Traquenard sylvestre

Parmi les nombreux bouleversements induits par la relégation en National, il y a le changement radical d'approche concernant la coupe de France. Le Racing a en effet débuté son parcours au cinquième tour, soit à équidistance entre les clubs de district où l'on se sert parfois du match pour expier la cuite de la veille et les grands de Ligue 1 où, en guise de libation pré-match, on se borne le plus souvent à regarder d'un oeil distrait un film grivois dans une chambre d'hôtel Ibis, avec le coturne en claquettes. Une relative précocité qui ne reflète pas réellement le statut sportif du club mais révèle en revanche bien l'esprit de l'épreuve couronnée par le trophée Charles Simon, volontiers champêtre et et visant à mêler autant que faire se peut plébéiens et patriciens. Autre tournant : cette coupe autrefois évacuée comme une longuette formalité pour mieux se concentrer sur les priorités du championnat - coucou Jean-Marc Furlan - devient une opportunité rare, puisqu'il y a au bout la possibilité de rencontrer les cadors de l'élite susmentionnés. Ce qui serait le moyen de rameuter un peu de monde au stade, de rêver et aussi pour les joueurs de se montrer. Mais avant de penser à l'exploit contre Marseille ou Bordeaux, il y a une série d'embûches à franchir, bien peu commodes malgré leurs accents volontiers bucoliques.

Après la victoire (3-0) à Ohlungen il y a deux semaines, le Racing reste dans le Bas-Rhin pour ce sixième tour de coupe mais monte de deux échelons dans la hiérarchie en rencontrant un club de l'élite régionale, l'Union sportive de Reipertswiller. Le tirage aurait pu être moins clément puisque Colmar, Mulhouse et les nombreux clubs régionaux rescapés de CFA2 rodaient dans les parages. Il n'en demeure pas moins que Reipertswiller est un adversaire à prendre très au sérieux, surtout si l'on se souvient des difficultés éprouvées l'an dernier par l'équipe de Pascal Janin face à l'ASC Biesheim, club d'un calibre tout à fait comparable.

L'endroit est sympathique, vallonné et boisé en plein pays des ducs de Lichtenberg. On trouve d'ailleurs dans la commune mitoyenne le château du même nom, plutôt bien restauré malgré quelques regrettables reconversions modernistes. Le Racing des années 1990 - celui de Franck Sauzée, Frank Leboeuf et de leur amie commune - venait y faire son stage d'avant saison histoire de s'oxygéner et de goûter le calme des nuits en forêt, en plein parc naturel régional des Vosges du Nord. C'est la terre d'élection de Philippe Richert qui, en bon professeur de sciences naturelles, n'avait alors pas de mots assez durs pour fustiger les organisateurs de rallye venant affoler ses coléoptères et buses adorés. Autre temps, autres moeurs - pour l'hôte de Jafar Hilali comme pour notre Racing, parti depuis dans la vallée de Munster puis à Amphion, voire pas du tout. Il est vrai qu'on est si bien entre le Rhin tortu et la voie de chemin de fer, en plein cagnard.

Si le général de Gaulle était l'homme d'une seule femme, l'US Reipertswiller est en revanche l'équipe d'un seul homme. Eric Riffel est entrepreneur de construction et fût longtemps maire du village. Il préside aux destinées du club local depuis sa relance en 1965, après une tentative vite avortée après-guerre. Sous ce patronage fleurant bon le clientélisme champêtre ordinaire, l'US Reipertswiller a tranquillement grimpé les échelons jusque dans l'élite régionale, décrochant même le titre envié de champion d'Alsace en 1996 et 1998. Le club a évolué quatre saisons de suite en CFA 2 après ce deuxième titre, décrochant au passage une honorable quatrième place du groupe C en 2001. L'équipe est depuis revenue à un statut plus conforme à ses moyens, en DH, où elle fait figure d'habituée. On peut trouver dans ses rangs un ancien du Racing, Mickaël Wahl - qui tient d'ailleurs une chronique cette semaine dans un journal local - ainsi que le frère du grand espoir Marco Rosenfelder, Fabio. L'écart reste de trois divisions, mais il devrait être en vérité plus mince entre un Racing rajeuni avec quelques habitués de CFA2 et une équipe de Reipertswiller plus rugueuse et expérimentée.

Comme il est de raison, les gens du coin nourriront l'espoir de se payer le Racing, qu'ils n'auront aucun mal à chambrer au vu des épisodes rocambolesques accumulées depuis des mois et des années. C'est donc un vrai match de coupe à l'extérieur qui se profile et nos petits Bleus seraient bien inspirés de prendre l'adversaire au sérieux s'ils veulent être en mesure de passer de la position du chassé à celle du chasseur.