Carnet de Voyage - 28.04.06, train Mulhouse-Paris

10/05/2007 23:36
1.587 lectures
Depuis une demi-heure, le train a passé la gare de Chaumont. Assis côté fenêtre, j'observe les prés, bois, champs et villages qui se succèdent dans un florilège de couleurs printanières où domine l'éclat jaune des champs de colza. Loin de susciter en moi un sentiment de monotonie, cet enchaînement allitératif de paysages me procure une profonde sérénité. L'âme apaisée, je me laisse doucement glisser à mes rêveries. Paris est encore si loin...

Après une halte de deux jours à la Capitale, je poursuivrai mon périple jusqu'en Bretagne, à St Malo. En dehors de quelques vagues connaissances scolaires et autres images d'Epinal, ce pays m'est parfaitement inconnu et pourtant je me sens attiré par cette cité millénaire qui nargue l'Océan du haut de ses tours et de ses remparts. Je m'imagine contempler l'horizon depuis ses hauteurs, puis descendre marcher au bord de l'eau, les pieds nus dans le sable et les cheveux bercés par une douce brise marine.

Ma soeur m'y rejoindra. Nous que la vie a éloigné, nous allons passer ensemble quelques jours de vacances. J'ai l'espoir de revivre des moments de complicité et de douceurs avec celle qui fut mon guide dès mon plus jeune âge, avec celle qui m'a permis de devenir l'homme que je suis. Et puis, à St Malo, je retrouverai aussi ma chère tata Yvette, la soeur de ma grand-mère paternelle, un sacré bout de femme septuagénaire. Ayant vécu une trentaine d'années à Paris, elle possède une gouaille semblable à celle de Gabin dans les films de Verneuil et Audiard. Avec elle, les discussions prennent une intensité incroyable et débouchent souvent sur de mémorables éclats de rire. Oh! que j'ai hâte d'y être !

*

Tandis que je me laisse guider par ces douces pensées, le ciel s'obscurcit. Au dehors, le bâti se fait de plus en plus dense et perd peu à peu son caractère champêtre. Des immeubles commencent à apparaître ci et là, puis, en un rien de temps, ils conquièrent l'espace. Les couleurs deviennent ternes, un linceul gris semble recouvrir les bâtiments longeant la voie ferrée, des graffitis parsèment maintenant les murs de bétons se dressant de part et d'autre du train. Avant même d'avoir le temps de m'étonner de la quantité d'immondices qui jonche le sol, me voilà plongé dans l'obscurité. Les lampes du train s'allument et diffusent une pâle lumière à l'intérieur du wagon. Je me sens oppressé.

Afin d'atténuer mon malaise, je cherche parmi les autres voyageurs un regard rassurant. Peine perdue, sous cet éclairage, un étrange clair-obscur recouvrent les visages; des zones d'ombres accentuent les traits, vieillissent les expressions et recouvrent les yeux. Tous me paraissent immobiles. Dans ce décor figé, le train continue de s'enfoncer dans l'abîme.

Soudain, un homme se lève et saisi son attaché-case. C'est le signal! d'autres voyageurs lui emboîtent le pas. Le train commence à ralentir avant de refaire surface. A la radio, une voix à peine audible annonce le terminus. A faible allure, il parcourt encore quelques centaines de mètres puis s'immobilise le long d'un immense quai. Les derniers passagers encore assis s'animent à leur tour ; la plupart pour s'étirer, d'autres pour recadrer un enfant excité par la perspective de pouvoir, enfin, se dégourdir les jambes. Me voici donc en Gare de l'Est. Je reste encore assis quelques instants, le temps que le wagon se vide, afin de reprendre mes esprits et pour préparer mon entrée dans l'arène. Une dernière hésitation, une dernière inspiration, puis, décidé, j'empoigne mes bagages et je m'élance au dehors du train. A moi Paris !

Commentaires (4)

Flux RSS 4 messages · Premier message par zottel · Dernier message par kluglicht

Commenter

Flux RSS Le stublog de kellermann : billets, photos, souvenirs, activité racingstub.com, livre d'or...
kellermann1232806812.jpg

kellermann

Voir son profil complet

Chargement... Chargement...