Noir Désir

20/01/2006 08:00
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Le rock n'est pas chose évidente en France. Pays latin très porté vers le verbe et la mélodie, il n'a que fort rarement engendré des rockers de talent. Le rock a besoin d'autres ingrédients, plus saxons: la rage, l'outrance, l'électricité. Noir Désir est aujourd'hui l'un des seuls groupes français à avoir réussi l'alchimie. L'honneur est sauf.
Le rock n'est pas chose évidente en France. Pays latin très porté vers le verbe et la mélodie, il n'a que fort rarement engendré des rockers de talent. Le rock a besoin d'autres ingrédients, plus saxons: la rage, l'outrance, l'électricité.Noir Désir est aujourd'hui l'un des seuls groupes français à avoir réussi l'alchimie. L'honneur est sauf.

Tout débute en 1980 quand Bertrand Cantat débarqué de Normandie, rencontre dans un lycée bordelais ceux qui seront ses partenaires dans l'aventure du groupe : Denis Barthe (batterie), Serge Teyssot-Gay (guitare) et Frédéric Vidalenc (basse).

Réunis à une période où le punk et la new wave sont en perte de vitesse, les quatre garçons sont pourtant des amateurs de ces courants musicaux. Entre 81 et 84, ils passent beaucoup de temps entre les bars et les studios où ils répètent de façon informelle, plus pour leur propre plaisir que dans une optique professionnelle. Quant à Bertrand Cantat, véritable leader du groupe, il commence à ce moment là à s'intéresser beaucoup à l'écriture, à la poésie (Rimbaud et Mallarmé sont ses favoris). Ne jouant d'aucun instrument, il est naturellement amené à chanter.
Assez réfractaires aux méthodes d'enseignement et à l'éducation Nationale en général, les quatre futurs musiciens accumulent en attendant les petits boulots. Ils travaillent souvent dans le milieu du spectacle, mais se retrouvent aussi gardien d'immeuble ou couvreur.

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Sombre héros

Débordant d'enthousiasme, l'Américain Theo Hakola (chanteur du groupe Passion Fodder) produit en 87, sur un véritable coup de coeur, le premier mini album des quatre copains devenus entre temps, Noir Désir. Il s'intitule "Ou veux-tu qu'je'regarde". Véritablement portés par un son anglo-saxon et une veine poétique assez exceptionnelle dans le milieu du rock, les Noir Désir commencent à mettre en place ce qui sera leur véritable identité.
Deux ans plus tard, avec "Veuillez rendre l'âme à qui elle appartient" produit par Ian Broudie, Noir Désir sort un disque que la critique rock salue unanimement. En même temps sort le single "Aux sombres héros de l'amer" qui entre dans le Top 50. Le groupe reçoit le Bus d'Acier, récompense donnée en France par la presse spécialisée. Il donne aussi une série de concerts en France, allant même jusqu'en URSS, en passant par le Canada et la Tchécoslovaquie.

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Le groupe se méfie pourtant de la notoriété trop vite acquise. Il ne veut pas être uniquement un phénomène de mode et désire garder sa liberté et son indépendance. C'est ainsi qu'après la publication du second album, les relations avec leur maison de disques deviennent tendues : en effet, le groupe refuse de participer aux émissions de télévision grand public. Ils décident aussi que les interviews se feront à quatre, de façon, sans doute, à contrebalancer le charisme encombrant de Bertrand Cantat.

Romantico-torturés
En novembre 90, après une période de tournée intensive, ils passent deux mois à enregistrer leur nouvel album, sans aucune pression extérieure. En février 91, sort "Du ciment sous les plaines" avec 14 titres dont 4 en anglais.

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Catalogués "romantico-torturés", ils se tournent pourtant vers un rock de plus en plus dur, avec des paroles compactes et pessimistes. 120.000 exemplaires de l'album sont vendus et les dates s'enchaînent de Tokyo à Paris jusqu'au Canada. "En route pour la joie" est le single extrait de l'album. Installés dans une routine qui conjugue sortie de disque et concerts, les membres du groupe ressentent une certaine usure et quelques doutes, après trois ans, pendant lesquels ils ont déversé leur énergie militante. Des rumeurs de rupture semblent fondées et Bertrand Cantat devient même aphone à force de se donner sur scène.

Mais Noir Désir décide en fait de prendre quelques mois de repos pour se ressourcer avant la préparation de nouvelles chansons à Bordeaux.
En décembre 92, l'album tant attendu par la masse d'aficionados de plus en plus nombreux, sort enfin : "Tostaki" (contraction de "Todo esta aqui") , enregistré en Angleterre est produit par Ted Niceley.

