Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : décembre 1981

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La Meinau fait peau neuve pour l'Euro © rcs2009

Coup de force en Pologne, coup de froid sur le championnat. L'hiver 1981/1982 débute de façon pour le moins glaciale.

Résumé de l'épisode précédent: Toujours aussi décevant et inerte, le Racing a fini par se séparer de Max Hild, non sans atermoiements. La charge de l'équipe première a été confiée à l'ancien entraîneur du Paris FC, Roger Lemerre, qui a signé son entrée par une poussive victoire contre Lens

Décembre à Strasbourg, c'est évidemment l'époque du Marché de Noël, mais en 1981 le Christkindelsmärik est encore loin d'être le gigantesque barnum touristico-médiatique que l'on connaît aujourd'hui. Le marché n'ouvre que le 1er décembre, ferme le jour du réveillon et se cantonne à son emplacement traditionnel, place Broglie. On y trouve les marchands de sapins du côté de l'Opéra alors que le côté Hôtel de ville abrite les santons, décorations et friandises traditionnelles. S'il reçoit bien la visite de hordes, il ne s'agit pas de touristes tout juste débarqués du car mais bien d'agriculteurs chevauchant un tracteur, lesquels font du grabuge à proximité de l'hôtel du préfet pour ce que les DNA qualifient d'événements « les plus violents depuis mai 1968 » à Strasbourg. Les paysans protestent vivement contre le montant jugé dérisoire des aides allouées par l'Etat pour compenser la hausse constante des coût de production depuis le choc pétrolier de 1973, et les accrochages avec les CRS sont durs, à tel point qu'une odeur de lacrymogène empeste tout le centre-ville en cette journée du 11 décembre. Autre contestation, plus pacifique, mais efficace : une association de résidents nouvellement crée, l'ARES, parvient à faire dérailler le pharaonique projet de tour de 16.000m² à l'Esplanade. La « perspective De Gaulle » est donc amputée de sa terminaison en gratte-ciel. A la place, s'installe pour de bon le plus immense et désertique rond-point de toute l'agglomération.

L'actualité footballistique de ce début de mois de décembre est marquée par la dernière rencontre internationale de l'année, France-Chypre, qui doit permettre aux Bleus de valider in extremis leur ticket pour le Mondial espagnol suite à la belle victoire de novembre face aux Pays-Bas. En l'absence de Michel Platini, blessé en championnat contre Monaco, c'est l'Alsacien Bernard Genghini qui est chargé de mener le jeu d'une équipe de France où les vainqueurs des Bataves sont par ailleurs reconduits – toujours sans Léonard Specht et Dominique Dropsy, donc. Face aux modestes Chypriotes, les Français ne tremblent pas (4-0) et soufflent ainsi la deuxième place du groupe à la République d'Irlande à la faveur d'une meilleure différence de but. Un bonheur qui n'arrive pas seul pour le football tricolore, puisque l'on apprend quelques jours plus tard que la France s'est vu confier comme prévu l'organisation du championnat d'Europe 1984. Un événement qui s'appuie sur la rénovation de six stades à Paris, Lyon, Marseille, Saint-Étienne, Lens, Strasbourg et sur la construction d'une nouvelle enceinte à Nantes. Déjà dotée de tribunes Ouest et Sud toutes neuves et couvertes, la Meinau va donc poursuivre sa mue par l'érection d'ouvrages similaires en secteurs Est et Nord.

Les joueurs du Racing profitent de la trêve internationale pour faire pleinement connaissance avec leur nouvel entraîneur, Roger Lemerre, lequel signe son arrivée en imposant le passage à deux séances quotidiennes de travail. Footing, cross, fractionnés, exercices avec ou sans ballon, tout y passe à mesure que l'ancien Sedanais confirme sa réputation de bourreau de travail. Un regain d'effort validé en amical au Stade des Francs de Colmar par une victoire (2-1) face à l'équipe de deuxième division allemande du SC Fribourg, devant 700 spectateurs. Isaac Peretz et Francis Piasecki sont les buteurs du jour pour un résultat qui fait du bien au moral avant les difficiles échéances de la fin de l'année : un déplacement à Saint-Étienne et la réception de Nantes.

L'événement sportif du mois en Alsace c'est la venue de l'équipe de France de handball pour un tournoi international l'opposant à la Pologne, à la Suisse et au Japon. Les Bleus sont alors loin d'être des experts en la matière, eux qui viennent de finir bons derniers d'un tournoi similaire en Roumanie. On mesure l'importance toute relative de la discipline à l'époque lorsque l'on découvre que le seul Alsacien de l'équipe de France, le racingman Roland Indriliunas, a préféré renoncer au tournoi pour cause... d'examens universitaires ! Le handball demeure néanmoins populaire en Alsace et draine 3.800 spectateurs au Rhénus, et 1.500 au Palais des sports de Mulhouse. L'équipe de France termine finalement troisième, dominée par la Pologne et battue sur le fil par la Suisse pour une seule victoire face aux Nippons.

