Les intellectuels, le peuple et le ballon rond

18/09/2008 23:44
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Pour mes exercices de dactylo du soir, j'ai bien envie de faire partager quelques extraits de ce court essai de Jean Claude Michéa, dit l'Aigle de Montpellier (il est prof de philo dans le secteur).
Le titre, celui du présent billet, n'augure rien de bon; peut-on vraiment gloser sur le sport de Joey Barton - à quand une métaphysique de la soupe aux poireaux ? Que vient foutre là l'écrivain, cantonné de naissance au poste de défenseur latéral et au jeu sans ballon ? Comment osera-t-il donner des leçons à ses frères à lunettes ?

Une fois lobées ces menues objections, l'auteur se lance comme un fou dans son opuscule, et c'est de l'anarchisme orwellien non coupé.

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«...Il peut, certes, arriver qu'un communicant habile passe longtemps aux yeux des acheteurs et de la critique pour un peintre de talent ou un sculpteur de génie. Mais jamais un footballeur n'a été en mesure de duper le public averti sur ses qualités supposées de libero ou d'ailier de débordement, ni même sur la réalité de son intuition tactique.

C'est par conséquent cette capacité acquise de "lire un match" - capacité qui est le principe de ces interminables discussions d' "après match" où se fonde une partie de la sociabilité populaire - qui a toujours permis aux critiques basées sur l'amour du jeu, d'aller bien au-delà de la simple perception habituelle des effets que la logique marchande produit en dehors et autour du terrain.

Effets qui sont, du reste, désormais bien recensés: soumission des clubs au pouvoir de l'oligarchie financière (l'arrêt Bosman constituant un moment décisif et particulièrement destructeur dans cette mise en place des logiques ultra-libérales), médiatisation grotesque de l'évènement sportif, lui-même "commenté" par des experts incompétents, généralisation de la corruption et du dopage, ou encore, depuis les années 70, multiplication des efforts pour substituer au joyeux public traditionnel des stades, connaisseur et gouailleur, la figure bariolée et infiniment plus manipulable du supporter [NB: ce dernier point est largement nuancé, en commentaires, concernant les aficionados].

[...]

Le jugement [des connaisseurs, concernant l'évolution du jeu] est dans l'ensemble toujours le même, et François Thébaud, ancien rédacteur en chef de Miroir du Football en énonce ainsi les principaux attendus: "On admettait naguère qu'en pratiquant un jeu de qualité, on pouvait perdre un match. Mais on considérait ce type d'évènement comme un accident, la seule recette intelligente pour obtenir régulièrement de bons résultats était la pratique du meilleur jeu possible, c'est à dire d'un jeu où l'esprit de création, l'intelligence tactique, la maîtrise technique, le plaisir de jouer étaient des éléments essentiels. Aujourd'hui, [...] le jeu est devenu une notion inutile et encombrante à partir du moment où le poids des intérêts financiers draînés par le football a eu comme conséquence l'accession à sa tête
de gens déterminés à implanter l'idée que seul le résultat compte, et que les moyens pour l'obtenir en dehors de l'argent se nomment le travail, l'effort pénible, la souffrance et éventuellement la ruse et la brutalité."

[...]

C'est donc peu de dire que le véritable amateur de football moderne est, en général, très critique quant à la valeur du spectacle qu'on lui propose. Et cela d'autant plus, que sa mémoire demeure riche des matchs du passé, et que son jugement a déjà été formé - on l'a déjà dit - moins par les commentaires tombés de la télévision que par les discussions passionnées qui s'élevaient de son milieu.»

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