Blur vs Oasis

19/08/2009 16:44
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Lu dans Rock&Folk d'août 2009, suite à la parution de l'anthologie Midlife – A Beginner's Guide To Blur :

« La compilation est un bon test. Ici, sur 2 CD, les Blur résistent mille fois mieux qu'Oasis sur un simple. Parce qu'il y avait chez Blur beaucoup de choses. [...] Rien à dire : Albarn est agaçant, mais son groupe assurait méchamment. Avec, en plus d'un songwriting d'exception, un guitariste génial, un bassiste sinueux et groovy et enfin, une faculté à aller de l'avant faisant d'eux les seuls véritables aventuriers de l'aventure (sic) britpop. Ces vingt-cinq morceaux sont sans appel : il y a ici du génie. »

Il est bon, parfois, de reconsidérer l'histoire (la petite, celle de la pop music) avec le recul qu'apportent les années.

Rappelez-vous, nous sommes en 1995 et c'est le choc des Titans : les deux prétendants au titre de meilleur groupe de pop anglais (donc du monde) s'affrontent dans un combat homérique. A ma gauche, Oasis et ses frangins teigneux fans de City. A ma droite, les Blur de Damon Albarn et son maillot de Chelsea.

On sait ce qu'il advint de cette bataille médiatique pendant laquelle il fut hélas plus question de coups bas et de déclaration fracassantes que de musique : Oasis et son album mastodonte de boogie-woogie sans nuance (What's The Story) Morning Glory, mené par une tripotée d'excellents single (le rouleau compresseur Wonderwall, désormais usé jusqu'à la corde, le magnifique Don't Look Back In Anger et mon préféré, le lumineux Some Might Say) infligent un K.O. sans appel à Blur, et font du petit bois avec The Great Escape, le disque de leurs concurrents. Les gouapes à sourcil ont gagné, faites circuler le guitariste à lunettes et les polos Fred Perry, y a rien à voir.

L'histoire aurait pu en rester là, figeant pour l'éternité l'image honteuse des losers de Blur, battus à plates coutures par les petites frappes mancuniennes.

Et pourtant, l'écoute de la compilation Midlife – A Beginner's Guide To Blur est un véritable enchantement. Il est clair que ce groupe est bien meilleur qu'Oasis. Au final, qu'auront fait les Gallagher Bros ? En dehors d'un album brillantissime, véritable best-of à lui tout seul et matrice du son Oasis (Definitely Maybe) et d'une poignée de single de ci, de là (Whatever, Some Might Say), rien.
Blur, c'est six albums (sept si l'on compte le Think Tank de 2003 – mais un disque sans Graham Coxon peut-il être sérieusement considéré comme une album de Blur ?) : deux premiers albums tête à claques mais prometteurs (Leisure et Modern Life Is Rubbish), un album canon (Parklife) menant au sommet de The Great Escape, et enfin deux albums avec de grands moments mais globalement mal maîtrisés (Blur et 13), témoins d'un groupe sonné par la claque Oasis et se cherchant à tâtons une voie nouvelle.

Le double album, joliment intitulé, ne se veut pas un nouveau best-of (déjà fait pour Blur) mais un véritable catalogue de l'oeuvre du groupe. On y retrouve la plupart des hits du quator de l'Essex, même si certains ont été écartés (where the fuck is that country house ? at the end of the century ?). Le choix des titres est impeccable (si, si), même si on peut faire la fine bouche sur certains choix (par exemple la présence du dispensable Song 2, exercice de style puéril, plutôt que le bien plus délicat Best Days de l'album précédent, ou celle de Bugman, alors que 13 fourmillait de propositions post-rock peut-être plus intéressantes).
On se surprend toujours à vouloir sautiller sur les faussement basiques premiers singles (Popscene, Chemical World), She's So High est toujours une putain de pop song, He Thought Of Cars, bowiesque en diable, reste le diamant de The Great Escape, la basse de Girls&Boys le fait toujours, les classiques mid-tempo dévoilent leurs arrangements splendides (This Is A Low, The Universal, Badhead – une belle redécouverte), la nuit est tendre loin des Stereotypes et tout le toutim, sans oublier la chanson à boire Parklife.