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Le bruit et la fureur qu'ils déversent sont impressionnants. Les guitares sont fracassantes et les textes dressent un constat assez pessimiste de ce qui nous entoure. L'album est un succès et la jeunesse française se retrouve facilement dans ce groupe qui ne fait aucune concession, que la notoriété ne semble pas intéresser et qui propose finalement un certain nombre d'idéaux de vie. La tournée qui accompagne la sortie de l'album est triomphale, les concerts sont "sold out" et leur passage à l'Olympia de Paris (3 & 4 février 93), mémorable car la personnalité explosive et noire de Bertrand Cantat transcende le public.

Colère
Pour tenter de préserver toutes les émotions ressenties durant cette longue tournée, une vidéo et un enregistrement live en double compact disque, "Dies Irae" (jour de colère) sortent en janvier 94. Cela clôt un cycle et fait figure de point d'orgue de ces années de "colère" noire des quatre bordelais.

Dies irae
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Passés maîtres dans l'art d'enchaîner les périodes d'excès et de repos, les membres de Noir Désir vont volontairement se disperser et prendre quelques distances les uns par rapport aux autres. Le guitariste Serge Teyssot-Gay, sort un album solo en 96. Bertrand Cantat tente une nouvelle fois de retrouver sa voix; et Frédéric Vidalenc, le bassiste se détourne officiellement du groupe et s'en va.
S'inscrivant dans le prolongement du travail commencé avec "Du ciment sous les plaines", le nouvel album au titre énigmatique, "666.667 Club" est publié en novembre 96.

666667 club
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Le plus grand groupe de rock français (avec un nouveau bassiste, Jean Paul Roy) fait donc sa rentrée avec 13 nouveaux titres. Pourtant toujours de la même facture, avec ce son si propre aux Bordelais, les chansons incendiaires et sombres ne font que confirmer, le talent indubitable du groupe, fidèle à sa morale rock. En février 97, ils jouent deux soirs de suite au Zénith à Paris où ils expriment une nouvelle fois, leur rage débridée. Il enchaîne ensuite sur une tournée triomphante à travers la France. De passage à Toulon dans le sud de la France, ville gérée par des élus d'extrême droite, le groupe Noir Désir anime avec des associations locales, un forum de résistance à ce courant politique. Ils invitent aussi durant leur concert le groupe de rap Assassin, qui n'avait pu jusque là jouer dans cette ville, suite à des pressions de la municipalité. La prise de position politique du groupe bordelais est claire, même si leurs textes ne sont pas directement explicites.

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Leur engagement politique et social les amène aussi à organiser une manifestation "Un jour à Bordeaux" qui attire plus de 30.000 jeunes. Sur l'esplanade d'une gare désaffectée, a lieu un maxi concert en juin 97, regroupant le plus populaire des groupes de rock avec une quinzaine de formations musicales de la région. Une soixantaine d'organisations humanitaires, mais aussi de lutte contre le racisme et l'extrême droite sont conviées et participent à cette grande rencontre. Dans la même lignée, le groupe est au Bataclan le 13 octobre pour un concert au profit de la scolarisation dans les pays du Sud.

Le 20 février 98, le groupe reçoit la double Victoire de la Musique du Meilleur groupe de l'année et de la Meilleure Chanson avec "L'homme pressé". Mais peu favorable à ce type de cérémonie, le groupe ne voit pas l'intérêt d'être présent à la soirée.

En juin 98, deux des membres de Noir désir (Bertrand et Serge) accompagné de leur saxophoniste hongrois, Akosh Szlevenyi dit Akosh S., se rendent à Marseille pour rencontrer cinq groupes locaux. C'est la seconde fois qu'ils prennent une telle initiative sur l'invitation d'associations. Discussions, confrontations, propositions, ces rencontres sont un vrai travail d'échange sur les motivations et les problèmes que peuvent rencontrer les groupes de rock aujourd'hui. Bertrand Cantat réitère cette expérience en avril 99 à l'Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux, invité par les élèves.

Année après année, le soutien du groupe à de nombreux combats ne cesse de se confirmer. On les trouve entre autres avec le GISTI (Groupe d'Information et de soutien aux Immigrés) sur un concert le 7 avril 99 au cours duquel le groupe chante "Working Class hero" de John Lennon. En 2001, les Noir Désir sont aux côtés de ceux qui luttent pour le Tibet au sein de l'album "Tibet libre". Le 15 juillet, ils participent à Vienne à un concert pour les réfugiés. Enfin, ils apparaissent aussi sur des compilations peu médiatisées telles "Enragez-vous" ou "Quai 213" qui toutes, mêlent politique et musique.

Participations

De la même façon, ils sont toujours prêts à prêter leur voix pour des hommages ou sur des albums d'amis. En 98, Noir Désir reprend "Ces gens-là" sur l'album "Au suivant", un hommage à Jacques Brel. Peu avares en participation, on lit leurs noms sur les albums des Têtes Raides ("Gratte Poil", 2001), Denez Prigent ("Irvi", 2000), Bashung ("Climax", 2000), Yann Tiersen ("Black Session" 99).

