Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Yacine Abdessadki, l'histoire d'un gâchis

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Par conan
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© Karim Chergui

Yacine Abdessadki quitte le Racing par la toute petite porte, à la grande satisfaction de beaucoup. Qui se souvient pourtant que ce joueur a passé près de dix ans au club ?

Débarqué à Toulon à l'age de 17 ans, le petit Yacine fait ses classes chez les jeunes, à l'époque des années frimes sauce Patrick Proisy ou Claude Le Roy. Sa chance, il l'obtient très tôt finalement, au coeur de la cataclysmique saison 2000/2001. Patrick Proisy indique cordialement à son ami de 30 ans, le Glaude le plus haï de l'histoire de l'Alsace, la direction de la porte de sortie. Yvon Pouliquen, un Saint homme qui connaît bien le cirque du Racing, est appelé pour entraîner le Racing et mener à bien une impossible mission sauvetage. Yvon, comme souvent en pareil cas, tente d'injecter du sang neuf dans l'équipe titulaire et offre sa chance au légendaire Nuno Mendès et à notre ami Yacine. Pour ce dernier, l'expérience tourne très rapidement au fiasco. Il vit un véritable cauchemar à Furiani, terrain où il nous fait un remake de « Aziz Rabbah contre les Lyonnais ». En Corse le Racing mène 1-0 dès la deuxième minute et se trouve en supériorité numérique au bout d'un quart d'heure après l'expulsion de Pierre Yves André. Nonobstant cette conjoncture on ne peut plus favorable, les joueurs arborant l'affreux maillot Asics au logo pacman glorifiant les radiateurs Adler sombrent dans le ridicule et encaissent trois buts. Les joueurs du Racing ont ce soir là touché le fond. Yacine a lui tellement creusé profondément qu'il en est étonnant qu'il n'ait pas trouvé de pétrole. Un match horrible au sein de l'une des plus ridicules équipes de l'histoire sous les railleries et les quolibets d'une foule de Corses, voilà un dépucelage des plus intéressants...

Cette rencontre a au moins le mérite d'inscrire Yacine dans la liste des joueurs qui sont descendus en D2 avec le Racing en 2000/2001 (oui, j'ai bien dit D2 et pas L2 car à l'époque, la L2 s'appelait encore D2). Cette remarque n'est pas anodine, car nous touchons là à l'un des éléments particulièrement remarquables de la biographie de Yacine Abdessadki, qui a participé à trois descentes en D2-L2 sous le maillot d'un seul club (et il fallait que ce soit le nôtre...). A part le légendaire Pascal Johansen, dit le Zizou Colmarien, je ne vois pas qui dans l'histoire du football Français a pu égaler, voire battre, cette performance héroïque. (Si vous avez des informations à ce sujet, je suis preneur !).

Suite à cette entrée en matière burlesque, on ne voit plus trop Yacine jouer. On sait qu'il est là, comme bon nombre de joueurs de l'effectif de l'époque qui ne servent pas à grand chose. Sous Hasek, il est titularisé deux fois et entre plutôt rarement en jeu avant d'être prêté à Grenoble afin de s'aguerrir et, tel Robert, muscler son jeu. Un passage à Grenoble manifestement très bénéfique, car le nouvel entraîneur du Racing, Antoine Kombouaré, semble impressionné par les qualités techniques du bonhomme et se montre déterminé à lui donner sa chance.

La Corse est décidément un élément décisif dans la carrière de Yacine. Lors d'un RCS-Ajaccio, Bernard Diomède, le seul champion du monde 98 dont la simple évocation provoque inévitablement un pouffement de rire chez le lecteur, joue au bûcheron et découpe en deux Pontus Farnerud. Pour remettre l'affaire dans le contexte, c'était l'époque où le beau Pontus faisait rêver les foules pour d'autres choses que ses mèches blondes et était la pierre angulaire du système de jeu séduisant prôné par Kombouaré. Il confie les clés à Yacine pour le match suivant à Sochaux. Bien que le stade ne soit pas rempli de Corses railleurs, Yacine se sent obligé de reproduire sa prestation piteuse de Furiani. Le Racing se prend 3-0 et dans l'esprit de beaucoup, Yacine n'a pas les épaules pour s'imposer au Racing.

Mais Antoine Kombouaré en bon formateur pédagogue qu'il est, ne lâche pas l'affaire et reconnaît en Yacine et certain talent et beaucoup de volonté. Le Racing est miné par les blessures et le départ de Danjiel Ljuboja et tombe dans le rang. Comme d'habitude, il joue le maintien en fin de saison. Kombouaré propose alors un magnifique Catenaccio à cinq défenseurs pour arracher quelques 0-0 salvateurs et 1-2 hold up par-ci par-là. C'est moins sexy qu'en début de saison mais la tactique est gagnante et Yacine intronisé définitivement titulaire au poste... d'arrière droit.

