Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Une rupture pas si tranquille

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Par manwithnoname
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En moins d'un mois, le Racing et ses supporters seront passés de l'euphorie née de la montée à l'incertitude qui suit le départ de Jean-Pierre Papin. Retour sur un règlement de comptes qui mine une nouvelle fois un club si enclin à l'instabilité.

A peine les lumières des festivités qui ont suivi la montée en L1 se sont éteintes que le Racing s'offre de nouveau le luxe d'étaler ses querelles intestines au grand jour, sur fond de tractations, de négociations, de confirmations, de démentis, de dénonciations, de déclarations et de contre-déclarations. Certes, personne ne se berçait d'illusion sur les relations entre le président Philippe Ginestet et son entraîneur Jean-Pierre Papin, que ce fût la difficile cohabitation entre ces deux fortes personnalités ou leur collaboration pour le bien du club tout au long de la saison, récompensée par une accession à l'étage supérieur décrochée de haute lutte au terme d'un parcours éprouvant. Mais rien ne laissait présager que leurs divergences, mises en sourdine durant plusieurs mois, reprendraient subitement le dessus au point de conduire le président à se séparer d'un entraîneur qui, pour sa première année à ce niveau, a parfaitement rempli la mission qui lui était assignée.
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Petits règlements de compte entre amis.

Tout et son contraire ont été dits sur les événements des dernières semaines : beaucoup de jugements, parfois à l'emporte-pièce, et souvent en fonction des affinités de chacun, ont été émis sur les protagonistes de cette regrettable affaire, et il est difficile de démêler le faux du vrai dans leurs déclarations, tant celles-ci ressemblent à une véritable partie de « poker menteur » où s'entrechoquent les intérêts de chacun, sans que ne soit véritablement pris en compte l'intérêt d'un club fraîchement promu en Ligue 1. Le tout assorti d'une politique de communication maladroite, voire inopportune, qui, sous couvert de déclarations apaisantes, n'a fait que mieux souligner le dissentiment entre président et entraîneur.

Que s'est-il dit exactement lors du séjour à Ibiza, lorsqu'il s'est agi, pour le président, de faire le point sur la saison écoulée avec les « hommes de la montée » ? Il est fort probable qu'on ne le sache jamais, mais il ne fait néanmoins nul doute que c'est lors de ces entrevues et, plus généralement, en raison du désir de Ginestet d'établir un bilan général des performances de chacun, l'entraîneur et son staff y compris, qu'a éclaté la divergence de vues entre les deux hommes forts du Racing sur l'avenir du club.

Plusieurs points de désaccord, réels ou supposés, semblent avoir en effet cristallisé la mésentente entre les deux hommes : que ce soit le sort à réserver à un proche de Papin, l'entraîneur-adjoint Sébastien Migné, jugé trop inexpérimenté par Ginestet, la question du recrutement (aussi bien la place de la cellule de recrutement que l'enveloppe qui y est allouée), l'objectif sportif pour la prochaine saison (maintien confortable ou places européennes ?), la communication du staff avec le reste du club ou le niveau de jeu de l'équipe strasbourgeoise sous l'ère Papin, toutes ces questions demandaient, dans l'esprit du président, à être réglées pour assurer le maintien de l'entraîneur à la tête de l'équipe.

De son côté, JPP adopte dès le début une ligne de conduite dont il ne se départira plus : ne cessant de déplorer que ses résultats ne lui garantissent pas davantage de confiance de la part de son président (« aujourd'hui, on me taxe de tous les maux et je suis la cible de toutes les critiques. C'est dur à encaisser. Je me demande quel crime j'ai bien pu commettre pour mériter ça. A mes yeux, un entraîneur qui réussit sa mission a raison. Il faut croire que non »), il assure que, si rupture il doit y avoir, elle ne sera jamais de son propre fait. Mais sa position est, dorénavant, clairement fragilisée : en témoignent les déclarations violentes et amères de Jean-Christophe Devaux sur son entraîneur (« tactiquement, JPP n'a rien apporté, on n'a pas de fonds de jeu ») et sa gestion jugée désastreuse de l'effectif. Des critiques d'autant plus blessantes pour l'orgueil de l'ancien Ballon d'Or qu'elles viennent de l'intérieur du club, quand il pensait pouvoir se prévaloir d'avoir réussi son pari et d'avoir insufflé une envie et un mental comme cette équipe n'en avait pas connus depuis longtemps.


« Faites entrer les accusés »

Jusque là, la décision soudaine, brutale, de Philippe Ginestet de remettre en question l'aptitude de son entraîneur à diriger le Racing avait pu déconcerter, voire apparaître critiquable, tant il semblait évident, aux yeux des supporters, que JPP se devait de poursuivre sous les couleurs du club alsacien. De fait, si la nécessité d'un bilan pouvait se faire sentir au vu de la gestion humaine déficiente et des carences affichées par l'équipe dans le jeu, le président prenait sciemment un risque, celui de se couper d'un entraîneur avec lequel il avait entamé le processus de reconstruction qui devait, à terme, consolider la place du Racing en Ligue 1. Il semble en tout cas que cette initiative ait suffisamment perturbé Jean-Pierre Papin pour qu'il juge opportun de manifester ses velléités de départ, au cas où il serait démis de ses fonctions. Et il est probable qu'à un moment ou à un autre, il ait cru que sa cause était entendue.

