Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Kaiser Sauzée

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Par kitl
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Sauzée va au pressing © marco

Franck Sauzée fête aujourd’hui ses 51 ans – un anniversaire qu’on imagine bien arrosé à Marseille. Reconnu parmi les meilleurs joueurs français de sa génération, il a porté les couleurs sochaliennes et strasbourgeoises, mais c’est ailleurs qu’il donna la pleine mesure de son talent.

Se souvenir du vieux Bonal, de sa piste d’athlétisme décatie et ceinturée de grillage, de sa vétuste tribune d’honneur de laquelle on ne peut manquer le grand panneau Peugeot en face. Sochaux, pionnier dans la formation, révèle Genghini, Stopyra, Anziani, puis leurs successeurs Paille, Rousset, Silvestre… autant d’internationaux français. Les choses ont un peu changé, mais le FCSM a conservé une belle avance chez les jeunes, capables de remporter la Gambardella en 2015.

Revoir ce maillot Tourtel bleu ou blanc, ses petits motifs en losange qu’on retrouvait en même temps sur la tenue de l’Equipe de France de l’intérimaire Jacquet. Un Racing ambitieux, comme à chaque intersaison en somme, mais qui avait les moyens d’assumer financièrement un discours prometteur et de recruter en conséquence. A Strasbourg aussi, les choses ont un peu changé.
Point commun à ces deux évocations, un blond costaud au menton prognathe et à la frappe de balle herculéenne.

Des buts et débuts sochaliens


Franck Sauzée arrive à Sochaux au début des années 1980, en provenance de sa vallée du Rhône natale. Pierre Mosca le lance à 17 ans à Rouen (défaite 0-1 sur un but de Didier Monczuk). Dépossédé de Yannick Stopyra, le FCSM aligne des garçons à peine majeurs : Laurent Croci, Jacky Colin, Jean-Christophe Thomas ou Stéphane Paille. Sauzée fait rapidement apprécier sa polyvalence : habituel milieu de terrain, il dépanne au poste de libéro en absence du titulaire Bonnevay.

Pour sa deuxième saison comme professionnel, il est déjà titulaire incontestable (37 matchs, 8 buts). La suivante est plus délicate, il manque deux mois de compétition et les Lionceaux doivent attendre la dernière journée pour assurer leur maintien. Avec 4 buts sur les 7 derniers matchs de la saison, Sauzée joue un rôle prépondérant dans ce sauvetage. Mais la corde retenant Sochaux en première division finit par casser au printemps 1987, en barrages face à l’AS Cannes (1-0, 0-2) en dépit d’un but de Sauzée à Bonal.

Après l’échec du recrutement danois, les Franc-Comtois rejouent la carte yougoslave qui avait déjà fonctionné par le passé : Silvester Takac retrouve le banc et recrute le libéro Hadzibegic et le numéro 10 Bazdarevic. A cette époque, les clubs relégués ne sont pas dans l’obligation de se séparer de leurs éléments les plus prometteurs, si bien que tous les espoirs cités plus haut restent à Sochaux.

1988, confirmation


Sochaux survole en effet le groupe A de D2, remportant 29 de ses 34 matchs, dont un retentissant succès à Gerland 7-1 en début de saison. Reconnue comme l’une des plus belles équipes de l’histoire de la deuxième division, la formation doubiste ajoute à ce récital des performances de choix en Coupe de France 1988, qu’ils achèvent au Parc des Princes face à Metz. Les Lorrains s’imposeront aux tirs au but, Michel Ettorre détournant la dernière tentative signée Madar. Le FC Metz est donc le premier vainqueur du trophée à n’avoir battu que des équipes de rang inférieur ; dommage pour Sochaux, tombeur du PSG, de Montpellier, Lens puis Nice, autant de clubs de D1.

Deux têtes ressortent de l’ensemble bâti par Takac : Stéphane Paille, avant-centre opportuniste, auteur de 18 réalisations en D2 et du but sochalien en finale de Coupe, et Sauzée, sorte de milieu box-to-box avant l’heure, capable d’initier et de conclure les actions, faisant admirer sa science du placement et sa lecture de jeu. Cette saison, il atteint le total faramineux de 25 buts en club, sans compter la sélection, le plus souvent selon le même mode opératoire : une grosse mine surpuissante.

