Le modèle américain du transfert de technologie

30/03/2007 12:22
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Extrait des Echos du jour, un article qui traite du transfert de technologie des universités américaines vers le marché.

Les universités américaines veulent innover

[ 29/03/07 ]

DE NOTRE CORRESPONDANT À PALO ALTO.

C'est un fait : les universités américaines sont devenues expertes dans l'art de valoriser, notamment sur le plan financier, leurs efforts en matière de recherche scientifique et d'innovation. Selon une étude réalisée par l'Association of University Technology Managers, les deux cents principales universités américaines ont tiré 1,4 milliard de dollars de revenus des technologies qu'elles ont licenciées en 2005. D'autres critères permettent de mesurer l'efficacité avec laquelle l'innovation scientifique d'origine académique trouve sa place dans la vie quotidienne. Pour la seule année 2005, 527 produits commercialisés sont issus de cette recherche universitaire et 628 spin-off ont été créées la même année pour mettre sur le marché ces nouvelles technologies. A l'image de HydroGlobe, issue du Stevens Institute of Technology (SIT), qui a mis au point des nanoparticules permettant de filtrer l'eau potable afin d'en extraire différents métaux, comme le plomb. La start-up a depuis été rachetée par un spécialiste du traitement de l'eau, Graver Water Systems, qui utilise cette technologie dans les pays en voie de développement.

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Transfert de technologie


Au total, les universités et laboratoires académiques du pays ont reçu plus de 42 milliards de dollars de financement pour leur recherche en 2005 (50 % de plus qu'en 2000) - dont les deux tiers du gouvernement fédéral. Mais si celui-ci est encouragé à augmenter ses financements pour développer un modèle qui marche, ce modèle ne s'est pas construit tout seul ni par hasard. En réalité, c'est le résultat direct d'une loi votée il y a plus de vingt-cinq ans, le Bayh-Dole Act, qui a établi que désormais les universités seraient propriétaires de leurs découvertes. Cette loi avait donc pour but d'encourager la recherche effectuée en milieu académique en permettant aussi bien aux scientifiques qu'aux universités elles-mêmes de générer des revenus avec l'utilisation sous licence de leurs découvertes. Or cette loi a une justification historique : en 1980, l'innovation technologique venait du Japon (notamment l'électronique de loisir et les automobiles) ou de l'Allemagne. « La nouvelle législation a réveillé le «génie» américain », ne craint pas d'affirmer aujourd'hui le sénateur Birch Bayh, à l'origine de celle-ci. Il souligne qu'aujourd'hui l'Inde et la Chine font la même chose pour leurs propres universités. C'est bien sûr la Silicon Valley qui a tiré le meilleur parti de cette fameuse loi, puisque aussi bien la station de travail, le routeur Internet ou encore les moteurs de recherche en ligne - pour ne citer que des exemples liés à l'informatique - ont été imaginés dans les universités californiennes publiques (Berkeley) ou privées (Stanford). Celles-ci ont désormais les départements de transfert de technologie les plus rentables du pays : l'année dernière, Stanford a vendu ses actions Google (obtenues pour une bouchée de pain lorsque les deux inventeurs du moteur de recherche développaient leur innovation au sein du campus) pour 336 millions de dollars...

Toujours plus loin


Et de tels succès poussent chaque université à aller plus loin encore. Ainsi, l'année dernière, le Stevens Institute of Technology, installé à Berkeley, en face de San Francisco, a ouvert un nouveau centre destiné à favoriser l'esprit d'initiative des étudiants et les aider à créer dans les meilleures conditions possibles les start-up qui valoriseront commercialement leur innovation. « Les meilleures universités du XXIesiècle ne seront pas seulement celles qui ont les meilleurs savants ou étudiants, mais celles qui savent le mieux transférer l'innovation technologique vers la vie quotidienne au bénéfice de tous », assure Max Nikias, principal de l'université de Berkeley. D'autres centres sont un peu partout en cours de création dans les grandes universités américaines.

Une évolution qui n'a pas échappé aux firmes de capital-risque dont la raison d'être est précisément de financer ce type d'innovation. Régulièrement, l'université Stanford organise des manifestations où sont invités les représentants des plus influents de ces sociétés. Face à eux, des étudiants - triés sur le volet - ont quelques minutes pour présenter leurs innovations et convaincre ces investisseurs de commencer à les financer sans tarder. « Et il n'y a pas besoin d'insister beaucoup pour qu'ils viennent. En fait, il y a même une liste d'attente », assure Melissa Chan, qui a organisé le dernier événement de ce genre, début mars.

Dans la Silicon Valley, l'engouement pour participer au nouveau cycle d'innovation lancé depuis dix-huit mois environ est tel qu'une autre variante de ce rapprochement université - capital-risque apparaît. Ainsi, à Plug & Play, un incubateur privé de start-up technologiques qui compte plus d'une centaine d'entreprises présentes, les responsables du lieu n'ont pas hésité à ouvrir un espace réservé aux universités. Là ont été sélectionnés des projets scientifiques, non seulement issus d'universités californiennes, mais de tous les Etats-Unis. Le MIT, à Boston, a lui aussi un de ses « spin-off » dans l'incubateur de Sunnyvale. Sur place, les principales firmes de capital-risque de la région ont elles-mêmes un bureau, qui permet à leurs investisseurs d'être physiquement présents pour échanger en permanence avec les créateurs d'entreprise. Et être aux premières loges pour les financer dès qu'elles sont prêtes. « Il y a toujours une prime pour ceux qui savent détecter les premiers les projets à fort potentiel », indique Saeed Amidi, directeur général de Plug & Play, également investisseur.

Pour autant, malgré - ou peut-être à cause - de l'efficacité de ce modèle, certains redoutent qu'il ne s'emballe et finisse par produire des dérives. Ainsi, la proposition du groupe pétrolier BP d'accorder 500 millions de dollars à un groupe d'universités, dont Berkeley est le chef de file, pour qu'elles effectuent des recherches sur de nouveaux carburants plus propres fait grincer quelques dents. Certains chercheurs, y compris à Berkeley, soulignent le risque que l'abondance de fonds privés finisse par dicter certains choix, au détriment de domaines scientifiques pour lesquels les bénéfices en termes de retour sur investissements apparaissent moins évidents.

MICHEL KTITAREFF



mots-clés : valorisation, transfert de technologie, capital-risque, innovation, start-up, incubateur, licence, spin-off

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