Cela expliquerait peut-être le ballet étrange auquel se sont livrés nos deux « antihéros ». Le 31 mai, au terme d'une semaine de négociations tendues, et au prix de concessions réciproques, les deux hommes convenaient d'aplanir leur différend et de repartir de concert pour une nouvelle année. Cette confirmation semblait d'autant plus marquer l'épilogue de l'histoire que le dénouement s'avérait finalement plutôt favorable à JPP, qui obtenait de son président la mise à l'écart des éléments les plus hostiles (Khirat, Thiry) et une confiance renouvelée. Le 2 juin, ce fragile consensus vole en éclat quand il est fait état par la presse d'une entrevue datant de la veille entre un haut responsable lensois, alors en quête d'un nouvel entraîneur, et Jean-Pierre Papin. C'en est trop pour le président Ginestet dont la réaction ne se fait pas attendre : signifiant à JPP que les conditions ne sont plus réunies pour qu'une collaboration sereine et constructive se poursuive, il décide de le remplacer par l'ex-entraîneur de Troyes, Jean-Marc Furlan (NDLR : l'officialisation de l'arrivée de Furlan devrait intervenir rapidement).

En soi, il importerait peu que Papin se soit cru, de bonne foi ou non, menacé d'éviction, puisqu'il n'était plus possible de revenir sur ce qui a été vécu par le club comme une véritable trahison de sa part. En se laissant courtiser par certains clubs de L1, voire en leur offrant ses services, JPP semblait alors donner raison à la défiance présidentielle et justifier la séparation qui n'allait pas tarder à suivre.

Mais c'est alors que, désireux de se justifier, Papin pointe du doigt la responsabilité du coordinateur sportif du Racing, Fehrat Khirat, dans cette affaire, accusé d'avoir monté une cabale pour obtenir la tête de l'entraîneur. C'est cette fois au tour de cet « homme de l'ombre », soupçonné, par certains, d'être l'éminence grise du président, d'endosser, dans cette histoire de règlements de compte interne, le costume peu reluisant du grand méchant, du fauteur de troubles, de « celui qui a eu la peau de JPP ». Il n'en reste pas moins que, quelle que soit la part de responsabilité de chacun, un mois aura suffi pour que les vieilles querelles intestines refassent surface, que la belle solidarité de façade tombe, que les sourires de composition s'effacent, que l'euphorie née de la performance collective s'estompe, et que le club alsacien retrouve ainsi une morosité à laquelle il s'est malheureusement bien trop accoutumé ces dernières années.


Le poids des mots, le choc des égos

Le Racing pouvait-il faire l'économie d'une telle crise ? Dans ces entrelacs de déclarations et d'accusations, il est bien difficile pour l'observateur extérieur et objectif de s'y retrouver. Néanmoins, il est évident que les secousses récentes sont la preuve que l'alliage Papin/Ginestet ne pouvait perdurer que le temps d'atteindre l'objectif qu'ils s'étaient fixé, et non, malheureusement, sur le moyen ou sur le long terme. Le deal à l'origine de cette association était de faire remonter le club en L1, si possible en un an, et, en cas de succès, de prolonger éventuellement l'aventure.
Si l'expérience a été concluante sur le plan sportif et si Papin restera, ne serait-ce que pour ce fait d'armes, dans l'histoire du club, la saison, éprouvante, a laissé apparaître toutes sortes de limites et de dysfonctionnements, notamment sur le plan de la gestion du groupe. Un président aussi ambitieux que Ginestet ne pouvait que craindre que lesdits problèmes ne perdurent encore s'ils n'étaient pas réglés, quitte à brider davantage pour cela la liberté d'action de son entraîneur. Celui-ci se rendant compte qu'il n'aurait pas les mains libres, ni les moyens, notamment en terme de transfert, pour faire autre chose qu'une mission de maintien, a pu juger bon de postuler ailleurs et certainement a-t-il été déstabilisé par les critiques dont il a été l'objet.

Ce conflit apparaît donc clairement comme une rupture de confiance entre deux personnalités défendant des intérêts foncièrement différents. Papin n'a pas d'attaches profondes avec le club et il a une carrière à gérer, d'où ses prises de contact avec des clubs rivaux. Ginestet, lui, est un président-gestionnaire, mais aussi un président-supporter. Il veut un grand club à sa façon, à son image et il cherche un entraîneur capable de relayer son discours et de partager sa façon de voir. Constatant que Papin ne serait pas l'homme de la situation, il s'est donc tourné vers d'autres solutions.

Il n'est donc guère excessif de dire que la séparation, telle qu'elle s'est produite, était fatale dès le début. Restait à savoir si elle devait intervenir aujourd'hui ou à la fin du contrat de JPP. Dès lors qu'il y avait rupture de confiance, le conflit était inévitable, tout comme était inévitable le divorce qui s'en est ensuivi. Pas sûr, cependant, que le Racing en sorte gagnant au bout du compte.

manwithnoname

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