Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : octobre 1981

Note
0.0 / 5 (0 note)
Date
Catégorie
Souvenir/anecdote
Lectures
Lu 3.274 fois
Auteur(s)
Par strohteam
Commentaires
5 comm.
Tanter.jpg
Joe le barbu est de retour © Karim Chergui

La France abolit la peine de mort mais le Racing songe de plus en plus à couper la tête de son entraîneur. Lui aussi fidèle à son légendaire esprit de contradiction, le grand Georges casse sa pipe. Retour sur un automne sous le signe de la faucheuse

Résumé de l'épisode précédent: Attendu dans le premier tiers du classement, le Racing déçoit en ce début de saison 1981-1982. Auteurs de performances irrégulières, les Bleus souffrent notamment à domicile et sont loin de l'objectif européen fixé en début de saison. Les dirigeants, André Bord en tête, ont demandé aux joueurs une réaction et confirmé l'entraîneur en place. Pour l'instant.

En 1981 comme en 2011, l'automne européen est traversé de troubles monétaires et d'incertitudes économiques. Confronté à une inflation galopante et à des réserves en devises chancelantes, le gouvernement Mauroy doit se résoudre à accepter une dévaluation du franc, qui perd 8,5% par rapport au Deutsche Mark. Une mesure qui doit permettre une relance des exportations nationales et devrait aussi avoir des effets bénéfiques pour la région frontalière qu'est l'Alsace, mais seulement à court-terme d'après les experts. Ce réalignement monétaire s'accompagne de mesures plus strictes, comme la suppression de l'anonymat pour les achats d'or, et un retour au contrôle des prix pour les produits de base (pain, lait, beurre, margarine, sucre, café). L'inflation se traduit également de façon très concrète dans la composition des portefeuilles puisque la Banque de France met en circulation un billet de 20 francs à l'effigie de Claude Debussy, appelé à remplacer la coupure de 10 francs à l'effigie d'Hector Berlioz.

Le cours de l'action Racing est lui aussi à la baisse. Après l'échec à domicile face à Brest, les Strasbourgeois enchaînent une deuxième défaite de rang à Bastia (1-0). Les Corses avaient pourtant disputé un match de coupe des coupes seulement deux jours plus tôt (victoire 5-0 contre les Finlandais de Kotka) mais ce sont bien les visiteurs qui manquent cruellement de tonus. La nouvelle réorganisation tactique opérée par Raymond Hild (retour de Deutschmann, Nielsen avant-centre) n'a pas payé face au vainqueur de la Coupe, où Claude Papi rayonne au milieu de terrain. Au terme de cette rencontre, le RCS se classe 15e, à peine au-dessus de la côte d'alerte. Une dégringolade qui se concrétise quelques jours plus tard par l'absence, pour la première fois depuis trois ans, du moindre Strasbourgeois dans la liste de Michel Hidalgo. Dominique Dropsy et Léonard Specht sont en effet évincés des 22 tricolores pour la rencontre à Dublin par un sélectionneur jugé « aux abois » par la presse locale.

Trois jours après Bastia, le Racing reçoit Montpellier, compagnon du wagon de queue, pour une nouvelle désillusion. Devant la plus faible affluence depuis des mois (5.000 spectateurs), les Strasbourgeois livrent un match triste conclu sur le score de 0-0. Un peu plus d'un an après ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire », la crise est de retour sur les bords du Krimmeri. Les Dernières Nouvelles d'Alsace en font leur manchette et dégainent un dossier spécial de trois pleines pages où tous les acteurs s'expriment. Le Racing a de nouveau loupé son début de saison mais cette fois-ci le mal semble davantage « psychologique », donc insondable, selon les analystes. Mis sur la sellette, l'entraîneur est accusé d'être trop bon avec ses joueurs, de manquer d'autorité – et ce d'autant plus que les rumeurs de libations nocturnes courent avec insistance. Les intéressés réfutent en bloc, mais le malaise persiste. Heureusement, la trêve internationale est là pour calmer les esprits et figer la situation. En Irlande, les Français s'inclinent 3-2 et compromettent grandement leurs chances de qualification pour le Mondial espagnol. Au passage, la presse alsacienne, un peu maligne sur le coup, ne se prive pas de souligner qu'on aurait peut-être vu moins d'errements défensifs avec Specht et Dropsy sur le terrain de Lansdowne Road.

Si l'agenda du nouveau gouvernement est largement dominé par les problèmes économiques, le mois d'octobre 1981 marque aussi quelques changements notables sur le plan judiciaire. Au début du mois, le Sénat suit l'Assemblée nationale et approuve, par 160 voix contre 126, l'abolition de la peine de mort. Un vote qui a nécessité le ralliement de bon nombre de parlementaires de l'opposition, dont l'avocat Marcel Rudloff qui se déclare « abolitionniste de raison ». Quelques jours plus tard, Robert Badinter est à Strasbourg en compagnie du ministre des affaires européennes André Chandernagor pour déposer l'instrument de ratification de l'article 25 de la Convention européenne des droits de l'homme. Une disposition qui permet le recours individuel des justiciables devant la Cour de Strasbourg, et que la France avait jusqu'ici refusé de reconnaître.

