ACAA ira, l'égalité partout règnera

Une petite Arlésienne, toute en velours et en dentelles, qu'il avait rencontrée sur la Lice d'Arles

Souvenez-vous du 29 mai 2009. C'était en revenant des plages de Montpellier, une après-midi d'été. Le Racing a encore perdu ; le bus est calme. Négligeant de lutter contre cette ennuyeuse réputation d'intello - après tout, vous porterez toujours des lunettes et tout le monde sait que vous fréquentez RacingStub.com - vous relisez Alphonse Daudet. Emmanuel Kant ne rentrait pas dans le sac à dos, sans compter qu'on n'y pige rien.

« C'était en revenant de Nîmes, une après-midi de juillet. Il faisait une chaleur accablante. À perte de vue, Ia route blanche, embrasée, poudroyait entre les jardins d'oliviers et de petits chênes, sous un grand soleil d'argent mat qui remplissait tout le ciel. Pas une tache d'ombre, pas un souffle de vent... »

C'est bien ça ! Sauf le vent local ; s'il voulait bien retomber de temps à autre, on se méfierait plus du soleil et du fameux syndrome de l'Ultra violet (ouille !). Mais glissons, comme le photon malin sur la crème solaire : vous cheminez sur l'autoroute depuis une heure, poursuivi par les voitures-béliers des Pailladins, qui vous poudroieraient eux aussi volontiers...

« ...quand tout à coup, devant moi, un groupe de maisons blanches se dégagea de Ia poussière de Ia route (...) Cinq ou six mas, de longues granges à toiture rouge, un abreuvoir sans eau dans un bouquet de figuiers maigres, et, tout au bout du pays, deux grandes auberges qui se regardent face à face de chaque côté du chemin.... »

Ça ce ne peut être qu'Arles. La fin du Languedoc, le début de la Provence. Même les figuiers y sont maigres ; de nature frugale, on en connaît qui chipotent jusqu'à la Contrex, mon partenaire minceur. Ah ça, il sait ménager ses effets le père Daudet ! Nul n'aurait prévu qu'il faudrait s'intéresser à Arles ! Aujourd'hui, c'est pourtant un promu de fort belle tenue. On parlait de maintien au début de saison, personne n'ayant oublié qu'Arles jouait en CFA2 il y a peu. Le recrutement s'est concentré à l'intersaison sur de vieux briscards, notamment Sébastien Piocelle ou Kaba Diawara ; que voilà de la « valeur joueur » déclinante et sans espoir de plus-value ! Pire, il s'en est fallu de peu que le club ne puisse monter en L2 faute de stade - à la Ligue, on n'aime pas trop le coup du terrain vague avec l'abreuvoir sans eau ni licence IV, dans un taillis clair de stadiers maigres.

Peu importe ; Avignon a prêté son stade, et l'ACA est devenu officiellement l'ACAA(vignon). Les anciens font mieux que de la figuration – Diawara est ainsi meilleur buteur de l'équipe avec cinq buts - et cela sans détonner sur le reste des renforts, à commencer par le gardien Cyrille Merville et le défenseur Romain Reynaud, transfuges de Troyes et Vannes, ou le milieu Deme N'Diaye arrivé du Portugal. En somme, un recrutement équilibré et efficace, unanimement salué.

Résultat, le club est aujourd'hui quatrième sans compter les matchs en retard ; l'ACAA n'est même jamais descendu plus bas que la huitième place depuis le début de saison. Autant dire que le maintien est devenu modérément douteux. Un succès à la fois pour le président Jean-Marc Conrad, entrepreneur local mais qui voit loin, et l'entraîneur Michel Estevan, déjà à l'oeuvre à l'époque de la CFA2 (trois montées donc !), élu meilleur entraîneur de l'année en L2 par France Football. Même Ali-Azouz Mathlouti, transféré cette année du Racing, donne satisfaction dans un registre proche de celui qu'on lui connaissait sous Papin ; le joker-dynamiteur de fin de match. Bref, c'est beau, Arles-Avignon est un peu le miracle de la L2 cette saison.

Reste la question géographique, lancinante : la commune d'Arles est grande comme un continent, la voisine Avignon est tout de même à 40 kilomètres, et les activités de l'équipe se sont déplacées avec le stade. Par conséquent, la pseudo-fusion est parfois vécue comme une délocalisation par les Arlésiens - mais enfin, là aussi, ça serait chipoter.

C'est un peu fort pourtant que le mépris ne puisse pas tuer l'amour !

Poursuivons :

« ... et, tout au bout du pays, deux grandes auberges qui se regardent face à face de chaque côté du chemin. Le voisinage de ces auberges avait quelque chose de saisissant. D'un côté, un grand bâtiment neuf, plein de vie, d'animation, toutes les portes ouvertes, Ia diligence arrêtée devant, les chevaux fumants qu'on dételait, les voyageurs descendus buvant à Ia hâte sur Ia route dans l'ombre courte des murs (...) L'auberge d'en face, au contraire, était silencieuse et comme abandonnée... »

Après cela, qu'est-ce que vous croyez qu'il va arriver ? Avouons que si on ne parlait pas davantage de l'auberge 0 étoile, il n'y aurait pas vraiment d'histoire. Entrons.

« ... j'eus (bientôt) devant moi une assiettée de passerilles (raisins secs), un vieux pain de Beaucaire aussi dur que du grès, et une bouteille de piquette... »

Eh bien bravo, ça a l'air dégueulasse ! Mais on l'a bien cherché. Tenez, prenez le Racing : vous vous y intéresseriez, vous ?

Le club vit aujourd'hui au gré des développements de la méthode d'Alain Fontenla & Ralph Isenegger. On ne sait plus trop quelle forme pourrait prendre la révolution annoncée cet hiver : ce serait quelque chose situé entre, d'une part, 1000M€ d'investissement sur deux ans, et de l'autre le recrutement d'une myriade de joueurs "exotiques" que dénonçait Julien Fournier. Et pendant que l'on attend vainement que ces lambins-là démentent l'avènement de ces lendemains qui chantent, la comptabilité du Racing est sévèrement encadrée par la DNCG.

Dans ces conditions, après avoir enregistré sans joie le départ d'Habib Bellaïd - en attendant celui, probable, de Lacerba Ramos Rodrigo – les arrivées sont guettées avec angoisse. Seul le nom d'Albert Baning (PSG) est évoqué régulièrement. La composition de l'équipe pourrait être la suivante, en tenant compte de l'expulsion de Steven Pelé contre Laval et la fâcheuse blessure de Magaye Gueye contre Lyon :



Certes, sportivement parlant, les observateurs ont noté un regain de forme du Racing lors du dernier match contre Laval. Par exemple à gauche, où il a la pêche, Othon ; mais on songe aussi à Milovan Sikimic et Mamadou Dioulde Bah, enfin au niveau espéré. De quoi envisager le maintien sans trembler chez les médiocres de L2 ? Quoi de mieux ? Dans l'attente de la conférence programmée jeudi par Alain Fontenla, tel est le Racing d'aujourd'hui.

« ... l'auberge d'en face, au contraire, était silencieuse et comme abandonnée (...) Tout cela si pauvre, si pitoyable, que c'était une charité vraiment de s'arrêter là pour boire un coup. (...)
- Mais pourquoi n'allez-vous pas en face comme les autres ? C'est bien plus gai...
- C'est trop gai pour moi. J'aime mieux rester chez vous ! »

(Merci à Tousoxeu du site des Suportaïres arlaten pour son aide)