Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

« C'est vraiment l'histoire du phénix ! »

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Christope Deleu a travaillé, avec François Teste, sur le Racing club de Strasbourg dans le cadre de l'émission « Sur les docks » de France Culture. Il a accepté de nous présenter ce documentaire, diffusé lundi et mardi prochain.

Enseignant-chercheur à l'Université de Strasbourg, Christophe Deleu produit régulièrement, avec François Teste, des documentaires et docu-fictions pour France Culture. Le duo a notamment reçu en 2010 le prix Phonurgia Nova pour « Vers le Nord », un docu-fiction consacré à la réalisation d'un film dans le Nord-Pas de Calais après la déferlante Bienvenue chez les Chtis.

Installé sur place depuis 2005 et curieux de football, Christophe Deleu a assisté à la spectaculaire descente aux enfers du Racing et aux débuts de la tentative de reconstruction actuellement en oeuvre. D'où l'idée, plutôt originale dans un tel format, de consacrer un travail d'analyse approfondi à l'histoire récente du club à travers un documentaire en deux volets, intitulés « Regarde un club tomber » et « Revenir, encore et toujours » qui sera diffusé lundi 28 novembre et mardi 29 novembre de 17h à 18h dans l'émission « Sur les docks », sur France Culture (87.7 en Modulation de fréquence à Strasbourg). L'émission sera également ré-écoutable librement pendant une semaine sur le site internet de la station.

Christophe Deleu a accepté de nous détailler sa démarche et ses impressions à propos du Racing dans un entretien, qui présente ce document radiophonique proposé aux auditeurs la semaine prochaine.


(racingstub.com) Comment est venue l'idée de réaliser un documentaire sur le Racing ?

(Christophe Deleu) L'origine est assez simple. J'habite Strasbourg depuis 2005 et, étant amateur de football, j'ai suivi l'aventure du Racing depuis cette époque. J'ai vu ce club sombrer peu à peu, en m'interrogeant régulièrement sur les raisons qui faisaient qu'il ne s'en sortait pas. Je voulais comprendre pourquoi un club aussi prestigieux pouvait s'enfoncer à ce point.

L'année écoulée a vraiment été une apothéose à l'envers, la chute finale. C'était tellement incroyable que je me suis dit que c'était vraiment le moment d'y aller, de s'y intéresser de plus près. L'idée sous-jacente depuis longtemps est vraiment apparue au grand jour. C'est le seul exemple d'une telle chute pour une aussi grande ville.

La présentation du documentaire sur le site de France Culture évoque la thématique du sport comme reflet d'évolution sociétales plus générales. D'après vous, quel lien peut-on faire entre ce que vous avez pu observer et des évolutions plus générales sur le plan socio-économique ?

J'ai fait une émission en Alsace il y a trois ans environ sur les dynasties alsaciennes, où je m'interrogeais sur le mode de gouvernance des entreprises. Je voulais voir si cette particularité alsacienne, avec de grandes familles qui possèdent les entreprises, avait perduré ou non en ces temps de mondialisation. Dans beaucoup d'endroits, le modèle de l'entrepreneur et de l'entreprise familiale un peu paternaliste a disparu. Il en reste encore un peu en Alsace, comme De Dietrich par exemple, mais c'est tout de même devenu assez rare. Je trouve qu'il y a un phénomène un peu semblable dans le football. On est passé d'un type d'entreprise - puisqu'on parle du club de football comme entreprise - géré par une personne certes entourée mais qui fait autorité, qui est le chef, à un mode de gouvernance où ce sont des actionnaires qui gèrent. Il n'y a plus forcément un homme qui domine, une famille qui dirige, et surtout ça n'est plus forcément un homme fort local qui possède l'entreprise. Ce peut être un fonds d'investissement, ou des actionnaires qui sont très loin du lieu où l'on produit quelque chose.

