L'horreur de la politique

17/07/2008 21:51
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« Si [George] Orwell plaidait pour qu'on accorde priorité à la politique, c'était seulement afin de protéger les valeurs non politiques » (Bernard Crick, cité par Simon Leys, Orwell ou l'horreur de la politique). Ce qui consistait - dans ses aspects les moins amusants - à éreinter son entourage avec son socialisme compliqué, mais aussi et surtout à poser un regard singulier sur les idéologies de son époque et de la notre.
Car, malgré un petit déficit d'esprit de système, reste chez Orwell une acuité de vue incomparable. C'est ce que prouve cette savoureuse description du Parti travailliste (le PS anglais), dont une certaine mystique socialiste attirait "tous les buveurs-de-jus-fruits, les nudistes, les illuminés en sandales, les pervers sexuels, les Quakers, les charlatans homéopathes, les pacifistes et les féministes d'Angleterre" (Le quai de Wigan). Tout ressemblance avec notre si moderne PS... Pour mesurer la performance, il faut noter que ce passage anti-jus de fruit était contemporain du Front Populaire, âge d'or indépassable du socialisme français.

Un autre exemple comme il y en a tant d'autres dans le court ouvrage de Simon Leys, concernant l'essai de Sartre "l'Antisémite":

« L'ennui est que, aussi longtemps que l'antisémitisme sera considéré simplement comme une sinistre aberration, presque comme un crime, tout individu suffisamment éduqué pour en avoir entendu le nom prétendra naturellement être exempt de la chose. En conséquence, les livres sur l'antisémitisme tendent à devenir des exercices pour enlever les pailles qui sont dans l'oeil du voisin (...). Pour une bonne part, ce qui cloche dans l'approche de M. Sartre est indiqué dans le titre même de son livre. "L'Antisémite", semble-t-il constamment impliquer, est toujours le même type d'individu, reconnaissable au premier coup d'oeil, et, si l'on peut dire, perpétuellement à l'oeuvre.»

(une petite pensée en passant pour le "de toute façon, 18% de la France est déjà contaminée, il faut s'occuper du reste" entendu ça et là)

« En fait, si l'on se donne le moins du monde la peine d'étudier la question, on verra aussitôt que l'antisémitisme est largement répandu, qu'il n'est limité à aucune classe en particulier, et surtout qu'à l'exception de quelques cas extrêmes, il est toujours intermittent. Mais ces divers faits ne sauraient s'accorder avec la vision atomisée de la société qu'à M. Sartre. Il irait presque jusqu'à nier qu'il put exister des êtres humains tout court, car pour lui il ne saurait y avoir que des catégories abstraites, telles que "l'Ouvrier", ou "le Bourgeois", classifiables exactement comme des espèces d'insectes. "Le Juif" n'est alors plus qu'une de ces variétés d'insectes, et l'on pourrait, semble-t-il, le reconnaître à son apparence même.
(...)
On voit bien que cette vue est elle-même extrêmement proche de l'antisémitisme. En fait tout les préjugés raciaux relèvent de la névrose, et il est peu probable qu'on puisse les accroître ou les diminuer par une argumentation quelconque. Une chose est certaine, le plus clair effet qu'ont les livres de cette sorte (dans la mesure où ils ont un quelconque effet) est probablement de rendre l'antisémitisme encore plus répandu qu'avant. Si l'on voulait étudier sérieusement l'antisémitisme, le premier pas serait de cesser de le considérer comme un crime. Et en attendant, le moins on parlera "du" Juif ou de "l'" Antisémite, comme s'il s'agissait de créatures étrangères à notre espèce, le mieux ça vaudra ! »

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