Si Paille a déjà eu sa chance en Equipe de France au sortir du Mundial 86, Franck Sauzée doit se résigner à patienter avec les Espoirs. Henri Michel lui préfère les oubliables Poullain et Despeyroux. Aux côtés de Laurent Blanc, Alain Roche et Jean-Luc Dogon, Sauzée prend part au marathon de l’Euro Espoirs 1988, compétition sans phase finale prenant la forme de rencontres aller-retour.
Le 12 octobre 1988, Besançon accueille le match retour de la finale contre la Grèce. Après un 0-0 à l’aller, les hommes de Marc Bourrier ne font qu’une bouchée des Hellènes : 3-0, deux frappes des 20 mètres de Sauzée et une tête de Silvestre pour conclure. Trois buts estampillés FCSM, les 22 000 spectateurs sont aux anges et le foot français se prend à rêver d’une nouvelle génération triomphante.

Dix jours plus tard, Sauzée est à Chypre avec les « grands » Bleus, ayant notamment pour nom Dib, Sonor et Xuereb. Pour sa troisième sélection, il coule avec les autres, incapables l’emporter à Nicosie. Ce match nul sera fatal à Henri Michel et à quelques joueurs. Mais Sauzée rebondira dès le match suivant, à Belgrade pour la première de Platini sélectionneur.

Convoité en 1985 par Auxerre (« Trop cher » avait répondu Guy Roux), notre numéro 8 a finalement franchi le pas à l’été 1988 et rejoint l’Olympique de Marseille. Après deux ans de gestion sans trophée, l’impatient Bernard Tapie n’en peut plus d’attendre. Les deux premiers matchs de la saison sont fatals à Gérard Banide, éjecté au profit de Gérard Gili. Trimballé aux postes de libéro ou de numéro 6, rincé par la campagne des Espoirs, Sauzée rayonne moins qu’à Sochaux mais retrouve comme souvent l’intégralité de ses moyens au printemps.
Cette saison se résume à un mano à mano entre l’OM et le PSG, point de départ d’une rivalité fictive. Les rivaux s’affrontent au Vélodrome pour la 35ème journée : Paris compte un point d’avance, tient le match nul jusqu’à la 90ème minute et un coup de canon des 25 mètres signé Sauzée. L’euphorie marseillaise se poursuivra jusqu’au doublé Coupe-championnat, comme dix-sept ans auparavant, date des derniers trophées du club obtenus avec un Alsacien myope sur le flanc droit.

Sauzée Joséphine


S’il enrichit son palmarès, Franck Sauzée n’atteint pas le nirvana sur le terrain à l’OM. En 1989/90, Gili le confirme – confine ? – au poste de libéro, encadré par les arrivants Mozer et Roche. Est-ce pour oublier cette relégation loin des cages adverses qu’il se jette dans les bras de l’épouse de son capitaine ? Toujours est-il que Sauzée est discrètement exfiltré à l’été 1990 vers la Principauté, la presse accréditant la thèse d’un transfert aux considérations purement sportives.

A Monaco, Sauzée remporte une nouvelle Coupe de France (contre Marseille), puis retourne sur la Canebière au bout d’un an – volonté présidentielle d’affaiblir un challenger ? Fin de l’exil en prêt ? Difficile à dire 25 ans après… Durant cette saison à l’ombre, il devient en tout cas incontournable en Equipe de France, gagnant même ses galons de vice-capitaine et prenant part au début d’éliminatoires plus que probant des Tricolores. A son actif, une volée en Hongrie, un coup-franc contre l’Albanie dès la 34ème seconde à la trajectoire inimitable, droite comme un i, dans la lucarne d’un gardien médusé. Mais également un coup-franc à la trajectoire plus ondulée en Pologne.

