Le vide est religieux ?

06/12/2008 22:11
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Petit extrait du dernier livre d'Emmanuel Todd, Après la démocratie . Pas le genre qui donne la patate et envie de souscrire un emprunt sur 50 ans, mais il contient une synthèse séduisante des clivages politiques en France par la géographie. Apparemment l'auteur y tient, c'est peut-être pas si con: c'est amusant de penser que ces trésors de rhétorique, déployé sur le stub quand [login=modérateur] laisse pisser, ne tiennent qu'à des histoires familiales. Notons que le cas de l'Alsace (dépourvue de gauche, Tambow oblige) n'est pas vraiment traité.


Le Front National n'aura été finalement qu'une étape dans le processus de désagrégation des forces qui structuraient, depuis la Libération, la vie politique française: communisme, social-démocratie, gaullisme, droite modérée de tempérament catholique.

Le FN fut un instant capable de réunir des ouvriers de tradition communiste et des petits commerçants d'origine RPR. Il ne représentait cependant que le début d'un processus de dilution, étape nécessaire sur le chemin du vide qui caractérise la période actuelle. Pour comprendre l'importance du moment que nous vivons, nous devons saisir la nature de ce qui a disparu: des croyances collectives puissantes et stables, d'origine religieuse, ancrées dans des territoires.

C'est en 1791 qu'apparut pour la première fois la carte qui allait structurer pendant près de deux siècles la vie politique française (...)

http://patrick.foussard.free.fr/blog/cuisine/fromages.jpg

C'est alors que se manifeste l'opposition géographique entre une France déchristianisée (...) et une France catholique. La France dechristiannisée est pour l'essentiel un bloc central, du Bassin parisien étiré le long d'un axe oblique allant des Ardennes à Bordeaux, auquel il faut ajouter la majeure partie de la façade méditerranéenne. La France fidèle à l'Église est constituée d'une constellation de provinces périphériques, à l'Ouest, au Nord, à l'Est, dans le Massif Central et le Sud-Ouest. (...)

La pratique religieuse a résisté avec efficacité dans les bastions périphériques jusqu'au début des années 60. (...)

Lors de l'élection du Front populaire en 1936, les pôles de résistance de la droite conservatrice dessinent toujours la même constellation périphérique. Dans la France déchristianisée du Bassin parisien se succèdent où se combinent, entre 1880 et 1980, les prédominances radicales, gaulliste, communiste. (...)

Cette belle structuration religieuse s'effondre par étapes à partir du concile Vatican II (en 1962) (...)

La crise terminale du catholicisme rythme, depuis le début des années soixante-dix, les mutations du système politique français. C'est tout à fait normal dans la mesure où les pôles de résistance catholiques constituaient des points d'appui négatifs du sytème. Libérés, les électeurs catholiques se tourne d'abord vers le Parti socialiste, que l'on voit progresser entre 1967 et 1978 non seulement en Bretagne mais dans tout l'espace catholique. La droite catholique, dont les innombrables mutations avaient portés successivement le légitimisme, le cléricalisme, l'antidreyfusisme, le MRP, la droite modérée et le giscardisme, s'évanouit (...) La fondation de l'UMP en 2002 est son acte de décès. Son fantôme apparaît parfois dans la géographie de certains votes pour François Bayrou (...)

Le phénomène le plus significatif, du point de vue sociologique, est l'effondrement du Parti communiste, qui suit après un délai court celui de la pratique religieuse. Tout se passe comme si le PCF et l'Eglise avaient constitués un couple, et que le stalinisme ne pouvait survivre à la disparition de son double négatif.(...)

http://monfernandel.free.fr/images/Photos/camillo.jpg

...la réalité est l'atomisation du corps électoral (...) les citoyens agissent de plus en plus en individus non régulés par des croyances solides (...)

La survie apparente de la social-démocratie et de la droite nationale dans le système des partis ainsi que leur position globalement dominante ne doivent pas faire illusion. Il n'y a là plus aucune croyance collective solide (...) Conversion au libéralisme économique, acceptation du capitalisme financiarisé, carriérisme cynique de ses hauts fonctionnaires: la trahison par le Parti socialiste des valeurs de la gauche est une évidence (...) C'est ce que Bertrand Delanoë appelle 'de l'audace' (...)

http://www.agoravox.fr/IMG/delanoe.jpg

Mais se moquer de la trahison socialiste, exercice qui constitue le fond de commerce de néogauchistes comme Olivier Besancenot, est trop facile. Plus intéressant est l'abandon par les gaullistes et leurs alliés de leurs propres valeurs. On n'y pense moins immédiatement parce que le triomphe de l'argent et des inégalités est aujourd'hui perçu comme celui de la droite. Mais les deux grandes droites françaises, catholique et gaulliste, n'avaient pas le fric pour raison d'être et légitimité unique.

http://www.lefigaro.fr/medias/2007/07/13/20070713.MAG000000314_24...



Emmanuel Todd, Après la démocratie, pp22-28, Gallimard 2008

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