Le Racing reprend son parcours en championnat du côté de Lille avec un revenant dans ses rangs. Après un an et demi de galère et deux opérations au genou, Joël Tanter réintègre le groupe et se trouve même propulsé titulaire sur la pelouse de Grimonprez Jooris. Strasbourg ramène un point du Nord (1-1) en grande partie grâce à son gardien qui s'interpose à de nombreuse reprises dès le début du match mais doit finalement céder à la 27' face à « l'artiste » turc Verel. Remis en selle par un coup du sort – un défenseur lillois catapulte un centre de Piasecki dans ses propres filets – le Racing réalise une prestation défensive honorable en deuxième période pour préserver le match nul. Six jours plus tard, les Racingmen sont en Lorraine pour un match en retard. A Nancy, ils démontrent une nouvelle fois leurs limites du moment en encaissant une correction sans appel (3-0). La presse parle « d'impuissance » et de « résignation » dans les rangs strasbourgeois. Deux jours plus tard, Jean-Pierre Meyer enfonce le clou : « Le bénéfice du doute est passé, il faut bouger » tandis que l'on voit refleurir les banderoles de soutien à Gilbert Gress, qui obtient de bons résultats du côté de la Suisse avec le Xamax de Neuchâtel. Un Schilless qui ne se prive pas d'appuyer là où ça fait mal en déclarant à un journal helvète qu'il reviendra au Racing « par la grande porte ».

Avec un tel contexte, les observateurs ne donnent guère cher de la peau de Max Hild, qui s'offre cependant un sursis par la grâce d'une victoire à domicile face à une très faible équipe de Lyon (2-0). C'est Isaac Peretz, pourtant chahuté par le public, qui signe le doublé du soir, bien servi sur le second but par Francis Piasecki. Un Viki Peretz en net regain de forme puisqu'il se signale à nouveau pour l'ouverture du score lors du match suivant face au FC Tours désormais entraîné par une vieille connaissance, Hendrikus Hollink. L'Israélien est à l'initiative et à la conclusion de l'action qui permet au Racing de mener 1-0. Mais le RCS est définitivement en souffrance sur le plan défensif, et peine à tenir un score. Trop repliés, les Strasbourgeois subissent et craquent une première fois sur coup-franc avant d'abandonner aussi le point du nul à seulement trois minutes de la fin (2-1). Toujours scotché à la 15ème place, le Racing ne doit qu'à la densité générale du championnat de ne pas être d'ores et déjà largué : même le leader sochalien compte déjà trois défaites.

En 1981 comme en 2011, un match de rugby entre la France et la Nouvelle-Zélande marque l'actualité sportive. Fait plus inédit, la rencontre d'il y a trente ans ne se dispute pas à l'Eden Park ou au Parc des Princes, mais bien à la Meinau. Les All Blacks sont en tournée européenne d'automne et commencent par dominer assez facilement la Roumanie avant de venir défier à Strasbourg une « sélection française » qui fait figure d'équipe A', avec tout de même quelques profils intéressants comme le jeune demi de mêlée international de Lourdes Pierre Berbizier. Le match attire 9.000 spectateurs curieux de voir le fameux « cri de guerre » néo-zélandais, un peu moins chorégraphié qu'en 2011, et qui assistent à un match vivant conclu sur une courte défaite française (13-15). Un « grand spectacle » qui a visiblement enthousiasmé les reporters de la presse locale, laquelle consacre de nombreuse pages et une planche entière de photos à l'événement. Et forcément, l'éternelle tarte à la crème de la comparaison avec le football revient, les joueurs du Racing étant sommés par les éditorialistes de faire preuve d'autant d'abnégation et de courage que les valeureux rugbymen.

Les deux grands disparus du mois sont Anouar el-Sadate et Georges Brassens. Après Ronald Reagan et Jean-Paul II, le leader égyptien est déjà le troisième chef d'Etat à être blessé par balle en cette année 1981. Contrairement à ses homologues, il n'en réchappera pas. Il faut dire que les circonstances lui laissaient peu de chance puisqu'il a été pris pour cible non pas par un tireur isolé mais par des membres d'une parade militaire qui passait juste devant lui. Son successeur a pour nom Hosni Moubarak et il organise des funérailles grandioses où se pressent les grands de ce monde, y compris l'Israélien Begin. Émotion moins grandiloquente mais profonde le 31 octobre alors que l'on apprend la mort deux jours plus tôt de Georges Brassens. A seulement soixante ans le Sétois perd définitivement la tramontane en trouvant un crabe. Avec sans doute quelques ardoises du côté du Très-Haut. Mais, au fond, il s'en fout.


Article réalisé à partir des archives des Dernières Nouvelles d'Alsace, consultables à la médiathèque André Malraux.

strohteam

Commentaires (5)

Flux RSS 5 messages · Premier message par oudin · Dernier message par rachmaninov

Commenter


Connectés

Voir toute la liste


Stammtisch

Mode fenêtre Archives