Mémoire de supporter

19/02/2010 10:23
3.239 lectures
Sur le même modèle que matteo ou filipe.

1989 (?). Mes parents m'ont emmené dans leurs bagages pour tenter de me faire découvrir les charmes de la Sérénissime. Le soir venu, ils me laissent seul pour partager tout de même un dîner à deux. Surprise quand ils me retrouvent à leur retour au rez-de-chaussée de l'hôtel en compagnie des propriétaires. Y a du Calcio à la télé, je trône en pyjama au milieu de l'assistance à cette heure pour le moins tardive.

24 juin 1990. A la maison, il n'y a pas d'étrange lucarne et on n'aime guère le football. Mais là, on est chez Mamie, et Tonton regarde. Je suis pour les Brésiliens, parce qu'ils ont Maradona.

Printemps 1992. Toute la ville ne parle que de ça. J'entre en contact avec ce qui va devenir ma lecture la plus régulière pour les vingt prochaines années, le deuxième cahier des Dernières Nouvelles d'Alsace. En classe, s'installe une habitude pas perdue depuis : mes moments d'ennui seront consacrés au griffonnage compulsif de compositions d'équipe. Le premier nom couché sur la feuille de match est systématiquement celui de l'arrière gauche, José Cobos.

Eté 1992. Mon séjour au Danemark se passe mieux que celui de la bande à Platini en Suède. Ferveur somme toute retenue de ces débonnaires Scandinaves, surtout heureux à la vue des cartouches de Gauloises Caporal que Maman a faites passer en douce.

30 octobre 1992. Vacances de la Toussaint. De haute lutte, j'ai obtenu qu'on trouve enfin quelqu'un pour m'emmener au stade. Ce sera le père d'une collègue de Maman. Je ne le connais pas, il me met mal à l'aise mais une image reste gravée : les lampes de mineurs des supporters lensois dans un quart de virage de la Meinau.

17 octobre 1995. Déception : il n'y a eu finalement qu'un seul ticket pour ce tant attendu Racing-Milan. Et le pire c'est qu'il va revenir à un contempteur déclaré du football : mon père, obligé à son grand dam d'honorer l'invitation obtenue auprès d'un fournisseur. En guise de compensation, un décodeur fait son apparition.

10 juin 1998. Classe de seconde dans un lycée qui sert de centre d'examen. Autant dire que les vacances déboulent vite, ce qui tombe bien car cette coupe du monde elle est pour moi. Je sais tout, j'ai tout potassé, je vais regarder tous les matches. Le Conseil de classe ne doit être qu'une formalité. J'apprends la mauvaise nouvelle au téléphone alors que Collins égalise sur penalty pour l'Ecosse. Je passerai le reste de la soirée à taper un ballon contre un mur, de rage. Le lendemain, je suis bien incapable de donner mon avis sur le très spectaculaire Maroc - Norvège.

12 juillet 1998. Pour ne pas changer, il a fallu négocier sec pour dégoter un petit téléviseur branché sur ABC en ce milieu d'après-midi. Dehors, un spectacle surréaliste : c'est Bastille Day dans ce quartier alternatif de Philadelphie, mais aucun des festivaliers ne sait que nous venons de gagner la coupe du monde.

Juin 2002. Encore une coupe du monde. Encore un contre-temps quand il s'agit de passer au niveau supérieur. A la cafet', un branchement précaire permet de capter quelques bribes de match entre les révisions de Droit communautaire.

12 avril 2003. Soudain, des dizaines de paires d'yeux sont braquées sur moi dans ce computer lab un peu sinistre d'un campus nord-américain. Je viens de hurler de joie en lisant sur internet que Patrick Proisy a revendu le club.

28 septembre 2003. Tiens, la voila qui se joint à notre petite troupe place de l'Homme de fer. Je ne savais pas qu'elle suivait le Racing. Mais, en fait, c'est peut-être autre chose qui l'intéresse, finalement ? En tous cas, le but in extremis de David Kobylik fournira un très bon prétexte pour poursuivre la soirée de façon joyeuse...

13 juin 2004. La Laiterie est surchauffée. Il m'énerve cet Anglais qui ne fait rien d'autre que chambrer en pensant qu'on ne le comprend pas. Survient Zidane. Le florilège d'insultes idiomatiques que je lui déverse alors le laisse sans voix.

Printemps 2005. On ne peut pas dire que ça aille fort en ce moment, alors on se raccroche à ce qu'on peut comme un coup d'éclat du Racing, et quelques bons souvenirs aussi. Tiens, il y a les fiches des anciens joueurs sur ce site, ça a l'air sympa.

1er juillet 2006. Il fait plus doux sur les bords du Main, au milieu duquel se trouve ce gigantesque écran. L'ambiance est meilleure également. Zidane est tellement bon que les Brésiliens ne peuvent lui en vouloir. Berlin! Berlin! Wir fahren nach Berlin!

8 mai 2009. Ca faisait un moment que l'idée me trottait dans la tête mais je n'avais pas osé l'aborder, angoissé à l'idée de lui imposer ce qui a longtemps été chez moi une passion contrariée. Mais aujourd'hui c'est son anniversaire et il a lui-même mis le sujet sur la table. Rivé sur son siège, il ne perd pas une miette de RCS-Amiens. Le match est mouvementé, l'équipe tient, le public pousse et il dévore tout ça des yeux. Un air interloqué se dessine même sur son visage quand il entend pour la première fois ce que ça fait un gros mot déclamé par des milliers de personnes. Je me surprends à ne pas vraiment suivre ce match pourtant décisif pour la montée. Comme si une boucle venait d'être bouclée.

Commentaires (15)

Flux RSS 15 messages · Premier message par zero-zero · Dernier message par roquettesyntaxe

Commenter

Flux RSS desp.jpg

strohteam Equipier matches & joueurs

Voir son profil complet

Chargement... Chargement...