Compartiment non fumeur s'il vous plaît

05/02/2006 21:47
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D'ordinaire, lorsque je parcourais le stub, il me fallait déjà ignorer les piles de lectures urgentes qui me soulevaient les coudes.

Depuis les stublogs, je dois en plus affronter le "Quel dommage gnagnagna" lourd de reproches de ma page d'accueil ! Mais laissez moi, enfin ! Alors tant pis, je fais un billet, ça plaît pas je m'en fous, je risque tout, c'est trop insoutenable. L'anonymat aidant, je vais enfin pouvoir me soulager d'un peu de ma mauvaise conscience - mauvaise conscience de non-fumeur, pas de glandu.

Mon père est lui même un non-fumeur résolu : rebelle à rebours, il avait subit 20 durant les rejets toxiques de mon grand-père (65 ans de clopes sans tumeur, qui dit mieux). Ne parlons même pas du traumatisme des travaux forcés dans les champs de tabac (qui a par ailleurs durablement contrarié ses aptitudes à la flemme). J'ai donc grandi entre cet ours sage, soucieux de ses poumons, et ma mère soucieuse de tout comme il se doit.
L'importance de mon propre souffle m'était apparu à l'évidence lors d'inoubliables sorties hivernales en forêt, où je peinais à suivre le pas lourd et regulier de mon ancien, et à exhaler d'aussi gros nuages. Je considérais avec un peu de pitié mes camarades dont un des parents présentait tous les stigmates du vice : regard fièvreux, doigts jaunes, dents jaunes, moustache jaune, minceur suspecte, passions tristes, enfants repoussants, enfin je ne vous apprends rien. D'ailleurs, il m'arrivait souvent de vomir dans les voitures de mes oncles fumeurs, rien que pour marquer ma réprobation (enfin surtout dans les virages).

Quelle surprise lorsque les premières cigarettes débarquèrent dans la classe. La fille en question "crapotait", comme m'avait expliqué, sous le sceau du secret, quelqu'un de bien informé. Concrètement elle toussait et eructait dans sa main, sans trop de honte car le prestige du fumeur faisait tout oublier. Nous autres nous sommes soudainement aperçu du profond ridicule de garder sans arrêt ses mains dans les poches, ou même d'avoir les bras ballants. D'ailleurs, j'étais pressé d'être adulte pour ne plus penser à ces p..s de bras qui trahissaient tout de mes trouilles d'attardé pusillanime.
Enfin, je resistais, en prévision d'une carrière de coureur des bois qui ne tarderait pas à décoller...

Plus tard, la même camarade fut surprise avec une authentique FEUILLE DE CANNABIS, qu'elle avait malencontreusement glissé dans son cahier de texte ! Cahier que par hasard elle faisait passer dans la classe sous divers prétextes. Dés lors, le fossé culturel entre "eux" et "nous" devint énorme. Leurs souvenirs de murges follement décadentes parvenaient jusqu'à nous. Nous, pauvres cons, soit coincés, soit désargentés, soit stupidement élevés dans le culte d'Antoine Pinay et l'amour de l'épargne. En partie vaincu, je cédais à la tentation de la première bière, ce que je justifierait aujourd'hui en excipant de mes origines alsaciennes. Par contre, je gardais tout mon empire sur la fumée (enfin c'est relatif, hein, essayez de passer une soirée en apnée, vous verrez !)

Vinrent les premières années sérieuses. Souvent j'enviais la nonchalance de mes camarades, qui excécutaient les devoirs avec le sang-froid d'un Djorkaeff devant les buts. Les mêmes résultats me coutaient 50cm d'ongle, 100g de peau de pouces, pas mal de pellicules et 1-2 envies de suicide. Mais bon..pour tout avouer, je me sentais bien vieux pour demander le mode d'emploi (aspirer, souffler, quels orifices ?). Je ne m'imaginais pas dans ma salle de bain en train d'éructer et de baver (comme j'avais vu faire le pépé) en défiant Dieu et mes muqueuses en révolte "Aaargh..mais j'y arriverai !". Je redoutais aussi de m'emcombrer de cette dépendance, alors que j'oublie déjà régulièrement mes papiers, billets de train, cours de biologie. En revanche, j'enregistrais fébrilement toutes les connaissances utiles que je pouvais sur le sujet (yeux rouges, importance du nombre de feuilles), histoire de faire illusion au besoin. Peine perdue, je passai lamentablement au travers des modes grunge et roots et autres, avec la classe d'un idiot rural.

Et puis, insensiblement, mes ami(e)s ayant changé et/ou vieillis, j'ai cessé d'être un paria (séchez vos larmes). La chanson de Stupéflip "depuis que .." résume bien leur attitude. Bref, je dois me farcir en silence leurs souvenirs d'anciens combattants (est ce que je vous gonfle avec mes souvenirs, moi ? oui ? ah bon). Les conversations sur la dépénalisation me laissent totalement désemparé. Et le comble, je dois parfois consoler l'un(e) ou l'autre qui m'explique combien c'est pénible d'arrêter.
Bordel, je vous aime, mais est-ce possible que vous ayez été aussi conformistes ? Bon, et puis vous pouviez pas obéir à vos parents comme tout le monde ? Non, je ne fumerai jamais, na, vos abjectes toxines ne viendront jamais avilir mon frais minois et mes poumons très jolis aussi ! Ai-je raté ma vie ? Pourquoi je suis essoufflé aussi, des fois, c'est pas juste ! Pourquoi ?
Pourquoi ? (a y est, la panne sèche)

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