avait toutefois pas complètement fini avec le Racing, puisqu'il revient en 1960 en tant que directeur sportif du club, dans les bagages du comité de Jean-Nicolas Muller. Le Racing est alors en bout de course, asphyxié financièrement et appauvri sportivement par une deuxième relégation en deux ans. Il faut donc frapper un grand coup, et le nouveau directeur sportif s'y emploie en faisant revenir Emile Veinante sur le banc et surtout en lui offrant deux joueurs de luxe pour la D2, Robert Jonquet et François Remetter. Conscient également de la nécessité de préparer l'avenir, il complète l'escouade en offrant des contrats pros à plusieurs juniors prometteurs, dont Gérard Hausser, Gilbert Gress et Johnny Schuth. La remontée est immédiate, mais la saison suivante plus difficile. Lorsque Emile Veinante est limogé en décembre 1961, Joseph Heckel choisit de le suivre en démissionnant, revenant cette fois ci définitivement à La Walck.

Après Robert Félix, Hubert Hausser, Casimir Koza et René Hauss c'est donc un cinquième personnage marquant de l'histoire du Racing et du football alsacien qui s'éclipse cette saison. L'année aura été marquée du sceau de la tristesse, sur bien des plans.

Références


Hervé Bride, Jean-Luc Fournier, Bernard Kuntz, et al., Cent ans de football en Alsace, vol. 2, LAFA, 2001, pp. 56-59.
Sigor Ibanez, Une chaussure à la pointe, sur le site du CUEJ.
Pierre Perny, Racing 100 ans, 2006, pp. 110-128 ; 192-198.

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