Pour pousser les ventes d'un médicament contre la dépression, le laboratoire américain Lilly a minoré les effets secondaires.
Source : Le figaro Depuis plusieurs années, Eli Lilly, le laboratoire d'Indianapolis, a constamment minimisé les risques d'obésité et de diabète liés au Zyprexa, un de ses médicaments vedettes.
Selon des documents confidentiels rendus publics dimanche et lundi dernier par le New york Times, la firme pharmaceutique Eli Lilly aurait tenté de minorer les effets secondaires d'un de ses médicaments vedettes, le Zyprexa. C'est un expert travaillant pour James Gottstein, l'avocat des plaignants d'une class action, qui a donné à Alex Berenson, journaliste au quotidien new-yorkais, la matière des articles.
D'après des documents internes de la firme, 30 % des patients traités par Zyprexa (olanzapine), un psychotrope utile contre la schizophrénie et la maniacodépression (commercialisé en France depuis 1999), ont eu une prise de poids rapide et importante de 11 kg en moyenne au bout d'un an. Certains malades ont pris jusqu'à 50 kg ! La plupart des psychotropes modernes ont ce type d'effet indésirable, et le résumé des caractéristiques du produit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), [dès 2004, un avis de pharmacovigilance a notifié des effets indésirables] considère le gain de poids comme « très commun et supérieur à 10 % ». Mais le Zyprexa a déjà été prescrit à 20 millions de malades, et génère un chiffre d'affaires annuel de 4,2 milliards de dollars par an.
Le Dr Alan Breier, directeur médical de la firme, a écrit en novembre 1999 dans un courriel interne à des employés : « Le gain de poids et l'hyperglycémie associés à l'olanzapine sont des menaces majeures au succès à long terme de cette molécule d'une importance capitale.» Car le second effet indésirable sérieux de ce médicament est l'augmentation du sucre dans le sang.
L'association américaine des diabétiques et des diabétologues ont dès 1996 averti de ce risque. En 2000, un groupe de médecins a mis en garde la firme que la situation « pourrait devenir plus sérieuse que nous ne l'anticipons ». Eli Lilly a constamment nié tout lien de causalité entre la prise de Zyprexa et la survenue d'un diabète. Mais des documents du marketing d'Eli Lilly en 2000 et 2001 soulignaient que les psychiatres relevaient plus souvent ces deux complications avec le Zyprexa qu'avec d'autres psychotropes.
Marketing incontrôlable
En 2005, un accord est intervenu entre 8 000 malades plaignants aboutissant au fait qu'Eli Lilly doit payer 750 millions de dollars de dédommagements. Mais d'autres procédures sont en cours. Selon le New York Times, les 11 millions de pages de documents rendus publics sont « bourrées de références réclamant que les interrogations sur le diabète et l'obésité ne fassent pas souffrir les ventes » de Zyprexa. Lilly corporate, qui dans un communiqué diffusé lundi 18 décembre « déplore la diffusion illicite de documents confidentiels » n'indique pourtant pas vouloir poursuivre le journaliste ou le directeur de la publication.
La firme est également accusée d'avoir poussé le médicament au-delà des indications officielles, et depuis l'automne 2000. La campagne baptisée « Viva Zyprexa » ordonnait aux délégués médicaux de suggérer aux médecins la prescription du Zyprexa aux patients âgés ayant des symptômes de démence. Or la Food and Drug Administration n'autorise pas le Zyprexa dans les démences, et a même publié pour les médecins un avertissement important « qu'il augmente le risque de mort chez les patients » en question. Dominique Amory, patron de la filiale française, martèle que « jamais Lilly ne s'est engagé dans une promotion hors autorisation ». Mais certaines équipes marketing sont incontrôlables...
Autre affaire délicate pour Eli Lilly : le mauvais feuilleton du Xigris, seul médicament utile contre des infections gravissimes (choc septique) et qui est à nouveau promu follement par le géant de la pharmacie. Des revues médicales américaines (dont le prestigieux New England Journal of Medicine), des médecins et des sociétés savantes se rebellent contre cette promotion indue. Constatant en 2002 que les ventes du Xigris, autorisé un an auparavant, ne décollent pas, Eli Lilly avait à la fois fait du lobbying politique et lancé une campagne gigantesque de promotion («Survivre au choc septique») pour court-circuiter les médecins prescripteurs. La firme américaine a tenté de manipuler le congrès de la société européenne de médecine de soins intensifs et a tenu la main des experts rédigeant des recommandations thérapeutiques publiées en mars 2004 dans Critical Care Medicine (une revue financée à 90 % par Eli Lilly). Or ce médicament a des risques plus sérieux que prévu : la fréquence des hémorragies sous Xigris est de 6,5 % et non plus 3,5 %. La société américaine des maladies infectieuses a refusé les recommandations de la campagne «Survivre au choc septique» achetée par Eli Lilly.
Nous avons retrouvé la vidéo promotionnelle du Xigris :