Malheureusement, comme souvent, jouer les utilités à un poste qui n'est pas le sien, ça marche un temps sur l'enthousiasme, mais à la longue ce n'est pas vraiment possible. Yacine, c'est un technicien, un milieu offensif. La technique est son art. Ce n'est jamais un défenseur... Le Racing effectue un départ catastrophique et est largué au classement. Kombouaré rejoint l'immense mausolée des anciens entraîneurs du Racing viré en cours de saison. Il est remplacé par Jacky Duguépéroux, un autre Saint homme, de surcroît une légende au Racing. La philosophie de Jacky est basée sur le bon sens : un joueur doit jouer à son poste. Faire jouer Yacine défenseur est une hérésie, il faut le faire jouer milieu de terrain. Bingo ! Yacine joue alors la meilleure saison de sa carrière. Il a un rôle déterminant dans la remontée spectaculaire du Racing au classement et dans les nombreux matchs splendides vus à la Meinau. Il inscrit six buts, dans certains sont de purs chefs d'oeuvres. Il est enfin un élément moteurs de la victoire du Racing en Coupe de la Ligue, sa passe décisive pour Mamadou Niang en finale restant peut-être l'image la plus forte de sa carrière.

Après des années de galères à ronger son frein, Yacine a enfin réussi à faire son trou et s'imposer dans son club. Comme le veut la logique du football moderne, c'est le moment qu'il choisit pour quitter Strasbourg et signer à Toulouse. Et c'est reparti pour un tour de galère. Il ne joue qu'une demi saison et six matchs dans le club de la ville rose où il ne parvient pas à percer. Le temps pour le Racing de battre tous les records de nullité et de s'enfoncer à la dernière place du classement. Keller et Ginsdorf cèdent la place, Ginestet prend le pouvoir. Il affirme haut et fort que le départ de Yacine a été une grave erreur et fait tout pour le faire revenir. L'affaire se règle durant le mercato d'hiver. Pour ses début, Yacine s'offre un joli pied de nez envers son ancien et éphémère club en inscrivant le pénalty de la victoire sur le terrain du TFC. Quelques jours plus tard, il inscrit le but de la victoire face à Troyes. Un fol espoir s'empare de Strasbourg, et si le Racing se sauvait ? Des nèfles... Blaise Kouassi arrache le genou de Kévin Gameiro, l'homme providentiel du moment. Et Yacine n'a pas l'étoffe d'un sauveur. Le Racing sombre en L2, comme prévu...

En Ligue 2, sous la coupe de Jean Pierre Papin, Yacine réalise une bonne saison et constitue l'un des hommes de la remontée. Après un début poussif à l'image de son équipe (ponctué quand même par un but magnifique inscrit à Niort), sa technique largement au dessus du lot relativement rustre de la L2 et ses montées de balle s'avèrent précieuses. Il réalise l'un des plus beaux matchs de sa carrière face à Metz, lors du match de la remontée, lors duquel il est stupéfiant de volonté au poste d'arrière droit qu'il retrouve exceptionnellement l'espace d'un soir.

Lors de sa dernière saison au club, il constitue un peu le baromètre du Racing sauce Furlan. Exceptionnel en début de saison à l'image des résultats du club, Yacine se blesse à l'automne. Il ne reviendra jamais à son niveau et alignera des prestations absolument consternantes et calamiteuses, tel le Racing de cette fin de saison. On le dit miné par son divorce. Le public de la Meinau finit par prendre en grippe celui qui constitue un des plus gros salaire de l'équipe. Le bon peuple du Krimmeri ne supporte plus ses errements sur le terrain et son comportement en dehors : coupe techtonik, Audi R8, soirées VIP en discothèque, tout pour plaire à l'Alsacien de base élevé sur des valeurs d'humilité, d'amour du travail bien fait, et qui aime particulièrement que les joueurs du Racing mouillent le maillot. Cerise sur le gâteau, Yacine insulte verbalement à plusieurs reprises des supporters, ce qui n'est pas fait pour arranger son dossier...

Pour parachever sa disgrâce, Jean Marc Furlan, l'homme qui n'aime pas les gratins de macaroni, le désigne nommément avec Pascal Johansen et Wason Renteria comme l'un des principaux artisans du désastre que nous avons vécu. Le schisme est consommé. Une blessure (diplomatique se plaisent à penser ses détracteurs) évite à Yacine une belle bronca pour sa dernière apparition à la Meinau. Quelques semaines plus tard, son transfert à Fribourg, non loin de ses lieux de divertissements favoris soulignent les mauvaises langues, est officialisé.

L'histoire de Yacine Abdessadki au Racing se termine donc dans une bien triste eau de boudin, avec un énorme sentiment de gâchis. Au cours de sa carrière, il a démontré à plusieurs reprises qu'il était capable de grandes choses. Il n'a pas su utiliser son talent dans la continuité. Sa réussite financière est faite, mais il aurait pu avoir en plus la gloire sportive avec un peu plus de volonté et de tête sur les épaules. Il n'en a pas voulu et c'est triste. Pour lui, pour le Racing, et pour l'avenir du football en général, car l'histoire de Yacine Abdessadki est malheureusement banale et symptomatique d'un football professionnel qui marche sur la tête...

conan

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