Pour la Chine, le Tibet est depuis toujours une dépendance chinoise, la question tibétaine n'est pour eux qu'une affaire interne. Pour les résistants tibétains, le Tibet est un pays indépendant agressé par les envahisseurs chinois. Petit retour sur l'histoire de cette région...
Naissance d'un empireLe Tibet en tant qu'unité politique prend forme au VIIe siècle. Songtsen Gampo, à la tête du pays, va faire du Tibet un grand empire asiatique suite à une politique d'expansion. Il s'assure notamment la main d'une princesse chinoise de la dynastie en place, les Tang. Peu à peu, l'empire tibétain s'étend dans toutes directions, au Népal au sud, au Sichuan à l'est, et surtout s'empare de postes-clé sur la route de la soie au nord et à l'ouest, au gré d'affrontements face aux Chinois. A la fin du VIIIe siècle, l'empire tibétain est à son apogée. Vers 820, un traité de paix est signé avec la Chine, les frontières des 2 pays sont fixées: le Tibet englobe le Qinghai, une partie du Gansu et du Sichuan.
A cette époque le bouddhisme d'inspiration indienne devient religion officielle (791) et dès lors s'impose, malgré une phase de répression ; les monastères fleurissants finissent par prendre de l'importance.
Triomphe de la féodalité
Cet empire dure jusqu'à la fin du IXe siècle mais finit par se morceler car trop grand pour être protégé. Le Tibet entre dans une période d'anarchie où des clans, sous le régime de la féodalité, se partagent le pays: il n'y a plus d'unité et le pays perd de sa puissance.
Cette période correspond à l'avènement du bouddhisme dans la région. Les monastères gagnent de plus en plus de pouvoirs: ils disposent de terres, perçoivent des taxes et impôts. Les seigneuries religieuses, appuyées par les monastères, prennent le dessus sur les seigneuries laïques, une nouvelle organisation de la société se met en place.
Au XIIIe siècle, les armées mongoles de Gengis Khan s'imposent à toute l'Asie, le Tibet comme d'autres ne peut que céder. Rapidement, les Mongols confient le pouvoir sur l'ensemble du Tibet à la lignée des Sakyapa. Khubilaï Khan se rend maître de la Chine, installe sa capitale à Pékin et forme la dynastie des Yuan: les Chinois y voient le début du rattachement du Tibet, sous tutelle mongole, à la Chine
En 1368, la dynastie des Yuan fait place aux Ming en Chine. Ceux-ci ne font qu'entretenir des relations protocolaires avec les dignitaires tibétains. A cette même période apparaît une nouvelle lignée, les Guélougpa (les "Vertueux"). Elle est à l'origine de la branche communément appelée "secte des bonnets jaunes", par opposition à celle des "bonnets rouges" qui correspond aux lignées antérieures. Les dernières traces de la présence mongole sont effacées et les lignées, P'hagmodrou puis Rinpoung au XVe siècle, se succèdent à la tête du pouvoir.
Règne des Dalaï Lamas
En 1576, Altan Khan, chef mongol Qoshot qui domine les plaines du nord, vassal de l'empereur de Chine, se convertit au bouddhisme tibétain. Il se rapproche des Guélougpa et attribue dès 1577 le titre de Dalaï-Lama ("Maître-Océan de sagesse") à un de leurs moines (deux moines recevront de façon rétroactive ce titre). Les Guéloupga, alliés aux Mongols, finissent par imposer leur autorité sur le Tibet: en 1642, le chef mongol, autoproclamé "roi temporel" du Tibet, confie au Dalaï-Lama l'autorité religieuse et politique sur tout le pays. Apparaît aussi à ce moment le Panchen Lama ("Grand Lettré") qui est dotée d'une autorité religieuse.
Les 1ères bases d'un état sont fixées: la capitale est fixée à Lhassa, où est construit un palais, le Potala.
En 1644, les Ming sont renversés en Chine et laissent la place aux Qing, dynastie mandchoue bouddhiste. Le Tibet, en tant que patrie majeure du bouddhisme, exerce une influence importante sur la Chine et la cour de l'empereur.