Alors, si les vrais albums séminaux de la période britpop sont à chercher ailleurs (le carré magique Bends/Computer/Kid/Amnesiac bien sûr, mais aussi l'extraordinaire This Is Hardcore de Pulp), Blur compte parmi les formations majeures des nineties. Il fallait que cette justice lui soit rendue, et c'est le cas avec cette anthologie, hautement recommandable donc.


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Commentaires (10)

Flux RSS 10 messages · Premier message par guigues · Dernier message par matteo

  • ça m'a presque donner envie d'acheter un CD ... mais bon faut déconner je le téléchargerais via hadopi.net
  • Damon Albarn est riche, tu peux même télécharger les 2.

    Et merci pour ta contribution (+)
  • Si tu veux comparer ce qui est comparable tu es obligé de noter qu'Oasis a délibérément planté son greatest hits pour boucler son contrat avec Sony, Noel Gallagher étant notoirement anti-compilations.

    Ensuite, Oasis groupe à single c'est caricatural, surtout par rapport à Blur. En 1994-1995 le groupe à tube c'était Blur, et franchement il y a des chansons sur leurs premiers albums et des faces B qui sont notoirement baclées. Par ex. One born every minute ( Face B country house) où tu entends distinctement un micro tomber pendant la prise. A côté de ça, tu as Noel Gallagher qui signe des faces B magnifiques et notoirement sous-estimées : The Masterplan, Half the World Away, Stay Young... Sans oublier des super chansons d'album comme Bring it on down, Slide Away, Morning Glory, Gas Panic...

    Après, sur le constat qui veut que Blur a su évoluer vers de nouveaux horizons alors qu'Oasis restait engoncé dans son retro-rock, je suis d'accord. Sauf qu'en 2008-9 Blur s'est contenté d'une compilation et d'une tournée nostalgie alors qu'Oasis sortait un nouvel album - enfin ! - un peu original et s'en est allé tourner de part le monde avec ses nouvelles chansons.

    Donc voilà, je sais qu'il est de bon ton en ce moment de trouver qu'il faut "rendre justice" à Blur... Personnellement j'adore les deux groupes mais je ne peux m'empêcher de penser que la cote supérieure dont jouit Blur dans les médias un tantinet haut de gamme et auprès de leurs lecteurs (notamment en France) s'explique avant tout par le cynisme d'Albarn ou Alex James alors que dans le même temps l'image désastreuse d'Oasis s'explique par une maladresse qui est en fait de la sincérité (et oui!).
  • Merci de ta contribution.

    Je n'ai pas dit qu'Oasis était un groupe à singles, du moins pas plus que Blur. Mon propos était d'expliquer l'écrasant succès de Morning Glory sur The Great Escape par la qualité de ses singles. Oasis a sorti l'artillerie lourde avec Wonderwall (un tube planétaire, désormais la chanson fétiche des chanteurs de rue de Reykjavik à Kaboul), Don't Look Back In Anger et Champagne Supernova – titres qui ne reflétaient pas le véritable niveau de l'album, bon sans plus. En face, difficile de trouver un single évident en dehors de Country House et Charmless Man, sur un CD plus cohérent qui s'approche presque du concept-album (dire qu'un titre comme Stereotypes a été un single). Cela dit, Country House avait laminé Roll With It (plutôt faiblard), mais les Gallagbros en avaient gardé sous le coude.

    La compile d'Oasis rassemble l'essentiel (les tubes de Definitely et de Morning Glory – sauf Shakermaker et Roll With It, allez savoir pourquoi), donc pas de faute de goût flagrante. Comme dit, un best of d'Oasis aurait pu se limiter à la quasi-intégralité de Definitely et à 4-5 morceaux de Morning Glory. Et les morceaux « non connus » de leurs albums n'atteignent pas la qualité de ceux de Blur (difficile d'imaginer un Beginner's Guide To Oasis vraiment original, par exemple).

    Je partage ton avis sur la qualité des B-sides d'Oasis – au moins pour ce qui concerne les singles de Definitely Maybe : Take Me Away, I Will Believe, Cloudburst, Acquiese, la reprise de Walrus, tout ça c'est du lourd – bien meilleur que leurs titres récents. Pour être honnête, je ne me suis jamais intéressé aux faces B de Blur.