Dans le football, les choses sont un peu semblables. On est passé d'un mode où c'était quelqu'un dans un lieu qui dirigeait un club de foot à un système actionnarial. L'exemple le plus frappant c'est le Qatar au PSG, mais c'est aussi le cas dans d'autres villes, d'autres clubs, où tout d'un coup on a des actionnaires qui possèdent le club. C'est dans le football qu'on se rend le plus compte de ça, car il y a de telles sommes en jeu, une telle aura médiatique, que ça attire beaucoup d'entrepreneurs qui veulent placer de l'argent. Ce qu'on observe au quotidien dans le monde économique apparaît de manière beaucoup plus forte, plus nette, dans le football. Aujourd'hui, ce n'est plus, à de très rares exceptions près, une personnalité ou un regroupement d'hommes qui s'occupent d'un club dans un territoire. C'est une autre organisation, et ça a une influence sur la vie au quotidien des entreprises, de l'institution.

Comment avez-vous procédé ? Comment s'est déroulée concrètement la réalisation de ce documentaire ?

J'ai commencé au mois de septembre, avec une enquête préalable. Comme j'habite Strasbourg, j'ai pu voir des gens avant de les enregistrer pour essayer de comprendre ce qui avait pu passer. J'ai donc rencontré certaines personnes avant, et hors micro, pour comprendre le contexte : des journalistes locaux, le nouveau président Frédéric Sitterlé, pour avoir quelques pistes. Je suis également allé aux matches, tout simplement. Je les ai quasiment tous vus depuis le début de la saison, pour observer l'équipe jouer et discuter avec les gens qui s'y rendaient. J'ai pris la température, en fait. J'ai lu aussi tout ce qui avait pu s'écrire dans les Dernières Nouvelles d'Alsace et l'Alsace ces deux dernières années. Je suis également allé sur votre site, qui est très bien fait en ce qui concerne l'historique des joueurs et des dirigeants. Ce qui était assez précieux car il n'y a pas vraiment de livre, il n'y a pas forcément de lieu où toute la mémoire d'un club peut ressurgir assez rapidement.

A la radio, les moyens sont assez limités par rapport à d'autres médias, ce qui fait que la phase d'enregistrement en elle-même n'a duré que trois jours, plus une journée de match. Contrairement à ce que je pensais, nous n'avons pas essuyé de refus. Tous les gens que j'avais contacté ont bien voulu parler. C'était je pense le bon tempo pour faire l'émission, avec la reprise du championnat, le fait qu'il y a un nouveau président. Ç'aurait certainement été plus difficile en juin ou en juillet où il y aurait eu beaucoup plus de réticences, je pense. L'émission s'est faite assez facilement.

Est-ce qu'il y a des choses qui vous ont étonné, ou surpris, en travaillant sur ce documentaire ?

J'attendais surtout d'avoir des éléments par rapport à ma question initiale, qui était de comprendre comment un club peut chuter à ce point. Je pense que j'ai réussi à avoir quelques réponses, ce qui est plutôt une bonne surprise. A la base, je me demandais quand même si c'était un hasard qu'un club comme ça arrive en cinquième division, ou s'il y avait des raisons objectives, qui peuvent se discuter, mais que l'on peut au moins faire émerger. Et il y a effectivement des choses qui apparaissent et qui sont intéressantes. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les interviewés : il y a une spécificité alsacienne qui pourrait expliquer pourquoi ça a chuté. Et peut-être aussi que ce qui s'est passé à Strasbourg est annonciateur de ce qui va se passer dans d'autres clubs comme Nantes, Monaco.

Manifestement, le passage dans le monde moderne du football a été, d'après ce que disent pas mal d'interviewés, compliqué en Alsace, pour les raisons évoquées plus haut. Passer d'un club avec des valeurs sportives, culturelles, avec une identité alsacienne tout de même assez forte, au football mondialisé a manifestement été plus compliqué à Strasbourg que dans d'autres villes. Ça n'a pas fonctionné, très vite d'ailleurs, puisque la période Daniel Hechter dans les années 1980 s'est très très mal passée. Déjà à cette époque, avec l'arrivée d'un actionnaire extérieur, la greffe avec les gens ici, le staff, ne prend pas. Dany Eberhardt, longtemps médecin du club, dit même qu'il a quitté le Racing pendant un ou deux ans à l'arrivée de Daniel Hechter parce qu'à un moment donné il ne se reconnaissait plus dans le mode d'organisation du club. Entre Hechter, Mac Cormack et Hilali, on a trois exemples où l'arrivée d'un actionnaire un peu fortuné venant l'extérieur et qui pourrait bâtir un grand club européen n'a pas fonctionné.