Mais les Noir Désir apparaissent aussi seuls comme le batteur Denis Barthe présent sur un album de la Berlue en 1995. Enfin, autre cas de figure, le disque solo dont Serge Teyssot-Gay est l'unique représentant. Après son premier disque en 96, il en sort un second en 2000, "On croit qu'on en est sorti", un album aux entournures littéraires puisqu'il travaille sur les texts de l'écrivain Georges Hyvernaud (décédé en 83), auteur de nombreux écrits sur la guerre.

Des Visages, des figures
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En Aout 2001, sort un single très attendu, "le Vent nous portera", première trace du nouvel album "Des Visages, des figures" prévu pour le 11 septembre. Alors qu'ils ont participé à de très nombreux concerts ces dernières années, l'été 2001 voit le retour du groupe à part entière sur scène avec un nouveau spectacle présentant les dernières créations. Morts de trac, les Bordelais sont ainsi présents entre autres aux Vieilles Charrues où ils font un carton. Leur concert est puissant et flamboyant. Ils le terminent par un magnifique "duo" avec les Têtes Raides, "l'Iditenté".


Enfin, après cinq ans d'attente, le nouvel opus du groupe sort le 11 septembre. Ressourcés, les quatre membres de Noir Désir sortent un album qui paraît le plus abouti de tous. Produit par Nick Sansano (Sonic Youth, Red Hot Chili Peppers), "Des visages, des figures" contient évidemment le simple "le Vent l'emportera" sur lequel on peut entendre la guitare de Manu Chao. On retrouve aussi comme invité le sax du fidèle Akosh sur l'infernal "Europe", 23 minutes 43 scandées avec Brigitte Fontaine. Sur l'ensemble des morceaux, la voix que Bertrand Cantat avait failli perdre il y a quelques années, est désormais plus posée. L'impact des textes est renforcé. L'adéquation entre musique et mots, entre musique et discours est ainsi accrue. Cet album très réussi a tout de même de quoi dérouter les fans du groupe car il s'éloigne du chemin qu'il avait tracé jusque là, au fil des albums et des tournées, et part défricher de nouveaux espaces sonores. En réalité, on n'en attendait pas moins d'artistes qui cultivent le doute et la remise en question artistique.

Début 2002, l'album s'est écoulé à 900.000 exemplaires et le groupe se voit nommé cinq fois aux Victoires de la Musique. Ce succès tarde cependant, aux yeux des fans, à se transformer en une tournée très désirée. Depuis la brève tournée de l'été 2001 (cinq dates dont une en Hongrie), Noir Désir est avare de ses concerts. On les voit à Toulouse en septembre 2001 et à Trappes en banlieue parisienne au profit du GISTI le 10 décembre. Puis plus rien avant l'annonce d'une tournée, essentiellement hors des frontières hexagonales, à partir de mars 2002.

Colères

Le 9 mars 2002, le groupe reçoit les Victoires de la Musique pour l'Album rock de l'année et le Clip de l'année ("le Vent nous portera"). Mais ce soir-là, ils se distinguent en haranguant le président du groupe Vivendi dont dépend leur maison de disques Universal. Ils lui reprochent une certaine récupération de leur nom comme alibi culturel quant à la diversité dont se prévaut le premier label français. Cet "incident" fait grand bruit dans le landernau artistique.

Quelques jours plus tard, le 13 mars, le groupe démarre une tournée par le Québec puis l'Europe (Pologne, Pays-Bas, Norvège) avant de donner quelques représentations inédites au Moyen Orient (Syrie, Yémen, Liban, Turquie). Du 29 avril au 4 mai, ils improvisent quatre concerts en France en réaction à la qualification de l'extrême droite lors du premier tour des élections présidentielles en France. Avec les Têtes Raides, Dominique A, Yann Tiersen, Rodolphe Burger de Kat Onoma ou Thomas Fersen, ils manifestent leur colère "contre le racisme et la haine".

Puis début mai, ils entament une longue tournée française, à guichet fermé, qui doit les mener jusqu'à l'hiver. En juillet 2002, le groupe se voir décerner un Disque de platine par la Fédération internationale pour l'industrie phonographique récompensant un million d'unités vendues du CD "Des visages, des figures".

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Le public jeune les adule et la critique rock les encense. Il semble pourtant que le groupe que l'on présente parfois, comme le petit frère d'une autre formation rock célèbre, Téléphone, ait décidé de rester lui-même et de profiter de sa notoriété pour exprimer largement ses opinions sur le devenir de la société.


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RFI Musique

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