    Concernant l'évolution de Blur, je trouve au contraire qu'elle n'a pas été une franche réussite : le groupe n'a jamais été meilleur que sur ses albums typically british (Parklife/Escape) alors que « Blur » et « 13 », censés lancer le groupe sur de nouvelles voies, sont plutôt mitigés. « Think Tank » est honnêtement assez réussi, mais son style pseudo-world music n'est pas ma tasse de thé.

    Oasis, malheureusement, après des débuts fracassants (un premier album immense et un second plutôt bon), est devenu sa propre caricature et ses chansons à la Status Quo de balloche n'ont aucun intérêt. Sauf immense surprise, il n'y a plus rien à attendre de ce groupe.

    Blur jouit peut-être d'une cote supérieure dans certains medias « haut de gamme » (et encore, pas tous) mais en termes de notoriété grand public, Oasis écrase Blur (qui ?). A la manière de XTC ou de Jam, autres formations injustement délaissées, Blur s'est évertué à faire dans la pop typiquement anglo-centrée, alors qu'Oasis a d'emblée opté pour un son rock plus mainstream susceptible de le porter sur la scène internationale (ce n'est pas une critique, mais un constat). N'oublions pas non plus que les premiers albums de Blur ont été descendus par de nombreux journaux à leur sortie sur le thème de « trop arrogants – aucun talent », la presse tournant casaque à partir de Parklife. Cela dit, il est vrai que le succès des deux groupes en UK a été immense (avec un avantage à Oasis tout de même). A l'export, y a même pas photo.

    Oasis a effectivement le mérite de l'authenticité. Ce qui ne fait pas automatiquement d'eux des génies. Il y a eu du cynisme chez Blur, mais le groupe a eu l'honnêteté de se séparer de Graham Coxon quand ça ne collait plus.

    Pour tout dire, ça faisait un moment que je n'avais plus écouté de disques de Blur lorsque que je suis tombé sur cette anthologie. Je pensais que ça aurait terriblement vieilli, mais au contraire, ça m'a donné envie de ressortir mes vieux CD et l'évidence est là : Parklife et surtout The Great Escape sont des disques immenses.

    Désolé pour le pavé.
  • RIP Mickael Jackson
  • Merci pour ta contribution (+)
  • Si à mes yeux il n'y a jamais eu photo entre les deux formations (j'ai jamais trop supporté les guitares lourdingues et la tête à claque des Gallagher), là où Blur écrase Oasis, c'est certainement au niveau des textes. Albarn a un réel talent pour l'écriture -surtout quand il s'agit de décrire les 90's en Angleterre, alors que les textes des mancuniens sont dans leur majorité totalement insipides.

    Je trouve que tu ne rends pas justice à 'Modern life is rubbish' que je trouve excellentissime. Pour 'Blur' et '13', ils m'ont laissé pantois ; je n'ai pas souvenir d'un groupe qui a connu une évolution de ce genre avec autant de maîtrise et de réussite. Enfin, ce sont peut-être les souvenirs de mon adolescence qui brouillent ma vision.
  • Tout à fait, niveau écriture, Gallagher est à Albarn ce que Marc Lévy est à Balzac (knocking down Prozac). Blur s'inscrit clairement dans la lignée des Kinks, chroniqueurs doux-amers du quotidien briton.

    Et puis, Oasis n'a jamais eu le bon goût de se produire au Palais des Fêtes, donc y a pas photo :)

    Modern Life est pas mal, mieux que Leisure, mais moins bon que Parklife ou Escape (selon moi).
    Quant à Blur et 13, il faudrait que je les réécoute pour trancher, mais ils m'avaient parus à l'époque assez inégaux.
  • C'est marrant, en ce moment j'écoute pas mal du Blur et du Oasis justement! :))

    En 1995, j'étais beaucoup plus Oasiste mais à la réecoute, j'ai comme l'impression que Blur a beaucoup mieux vieillit, car effectivement beaucoup plus varié.

    Content que tu considères "Some Might Say" comme la meilleure d'Oasis.
  • Eh oui, c'est le revival nineties : Blur, Schilles... :)

    Je trouve que "Some Might Say" est la meilleure de "Morning Glory". Sur "Definitely Maybe" il y a bien plus fort je trouve.

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