Le mendiant de l'amour

27/12/2005 00:10
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Le métro parisien est connu pour des correspondances qui n'ont rien de sentimental. Voici qu'on y passe des annonces matrimoniales en direct. L'amour enfant de bohème est aussi entré dans une nouvelle ère.
Qu'on imagine une heure de pointe, sur la ligne 3 ( Pont-de-Levallois-Gallieni), entre Europe et Villiers. Monte la rame un homme jeune, propre sur lui, qui prend la parole. La foule baisse la tête, récitant déjà pour elle-même les mots usés de la mendicité contemporaine : « Je vais passer parmi vous ; une petite pièce ou un ticket-restaurant... ». Surprise, ce n'est pas du tout ça : « Bonjour, je m'appelle Philippe, j'ai 31 ans, je suis informaticien. Je ne vais pas vous demander d'argent... ».

La rame relève la tête et dresse l'oreille : « J'ai lu qu'à Paris deux femmes sur trois vivaient seules. Moi aussi je suis dans ce cas, et s'il y a parmi vous un femme de 25 à 55 ans qui voudrait lier connaissance, je lui donne rendez-vous à la prochaine station. ». Hilarité générale. Soudain le métro-boulot-dodo s'arrête à Vaudeville. 55 ans ? Quelques mamies de bonne humeur s'insurgent : au-delà de cette limite leur ticket ne serait plus valable ? Et l'homme de continuer, imperturbable : « J'aime le cinéma et les enfants. Je fais bien la cuisine et je voudrais en faire profiter quelqu'un... ». Un voyageur se lève : « Si ça peut te consoler, je suis marié depuis 3 ans à une emmerdeuse. ». Fou rire général. Oublié Ternes et Glacière, direction Gaîté, changez à Plaisance.

On songe à un pari entre copains, à un bizutage de grande école. A la caméra invisible. Mais l'homme ne bronche pas. Il tend son coeur en guise de sébile. Et si c'était tout simplement vrai ? On voit de tout dans le métro aujourd'hui : des gens qui dorment, qui pleurent, qui vendent des journaux, qui donnent des concerts, qui travaillent, qui rentrent chez eux. Et l'on s'étonnerait qu'un homme y quémande de l'affection ? Ce sentiment universel s'arrêterait aux marches de Paris-surface ? Blotti au plus profond de l'homme, il n'aurait pas droit de cité dans les entrailles de la ville ? Allons, mesdames, un bon geste !

A la station suivante, beaucoup de monde a quitté la rame. Un espiègle a lancé : « Je descends mais n'en tirez aucune conclusion. » Dans la bonne humeur générale, plus d'un voyageur a eu la sensation qu'il quittait, sinon des amis, du moins des congénères qui avaient l'humour en partage. Il est parti aussi le petit musicien monté en même temps que le mendiant de l'amour. Il n'avait pas osé pousser la chansonnette pour ne pas interrompre la supplique de son voisin de galère. C'est dommage qu'ils ne se soient pas associés : une déclaration en musique, c'eût été encore plus joli.


[g]Etienne de Montety [/g] ( Le Figaro)

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