petite épître à un finistérien du district de Guipavas (un mec bien a priori)
Kevin, Je ne sais pas ce que tu faisais lundi soir, mais moi, j'étais au café de l'observatoire avec trois quatre turcs pour regarder nos deux clubs favoris en découdre dans le bourbier marée basse cerné de paysans, de marins cocufiés, d'ouvriers de l'arsenal alcooliques et de fidèles du pénalty bar et de types qui veulent du mal de leur club fétiche.
Et j'ai compris.
Lorsqu'à la 61ème minute, Charpennet a fait une passe en retrait à son gardien, aboutissant à un corner, j'ai compris d'où me venait cette legère frousse que je devais anticiper autrefois quand je te voyais fixer le ballon, lever la tête, me regarder, fixer le ballon, me regarder et me faire la passe alors que tu n'étais pressé par personne.
J'ai compris le lourd bagage que tu traînais depuis ton enfance dans les centres de formations bretons, rassasié que tu étais au paté Henaff, fatigué par des joggings sur le sable froid, détrempé par les 348 jours de pluie sur 365, humiliés par les pêcheurs retraités qui passaient leur dimanche à insulter les demi-fils de leur neveu.
J'ai compris.
J'ai compris que tes rêves brisés, comme la vague sur les récifs de portsall, de travailler au Télégramme de Brest comme ton oncle, tes quinze cousins et des amis t'avaient rendu agressif, incontrôlable, même, que ton fiel se répandait sur ton âme noir comme la marée d'huile de l'amoco-cadiz un automne 1987. J'ai compris cela.
Alors s'il te plaît, arrête de m'insulter très vulgurairement par mail signé anonyme, parce que le Racing Strasbourg a pris un point à ton club de National (national=amateur), cela ne prend pas, je dis bien arrête sinon j'en parle à ton patron et aussi à ton père (très influent dans le monde des fruits de mer surgelés).
Cordialement,
Anonyme
PS: dis-moi, Nantes, pour un finistérien, est-ce en Bretagne ou pas?