Et d'un autre côté, le modèle avec le club géré par des actionnaires locaux ne fonctionne pas non plus, ce que montre l'ère Ginestet - quui voulait de son côté développer le club dans une logique capitalistique. Ce que j'ai pu découvrir, c'est que, manifestement, il n'y a pas d'actionnaire local suffisamment fort ou puissant qui veuille s'investir à un moment donné dans le club, à l'inverse de ce qui existe dans d'autres villes. Parce que personne ne veut mettre assez d'argent pour être le seul dirigeant. En même temps, quand il y a plusieurs actionnaires il finit par y avoir des querelles assez fortes. C'est ce qui m'a étonné, et c'est assez déprimant parce que ça veut dire que les deux modèles possibles n'ont pas fonctionné pour l'instant. C'est comme si, à un moment donné, le club rejetait le football moderne en ce qu'il porte comme valeurs, c'est à dire des gens qui arrivent avec énormément d'argent. Cela, il y a quelque chose qui fait que le club le rejette.

A l'inverse, cette année, quand l'on repart sur d'autres bases, des fondements beaucoup plus amateurs, avec un autre état d'esprit, c'est comme si le club revenait à la vie. Tout le monde reprend vie : les supporters, le football en tant qu'activité sportive et ludique, les joueurs, les dirigeants. Il y a une espèce de pureté originelle retrouvée. C'est comme si le football était reparti de zéro. C'est très net. Quand je suis allé voir les matches, j'ai ressenti très sensiblement la force qui émerge de ce collectif de supporters, de spectateurs, de joueurs. Dans un monde où le football ne porte plus trop ces valeurs, il y a à Strasbourg quelque chose d'assez curieux à observer. C'est très étonnant, et les premiers matches en font vraiment état : les familles qui reviennent, cette espèce de fête qui accompagne le match, c'était quelque chose qui avait vraiment disparu.

La popularité du nouveau président est aussi quelque chose d'assez étonnant à observer, parce qu'il est le grand patron mais il n'a pas énormément d'argent, ça n'est pas un Philippe Ginestet. Il n'a pas une assise financière qui fait de lui un homme d'affaires semblable au groupe Mac Cormack et, en même temps, c'est quand même un entrepreneur qui met en avant d'autres valeurs qui sont plus celles du football amateur. Actuellement, il est tout seul et ça marche parce que le club a un budget qui est relativement modeste. Il faut voir comment ça peut évoluer après. Si le club continue à progresser, il faudra à un moment donné d'autres actionnaires. Et là, comment cela se passera-t-il si Frédéric Sitterlé ne peut pas continuer à porter tout seul le club d'un point de vue économique ? Je ne sais pas comment ça va se passer, mais ce qui est vraiment incroyable aujourd'hui c'est de voir cette institution qui était quasiment dans le cercueil et qui rejaillit. C'est vraiment l'histoire du phénix. C'est pour cela que l'émission s'intitule « Revenir encore et toujours ».

Actuellement, il y a vraiment une force incroyable. Je suis allé à l'entraînement, la personnalité de l'entraîneur est assez étonnante. C'est quelqu'un qui porte des valeurs, qui entraînait la réserve. Il parle très bien aux joueurs, il y a un bon état d'esprit à l'entraînement, une espèce de fraîcheur alors que c'est quelqu'un qui était quand même à Pôle emploi au mois de juillet. Il symbolise lui aussi quelque chose d'assez marquant.

Vous avez rencontré beaucoup d'acteurs passés ou actuels du Racing. Qu'est-ce que ces rencontres ont apporté à votre travail ? Quelles ont été les plus marquantes ?