En 1705, le Tibet, pour avoir soutenu des ennemis des Qing, est envahi successivement par les Mongols Qoshots puis par les Chinois: une garnison chinoise s'installe à Lhassa, le pays devient un protectorat chinois et des commissaires impériaux y sont imposés. Le territoire tibétain est coupé à vif et voit passer sous autorité chinoise la province de l'Amdo et la partie orientale du Kham. Malgré cette mainmise sur le pays, les Chinois ne cherchent aucunement à transformer la société tibétaine et à modifier le système féodal-clérical en place.
A la fin du XIXe siècle, les Russes et les Anglais, installés en Asie Centrale et en Inde, s'intéressent au Tibet. Pendant ce temps, les Tibétains se replient sur eux-mêmes, comme en témoigne leur comportement vis-à-vis des étrangers, notamment les missionnaires chrétiens et commerçants européens. Croyant à la signature d'un traité russo-tibétain en 1903, un détachement militaire anglais, dirigé par le colonel Younghusband, pénètre au Tibet et prend possession de Lhassa en 1904 sans rencontrer de réelle résistance. Les Russes, pris dans la guerre contre le Japon, ne peuvent intervenir. En 1906, le traité de Pékin reconnaît la suzeraineté chinoise sur le Tibet, qui est aussitôt fermer aux étrangers (Lhassa a longtemps été une cité interdite).
Suite à la révolution, la République est déclarée en Chine en 1912. La population se soulève contre la présence chinoise, le Dalaï Lama, de retour d'exil, prend la tête de l'insurrection, et déclare l'indépendance du Tibet le 14 février 1913, uniquement reconnue par la Mongolie toute jeune indépendante. Mais en 1914, la convention de Simla signée par les Anglais, les Chinois et des représentants tibétains confirme la suzeraineté de la Chine sur le Tibet.
La république chinoise ne survit pas longtemps et l'anarchie s'installe. Dans les années 20, le Tibet se referme complètement et refuse toute modernisation du pays, alors que certains Tibétains sont partisans d'une modernisation, en passant par la suppression des privilèges féodaux et une alliance avec la Chine, notamment en la personne du Panchen Lama VII, allié des chinois jusqu'en 1964.
En 1940 est intronisé le 14e Dalaï Lama (toujours en place). Pendant la guerre, le Tibet reste neutre, à son issue, le Tibet ne parviendra pas à imposer son indépendance au niveau juridique.
Annexion à la République Populaire de Chine
En 1949, à la fin de la guerre civile chinoise, Mao Zédong proclame la République populaire de Chine. L'Inde et l'URSS reconnaissent la suzeraineté de la Chine sur le Tibet. En octobre 1950, 40000 Chinois envahissent le plateau tibétain, le gouvernement tibétain en appelle à l'ONU: à cette période l'organisation internationale est empêtrée dans la résolution de la guerre de Corée et les Chinois ne démordent pas que le Tibet reste une affaire interne. Faute de soutien, le Tibet doit céder en 1951.
Abus des militaires chinois, réforme qui engendre une terrible famine, exactions menées pour éradiquer le bouddhisme: face à cela, l'insurrection se généralise au Tibet. Alors que la rébellion est sévèrement réprimée, le Dalaï Lama se réfugie en exil en Inde en 1959, et y forme un gouvernement en exil. Le pouvoir est remis au Panchen Lama. Celui-ci, confronté à la lutte antireligieuse, s'oppose aux Chinois en 1964 et est arrêté.
Tout comme le reste de la Chine, le Tibet souffre de la politique de Mao ("Grand Bond en avant" puis "Révolution Culturelle"), sa disparition correspond à un apaisement au Tibet, dans les années 70 et 80, même si la répression contre les indépendantistes se poursuit. Depuis le début des années 2000, le Dalaï Lama a renoncé aux revendications d'indépendance pour exiger une large autonomie du Tibet au sein de la République Populaire de Chine.