Hard bop (funky jazz, East Coast jazz, postbop).

06/03/2006 01:33
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Après le bebop sont apparus, vers la fin des années 40, ce que l'on a tenté de définir comme le cool, le style West Coast et plus tard le third stream. Ces trois mouvements, souvent enchevêtrés, se caractérisent par une approche relativement classique de l'instrument, un refus des effets expressionnistes, l'introduction d'instruments jusqu'alors du domaine classique comme cor, hautbois, flûte, etc., avec incorporation d'éléments de musique contemporaine. Encore une fois des musiciens noirs vont se sentir floués, comme, ou même davantage que durant la période swing (avec Benny Goodman) : si l'on excepte Miles Davis et John Lewis, dans ces courants les grands noms sont ceux des musiciens blancs. Même la dure révolution bebop a été récupérée et affadie. Certains musiciens noirs vont réagir contre ce détournement de leur musique. Afin de revitaliser et viriliser le jazz, leurs préoccupations vont osciller, d'un morceau à l'autre, entre un mélange réactualisé de gospel et de blues qui donnera le style funky (soul ou churchy), les acquis revisités du bebop et le retour à l'expressionnisme (Charles Mingus, Cannonball Adderley). Il n'est donc pas possible de dissocier le hard bop du funky. Si dès 1951 Miles Davis (aidé de Sonny Rollins) amorce l'esprit hard bop, c'est en 1953 (avec la formation des Jazz Messengers par Horace Silver et Art Blakey), et 1954 (avec les quintettes de Silver et de Clifford Brown-Max Roach) que se situe le réel démarrage de ces deux tendances indissociables.
Le style : mélodiquement et harmoniquement, la plupart des thèmes sont « bluesifiés » (retour aux accords de pseudo-dominante sur la tonique et la sous-dominante) ou « gospelisés » (retour aux formules plagales de type enchaînement de sous-dominante / tonique –exemple : réponses harmoniques dans 'Moanin de Bobby Timmons). Ces progressions simples sont souvent mêlées aux structures harmoniques du bebop (comme dans le pont du même 'Moanin). Autre caractéristique : les éléments du blues et du gospel se trouvent intégrés très souvent et avec bonheur dans des thèmes en mineur (emploi intensif de la troisième blue note : la quinte diminuée). Exemple : Dat Dere (Timmons, 1960).
L'instrumentation est généralement de type quintet bebop avec trompette et sax (Jazz Messengers, Clifford Brown-Max Roach, Horace Silver, Jazz Crusaders), mais peut aller du trio (Three Sounds) au big band (Quincy Jones) en passant par le Jazztet de Benny Golson-Art Farmer comprenant six musiciens.
Les sections rythmiques sont plus homogènes et plus souples que dans les débuts du bebop, privilégiant la rigueur du tempo sans brider l'invention. Apparaît une pléiade d'excellents rythmiciens tels les batteurs Philly Joe Jones, Roy Haynes, Jimmy Cobb, pouvant rivaliser avec leurs aînés Kenny Clarke, Max Roach, Art Blakey. Face aux contrebassistes Oscar Pettiford et Ray Brown, s'affirment leurs cadets Paul Chambers, Charles Mingus, Perey Heath, Sam Jones. C'est chez les pianistes que la synthèse des deux courants principaux de ce style (bebop et blues) apparaît le plus clairement. Horace Silver, Junior Mance, Bobby Timmons, Ray Bryant, Winton Kelly, Red Garland, Tommy Flanagan, Ray Charles ou l'organiste Jimmy Smith ont tous plus ou moins subi l'influence déterminante de Bud Powell, tout en étant de superbes interprètes du blues le plus soul, au même titre que les guitaristes Wes Montgomery, Kenny Burrell ou Grant Green.
Chez les mélodistes se distinguent les trompettistes Clifford Brown, Lee Morgan, le Miles Davis très véloce du début des années 50, Blue Mitchell, Donald Byrd, les trombonistes Curtis Fuller puis Slide Hampton. Les saxophonistes de valeur, relativement peu nombreux à l'époque du bop –peut-être à cause de l'avance fantastique de Parker- ont enfin assimilé la leçon de Bird et se présentent en nombre : les altos Jackie McLean, Cannonball Aderley, Phil Woods, Lou Donaldson, les ténors Sonny Rollins, John Coltrane, Dexter Gordon, Benny Golson, Johnny Griffin, Hank Mobley, Harold Land, etc.
Les compositeurs de cette période sont très prolifiques. Des suites harmoniques sophistiquées mettent en valeur des mélodies souvent chantantes et simples qui aident à rétablir le contact avec le public : Horace Silver (Ecaroh, Opus de Funk, Nica's Dream, Doodlin'), Benny Golson (Stablemates, I remember Clifford, Whisper Not), Clifford Brown (Joy Spring, Daahoud), Sonny Rollins (Airegin, Doxy, Oleo, Valse Hot). Principaux arrangeurs : Oliver Nelson, Benny Golson, Quincy Jones.
Les deux compagnies de disques symboliques de la période sont Prestige et surtout Blue Note.
Comme d'habitude, le cloisonnement des catégories se révèle dangereux. Afin d'atténuer le radicalisme du début de cet article, dont le schématisme avait seulement pour but la clarification, une constatation s'impose : bien que ce mouvement ait pris naissance sur la côte est des Etats Unis, à l'opposé, sur la West Coast, Hampton Hawes, Carl Perkins, Phineas Newborn, Art Pepper, bousculant les étiquettes, ne sont pas les moins funky-hard boppers. Même en marge, le quintette de Thelonious Monk avec Charlie Rouse doit être cité, l'influence de Monk sur ce mouvement, bien que souterraine, apparaît chez les instrumentistes, les compositeurs arrangeurs et dans le choix du répertoire.
A partir des années 60, une nouvelle vague de hard-bopper apparaît. Ces musiciens plus malléables vont aussi assimiler les délices de la couleur modale, les délires du free jazz, voire plus tard les délits du jazz-rock, sous la houlette de quelques aînés comme John Coltrane, Charles Mingus, Sonny Rollins, Miles Davis. Ce sont Booker Little, Freddie Hubbard (trompette), Eric Dolphy, Wayne Shorter, Joe Henderson (tenor sax), Herbie Hancock, Cedar Walton (piano), Richard Davis, Reggie Workman, Ron Carter (contrebasse), Elvin Jones, Billy Higgins, Tony Williams (drums).

M. Davis : Walkin', Blue 'n Boogie (1954), Milestone (1958) ; Art Blakey : A night at Birdland 1&2 (1954), 'Moanin (1958) ; Horace Silver : Quintet, vol 1&2 (1954) ; Sonny Rollins : Saxophone Colossus (1956), A Night at the Village Vanguard (1957) ; John Coltrane : Blue Train (1957) ; Cannonball Aderley : Portrait of Cannonball (1958) ; Chalres Mingus : Mingus Ah Um (1959) ; Wes Montgomery : The Incredible guitar of W.M. (1960) ; Herbie Hancock : Takin' off (1962) ; Lee Morgan : The Sidewinder (1963).

Dictionnaire du Jazz, aux éditions Bouquins

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