Oser lutter...

17/03/2006 13:03
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Que des villas "futuristes" surgissent de la terre aride, que des voitures rutilantes dament le macadam, que les deniers publics soient pillés, que le patrimoine national soit bradé, que l'impunité ait pignon sur rue, "moi ça m'en fout" comme le dit la chanson populaire !

paru dans le Bendré, hebdomadaire d'information et de réflexion burkinabè, le 16.12.2002
Oser lutter - 16 décembre 2002


Que des villas "futuristes" surgissent de la terre aride, que des voitures rutilantes dament le macadam, que les deniers publics soient pillés, que le patrimoine national soit bradé, que l'impunité ait pignon sur rue, "moi ça m'en fout" comme le dit la chanson populaire !

Telle est la triste réalité de ce pays en ce qui concerne l'attitude de bon nombre de ses fils. Ainsi, nous concevons sans état d'âme particulier que ceux qui gèrent le pays se permettent tout, en toute quiétude. Nous trouvons normale la gestion anormale des richesses nationales. Et pourtant, chacun de son côté se plaint d'une misère que tous nous contribuons à créer et à entretenir. Tous, nous sommes responsables de notre misère. Si individuellement chacun trouve que "ça ne va pas" ou "ce n'est pas sérieux" la façon dont la nation est gérée, collectivement nous sommes tous complices de cette mauvaise gestion. Le silence nous rend coupables. Car "la liberté politique commence quand, dans la majorité du peuple, l'individu se sent responsable de la politique de la collectivité à laquelle il appartient ". La responsabilité est le garant de la liberté politique. La fuir pour prétendre à un lendemain meilleur, sans servitude, est une grande illusion.

Lorsque "bouche cousue", la queue entre les jambes, nous laissons confisquer notre liberté par des lois libericides, nous sommes conscients des dangers de notre inertie. Tacitement, nous donnons notre accord à la consécration d'une monocratie qui aura raison et de nous, et de notre postérité. En troupeau soumis, bêlant, nous nous laissons entraîner dans ce voyage infernal. Nous osons endosser cette responsabilité historique d'une servitude quasi volontaire.

C'est déplorable.

Les ressources nationales sont pillées, saccagées sous nos yeux, comme si nous étions la dernière génération à vivre sur la terre du Burkina Faso. Comme si juste après nous, s'abattrait un gros déluge. Nous prenons également sur notre dos, la responsabilité de ce massacre, de ce complot.

C'est inimaginable.

Que laisserons-nous aux futures générations ? La question ne se pose pas. Certains pillent, d'autres regardent. Et "il n'y a rien au village ". Parler d'un développement humain durable dans ce climat paraît saugrenu. Le présent déjà préoccupe si peu. Il faut avoir le courage de le dire : nous avons fortement contribué à instaurer les moeurs de la IVè République. Ainsi trouvons-nous normal, dans nos activités quotidiennes, de corrompre un agent de l'État avant d'obtenir ses services. Nous avons toléré la corruption et les basses compromissions comme des fatalités et des facilités. Aujourd'hui qu'elles rongent de toutes parts la société entière, il s'agit de faire avec. Toujours dans l'élan individualiste, dans l'égoïsme le plus abject, nous avons soutenu le favoritisme et le népotisme. Quand on a "un bras long", inutile de suivre la légalité. Nous avons aidé la IVè République à en faire la base de la promotion sociale. En somme, le pourrissement du système politique, la dépravation des moeurs, portent une part de notre responsabilité. Nous avons regardé la morale aller à l'agonie, sans tenter de la sauver. A qui la faute si la survie devient de plus en plus précaire ? Nous avons failli à nos devoirs et nous continuons de nous désintéresser de nos responsabilités.

Aucune bonne volonté, aucune providence ne nous donnera ce que nous n'aurions pas conquis de nous-mêmes. La liberté, le bien-être, nous devons collectivement nous battre pour qu'ils soient des réalités. Aucun régime politique ne dispose d'assez de bonne volonté pour construire le bonheur du peuple tant que le peuple lui-même ne l'a pas exigé et ne devienne protagoniste de sa propre histoire.

Bendré

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