Laurent Blanc replacé au centre de la défense, Michel Platini installe Sauzée au milieu de terrain, aux côtés de Didier Deschamps. Hélas, il n’arrive pas en Suède dans les meilleures dispositions. Blessé en octobre-novembre, Sauzée n’a disputé que 22 matchs de championnat sans pouvoir se dégourdir les jambes en Coupe d’Europe, l’OM ayant disparu dès l’automne. A nouveau blessé en février-mars, Sauzée revient petit à petit mais l’équipe qui avait survolé les qualifications, devançant des cadors comme la Tchécoslovaquie ou l’Espagne, est méconnaissable au début de l’année 1993.
L’Euro suédois sera du même tonneau. Aligné d’entrée contre la Suède, Franck Sauzée sort sur blessure à la mi-temps contre l’Angleterre. Il verra du banc la défaite fatale contre le Danemark.

A jamais parmi les premiers


Après une saison de remise en route marseillaise gâchée par les blessures et achevé sur un fiasco suédois, Franck Sauzée retrouve véritablement des couleurs au départ de JPP en 1992. Il est enfin aligné plus haut sur le terrain, protégé par Didier Deschamps comme en sélection.
Sauzée signe une saison accomplie, achevée sur le toit de l’Europe. 12 buts en championnat, 6 en C1, 6 succès consécutifs avec les Bleus de Gérard Houllier lancés vers les USA. Contacté avant la finale de Munich par l’Atalanta Bergame, il choisit de découvrir la Serie A, championnat incontestablement le plus dense et le plus relevé au monde.

Depuis sa retraite lombarde, le numéro 8 assiste aux développements toujours plus scabreux de l’affaire VA-OM. Ses débuts en Italie sont délicats, l’équipe ayant du mal à digérer le départ de son entraîneur Marcello Lippi, qui avait conduit l’Atalanta aux portes de la Coupe d’Europe (8ème en 1992/93). Ses successeurs Guidolin puis Prandelli sont encore tendres.
Heureusement Sauzée trouve du réconfort en équipe nationale : il ouvre le score à Caen contre la Russie, puis à Solna d’une « spéciale » des 20 mètres. C’est encore lui qui permet à la France d’égaliser contre Israël en octobre.

Débutée dans l’euphorie en Bavière, que les révélations de VA-OM auront fini par ternir, l’année 1993 tourne à la catastrophe nationale contre la Bulgarie. Remplacé à l’heure de jeu par Vincent Guérin, Franck Sauzée est anéanti. Comme Papin et Blanc, il annonce dans la foulée sa retraite internationale. Il sera le seul à rester sur sa position : son compteur restera bloqué à 39 sélections pour 9 buts. Au surplus, son expérience italienne tourne au fiasco, Bergame étant rapidement condamné à la relégation et Sauzée enchaînant les pépins physiques.

C’est donc un joueur quasiment traumatisé que le nouveau président du RC Strasbourg, Roland Weller, convainc de signer en Alsace à l’été 1994. N’ayant pu s’accorder avec Gilbert Gress, Weller opte pour un entraîneur réputé plus accommodant avec son effectif : Daniel Jeandupeux. Ce dernier retrouve son ancien attaquant à Caen, Xavier Gravelaine, puis attire le génial Russe Alexander Mostovoï à la fin du mois d’août. Ainsi renforcée, l’ossature façonnée depuis 1991 par Gress peut donner de beaux fruits.

Au Racing, un goût d’inachevé


La saison 1994/95 démarre bien : le RCS pointe à la troisième place du classement après 14 journées et un succès probant devant Monaco. Hélas, peu à peu, la cohésion s’effrite au sein de l’équipe. En bon Helvète, Jeandupeux choisit la neutralité mais son management décrispé passe pour du laxisme. Des clans minent l’équipe et Sauzée n’est pas le moins concerné dans ces affaires : il a en effet la bonne idée de fricoter avec la femme de son partenaire en défense centrale, Frank Leboeuf. La rumeur l’envoie même cocufiant son entraîneur…

Autant son style de management que ses résultats (un seul succès en championnat entre la fin novembre et le mois de mars) conduisent Weller à se séparer de Jeandupeux. La qualification pour les demi-finales de Coupe de France, acquise après prolongation contre le rival girondin, n’aura pas suffi à le sauver. A nouveau victime de sa polyvalence, Sauzée dépanne souvent en défense centrale en l’absence de Djetou et Régis. Il marque certes son quota de buts mais peine à retrouver son niveau d’antan. Il apparaît moins régulier, moins constant, à l’image de ses talentueux partenaires Gravelaine (à l’instabilité légendaire) et surtout Mostovoï.