Je vais commencer par la figure historique, forcément, Gilbert Gress. J'étais très content qu'il accepte de participer à l'émission, parce que son nom est lié au prestige du club, avec ce titre de 1979. Il fait partie des figures historiques, des mythes, et l'avoir dans l'émission a été extrêmement précieux, déjà pour faire revivre le souvenir de 1979 et ensuite parce c'est quelqu'un qui a accompagné le club durant toutes ces trente dernières années. Régulièrement, il revient : à la fin des années 1980, en 2009. Il y a toujours son nom qui plane, sa présence. Au-delà de l'homme lui-même, et des polémiques qu'il peut parfois y avoir sur son comportement ou son caractère, j'ai trouvé très précieux de l'avoir. Les grands succès des équipes en général, ou des entreprises, sont liés souvent à l'apparition d'une espèce de figure totémique, quel que soit le domaine. Gilbert Gress, même si on peut lui faire beaucoup de reproches, a réussi ça. Il apporté ce titre et a fait remonter à un moment donné le club en D1. Ce qui est très dur avec Strasbourg, pour certain supporters, c'est que le mythe s'est effondré en 2009. Dans plein d'endroits il y a toujours cette question du recours à un historique pour sauver le club. Strasbourg est allé jusqu'au bout et a brisé ce tabou qui est de faire revenir le totem, et ça n'a pas fonctionné. Je pense que ça a été quelque chose de terrible pour le club. Quand la figure historique n'est plus un recours, quand on ne peut plus se sauver avec elle ça veut dire que quelque chose s'est brisé, et d'ailleurs la suite de la saison a vu la descente en National.

Frédéric Sitterlé a également été une figure marquante, je trouve. On dirait qu'il veut en quelque sorte racheter la faute de tous les dirigeants précédents. Il emploie par exemple le terme d' « acte de contrition » pendant l'émission, et c'est comme s'il était chargé de manière inconsciente d'une mission, de sauver le club. C'est vrai d'ailleurs que l'on peut se demander si le club serait encore là aujourd'hui s'il ne s'était pas penché dessus à un moment donné. C'est un Alsacien, il allait aux matches quand il était petit, il y a eu une transmission qui s'est faite avec son père et son grand-père. Il est assez étonnant, il évolue dans le secteur du multimédia, que vient-il faire dans cette entreprise ? Je suis assez impressionné par son projet, sa volonté.

Ce qui est aussi intéressant dans l'émission c'est l'interview avec Philippe Ginestet, qui s'explique sur les raisons de son départ, l'échec de son modèle à la lyonnaise ou à l'allemande. Le fait qu'il ait accepté d'en parler, de revenir dessus m'a aussi impressionné. Il analyse par exemple certaines erreurs, comme l'éviction de Jean-Pierre Papin. C'est une parole assez précieuse dans l'émission.

Il y a aussi des gens qui n'ont pas forcément de grandes responsabilités, mais avoir interviewé le concierge du club Serge Hammer, par exemple, a été une rencontre assez marquante. On l'entend dans la deuxième émission et c'est l'histoire du Racing d'un autre point de vue, celui de quelqu'un qui y est tout le temps, qui voit le stade vide. Il ne faut pas non plus oublier Dany Eberhardt, l'ancien médecin, qui a traversé les trente dernières année. Ça a été une rencontre marquante, car il raconte vraiment ce qui s'est passé à chaque fois, avec ses mots, sa truculence, sa subjectivité. Mais grâce à lui on sent le poids des différents passages Hechter, McCormack, Hilali. Il arrive vraiment à décrire le climat qui a pu exister, avec une précision, une truculence qui m'ont impressionné.




Propos recueillis pour racingstub.com par strohteam. Merci à Christophe Deleu pour sa disponibilité. Vous pourrez laisser vos réactions par rapport à l'émission sur le forum de racingstub.com

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  • takl bonne nuit
  • takl 2024 devrait accoucher d'un 2025 appaisé et empathique. Tout va bien se passer, le Racing sera en L1, paix amour liberté et fleurs.
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  • takl mais bon on a pas le droit de les exterminer. Y'en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.
  • takl le monde serait mieux sans "les gens"
  • takl les gens tu leur donne une pelle ils creusent avec le manche
  • pliughe Pff si les gens creusé un peu plus ça nous éviterait de polluer
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  • takl il manque plein de choses dans la dernière phrase, dont des mots, la honte.
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