Jusqu'au jour où on ne se relève plus

21/12/2005 01:22
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Recroquevillé sur le sol de la salle de bain dans une position à faire durcir un grec, encore secoué par quelques viles convulsions, je gis le teint blâme et le corps à l'abandon. Bacchus a été un trop bon compagnon et la vie une sacrée putain. A eux deux ils m'ont mis sur le carreau. D'ailleurs, le carrelage est froid, enfin j'imagine...En fait, seules mes entrailles et ma gorge semblent donner des signes de vie. J'ai la nausée, mais quelqu'un d'autre l'a déjà écrit avant moi.
Oups, c'est reparti... Ce qui me reste de conscience me demande d'agir et de tout faire pour me relever ou du moins de créer un mouvement à la même finalité. Ça y est, un semblant de verticalité a été obtenu et je peux à nouveau restituer dans un flot de grumeaux mon repas du soir, du midi et sans doute aussi de l'année dernière, au fond d'une cuvette où reposent les cadavres des précédents combats. Je dégobille des rafales d'aliments. Ce n'est pas la Guerre d'Angleterre mais un vrai bombardement de B52 au dessus du Nord Vietnam. Je mets du coeur à l'ouvrage, et à ce moment-là je crois même que j'en rigole, preuve que je suis finalement bien en vie. Ma gorge ne désemplit pas, mon estomac si. Enfin j'espère...

Voilà, l'assaut est passé. Mon corps et moi-même avons convenu d'un cessez-le-feu. Mes secrétions pendouillent de mes lèvres au bout d'un filament robuste et visqueux qui s'écrase sur ma chemise lorsque je m'allonge à nouveau. Dieu que je suis mieux ! L'exorcisme a été efficace et je peux désormais jouir du repos du guerrier. J'ouvre alors les yeux pour affronter le merveilleux univers qui m'entoure. A priori je ne suis même pas chez moi. Tiens, j'ai eu la présence d'esprit d'allumer la lumière et de relever la lunette, je suis un héros. De l'Enfer j'ai trouvé la lumière et les épreuves une fois passées je suis désormais à la frontière de l'Eden. Je crois même que j'ai froid. Je revis donc. Hélas mon corps sent encore les stigmates de l'affrontement et un dernier spasme annonce l'engagement de l'ultime combat.

Misérablement je m'agenouille à nouveau devant le trône. Je ne suis le vassal d'aucun seigneur, mon royaume est un fardeau déjà bien lourd à porter. Je sais que la purge est nécessaire et voilà que je recrache mon venin hépatique. Son acidité m'arrache la trachée. Je sens mes glaires coller aux parois et moi j'essaye de m'accrocher à ce que je peux. Je continue de débecter ma bile par cargos entiers. Je ne rigole plus. Je siffle, je souffle, je souffre. Ce n'est plus une croisière sur le Styx, c'est un débarquement. Tous mes compagnons sont déjà tombés et je me retrouve seul au front. Et c'est là que des images viennent s'écraser sur ma tempe : ce que j'aurais dû faire, ce que j'aurais dû dire. Tiens, une larme. Elle a dû se perdre en chemin, ou s'est trompée d'histoire.

Mais je me ressaisis. Ne surtout pas regarder en arrière. En plus je risque d'en mettre partout. Je sens que la fin est proche. Les derniers remous ne me font presque plus rien vomir. Ma bouche expire de l'air nauséabond alors que les cris du corps m'arrache le bide. Mais j'ai terminé mon affaire. Je me passe la main sur la bouche puis dépose sur le mur morve et glaires résiduelles. Je soulève une dernière fois ma carcasse pour la traîner loin du champ de bataille. Et je n'oublie pas d'éteindre la lumière en sortant.

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