Disposant d'un groupe presque au complet - seul Roland Wagner fait défaut - Roger Lemerre choisit de reconduire les vainqueurs de Lens pour le déplacement dans le Forez. Du côté de Saint-Étienne, Michel Platini manque toujours à l'appel, suppléé par Jean-François Larios auquel l'entraîneur strasbourgeois décide d'adjoindre un chien de garde bien connu, Félix Lacuesta. Sur la pelouse gelée et enneigée de Geoffroy-Guichard, les 22 acteurs évoluent dans des conditions à la limite du praticable pour un match très rude. En première période, les Strasbourgeois subissent et concèdent pléthore de coups-francs. C'est sur l'un d'eux, concédé par Carsten Nielsen aux 20 mètres, que Jean-Louis Zanon place une impeccable frappe brossée dans les buts d'un Dominique Dropsy laissé sans réaction (1-0 ; 20'). Au retour des vestiaires, le Racing fait meilleure figure et monopolise à son tour le ballon. En fin de match, Isaac Peretz, seul aux 6 mètres, rate la balle du 1-1. La punition ne se fait pas attendre et c'est Johnny Rep double la mise pour l'ASSE (2-0 ; 88'). La déception est évidemment grande pour des Strasbourgeois qui n'ont pas démérité, et auraient pu arracher le nul, mais la presse préfère retenir l'appréciable sursaut de combativité face au champion en titre.

Mais l'événement qui domine l'actualité de ce 13 décembre 1981 c'est bien l'imposition de la loi martiale en Pologne. Le régime de Wojciech Jaruzelski met un terme brutal à la timide ouverture des derniers mois : suspension des libertés publiques, couvre-feu, coupure de toute communication avec l'extérieur et arrestation des dirigeants du syndicat Solidarnosc. Les chars quadrillent Varsovie et toutes les villes du pays, un coup de force qui suscite une très vive émotion en Europe occidentale. On compte 124 manifestations de soutien au peuple polonais en France dès le lendemain, avec notamment 3.000 personnes à Strasbourg et 1.500 à Mulhouse. Une solidarité internationale qui n'émeut guère le régime, lequel écrase avec violence les tentatives de grève ou de protestation tout en prétendant écarter ainsi la menace d'une intervention soviétique. Une justification qui relève de la tartuferie et ne trompe guère les opinions publiques, mêmes si l'on sent les gouvernements plus embarrassés. Les États-Unis finissent par imposer des sanctions économiques à l'égard de la Pologne et de l'URSS mais sans aller jusqu'à décréter un embargo céréalier ou rompre les négociations genevoises sur les euromissiles. La France s'en tient de son côté à de timides protestations de forme, la situation étant plutôt problématique pour un gouvernement comptant des ministres communistes, et qui était justement engagé dans des pourparlers commerciaux avec la Pologne.

La glaciation ne touche pas que les relations internationales, puisque d'importantes chutes de neige s'abattent sur la France, avec leur corollaire logique dès le moindre dégel : les inondations qui se multiplient un peu partout dans l'Hexagone. Des conditions climatiques qui ravissent les amateurs de sport d'hiver, et offrent un Noël blanc, mais qui ont aussi raison de la dernière rencontre de championnat de l'année. Strasbourg-Nantes est finalement remis à une date ultérieure, la Meinau étant couverte par 20 cm de neige. Les joueurs du Racing devront se contenter, en guise de clôture, d'une double rencontre de gala en salle face au FC Mulhouse, renforcé ponctuellement par Didier Six, à l'occasion du deuxième tournoi de Strasbourg, qui réunit au Rhénus les cinq équipes amateurs de niveau national que compte alors la ville (les stagiaires du Racing, Vauban, le FCSK06, le FCO Neudorf, l'ASS) ainsi que le FC Kronenbourg qui évolue en DH. C'est finalement l'ASS de Jacques Berthommier qui s'impose en finale contre Vauban (8-1), pour la seconde année consécutive.

L'année 1981 se conclut ainsi sur un bilan très terne pour le Racing. La coupe de France est devenue le seul objectif tandis que la baisse des affluences - 5 à 6.000 personnes au mieux pendant l'automne - laisse à nouveau planer la menace de difficultés financières que le président refuse néanmoins d'accréditer. Un André Bord décidément pas à la fête puisqu'il se trouve vivement contesté au sein du RPR bas-rhinois, où la fronde est menée par les adjoints au maire Robert Baillard et Robert Grossmann. Et pendant ce temps, ce sont pas moins de 300 Alsaciens qui font le déplacement en semaine à la Maladière pour soutenir Neuchâtel Xamax en coupe UEFA face aux Sporting Lisbonne, avec à la clé une victoire 1-0 et une qualification pour les quarts de finale de l'épreuve. Une « association des supporters de Gilbert Gress » voit même le jour sur les cendres des anciens comités de soutien tandis que le principal intéressé continue à laisser planer avec une jubilation à peine dissimulée la perspective d'un retour à Strasbourg. Non vraiment, André Bord a dû passer un bien soucieux réveillon.



Article réalisé à partir des archives des Dernières Nouvelles d'Alsace, consultables à la médiathèque André Malraux.

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