Alléchée par l’odeur des grands matchs, et requinquée par l’arrivée de Jacky Duguépéroux, l’équipe réalise un enchaînement de toute beauté en avril 1995 : qualification homérique en finale de Coupe – la quatrième pour Sauzée, avec quatre clubs différents – face à Metz, puis succès contre le leader nantais, invaincu jusqu’alors. La fin de saison sera entièrement tournée vers le Parc des Princes, pour une issue douloureuse.

A peine remis de ce printemps riche en émotions, Strasbourg se lance à corps perdu dans la première coupe Intertoto de l’histoire. Dès le mois de juillet, le Racing affronte des adversaires pittoresques comme Genclerbirligi ou Steyr, se rend à Malte ou effectue un déplacement moins exotique à Saint-Symphorien.
Cet été marque la renaissance de Franck Sauzée, auteur de six buts en cinq matchs dont une mine des 30 mètres imparable pour Jacques Songo’o. Strasbourg s’invite à la tablée européenne, après quinze ans de jeûne. Le parcours s’arrêtera à San Siro, chez un Milan AC certes déclinant mais richement armé : Baresi, Maldini, Desailly, Baggio… D’un coup-franc de mammouth, Sauzée entretint l’espoir côté alsacien, en vain.

L’élimination de la Coupe UEFA sera difficile à évacuer pour une équipe en définitive éparpillée façon puzzle à l’intersaison suivante. A 30 ans à peine, Sauzée vit ses derniers instants au très haut niveau. Son séjour strasbourgeois prend fin après deux saisons mitigées, tant individuellement que collectivement. Demeure un sentiment d’inachevé, l’impression d’une équipe choisissant ses matchs, en grosse difficulté loin de ses bases, pouvant rivaliser avec les cadors comme perdre à Perpignan ou Nîmes en Coupe… Mais également le souvenir d’un joueur de grande classe, fait pour conquérir l’Alsace via ses frappes de loin, les mêmes que les aficionados de la Bundesliga scrutent tous les samedis sur ARD.

En 1996, Franck Sauzée rejoint Montpellier, engagé en Coupe d’Europe cette saison-là. Avec William Prunier, il est recruté pour succéder à la mythique charnière centrale Der Zakarian-Laurey. Le temps d’inscrire quelques coups-francs supplémentaires, Sauzée passe trois saisons contrastées, la première satisfaisante, les deux autres plus laborieuses en raison de blessures. Comme un symbole, il inscrit son ultime but en première division au Vélodrome, d’un coup-franc excentré particulièrement vicieux, au cours de l’illustre 5-4. Il s’envole ensuite pour l’Ecosse, à Hibernian où il retrouve David Zitelli. Sauzée deviendra une légende pour Hibs et ses fans, tout heureux d’accéder en 2001 à la troisième place d’un championnat phagocyté par les deux clubs de Glasgow, ainsi qu’en finale de la Coupe d’Ecosse.

Installé par la suite dans la plus grande improvisation sur le banc à 36 ans, Sauzée n’y fera qu’un passage éphémère. Il rentre en France dans la foulée et après une vie de retraité du football, faite de golf, de chasse et de pêche, il intègre l’équipe de consultants de Canal+. Malgré une (nouvelle) infidélité le conduisant à Orange sport, il revient au bercail et commente depuis quelques années les affiches du samedi après-midi. On y retrouve son timbre de voix particulier mais ses analyses sont moins percutantes que ne le fut sa frappe de balle.

kitl

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