Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

La saison en enfer (3/3)

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Par mediasoc
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Troisième et dernière partie de l'entretien avec Roland Muller, réalisateur du documentaire "La saison en enfer" diffusé en février 2013 sur France 3 Alsace.

Première partie

Deuxième partie

La présence de Loulou Nicollin est assez improbable de prime abord...

Ah bon ? Pourtant après ce match, Montpellier-RCS, le premier club devient champion de France et l'autre se retrouve en cinquième division. J'ai trouvé ça formidable d'un point de vue dramaturgique. Je connaissais son langage direct et il fallait aller le voir, au moins essayer, en disant que l'on venait de Strasbourg et qu'on voulait parler de Strasbourg. Il n'accepte pas les interviews de tout le monde ! On l'a vu pendant une heure à son bureau.

Son discours est axé sur le fait que l'Alsace a laissé tomber le Racing.

C'est provocateur mais c'est vrai qu'à ce moment, on a négligé... C'est le côté Hans In Schnokeloch, d'ailleurs ce côté de l'Alsacien, "il ne sait pas ce qu'il veut", ou plutôt "il veut ce qu'il n'a pas et ce qu'il a, il le délaisse". Il aime jusqu'à un certain point, mais quand il s'aperçoit qu'il est en flagrant délit d'aimer, il abandonne. Je n'ai pas travaillé ce côté-là car c'est un peu compliqué de donner plusieurs images en même temps. Nicollin avait la dent encore plus dure que ce que j'ai laissé dans le film.

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Louis Nicollin, Dominique Gros (Maire de Metz) et Carlo Molinari

En écoutant Nicollin, qui est un dirigeant bien ancré dans sa région, on se dit qu'il manque un personnage comme cela. Marc Keller, même s'il est bien ancré, n'est pas un expansif.

Si l'aventure peut se continuer avec lui, il peut prendre une sacrée dimension. Avec son frère... D'ailleurs je lui ai posé la question si le vrai problème n'allait pas être le frère. Marc Keller a ce qu'il faut, suffisamment d'assise financière pour être bénévole un certain temps, il a une expérience du jeu... Il a une qualité d'âme et on sent chez ce gars plein de choses. Mais de l'autre côté, son frère a aussi des mêmes qualités mais doit passer par la loi des résultats sportifs ; finalement est-ce que ça ne serait pas sa faiblesse, car comment pourrait-il se séparer de son frère ? J'espère que Marc Keller ne prendra pas le poids physique de Nicollin mais je crois que son état d'esprit est ancré dans la région et qui se construit sur des valeurs.

Est-ce que la chute du Racing n'est pas aussi une preuve que la région va mal économiquement ?

C'est Fontanel qui m'a parlé de ça. De manière globale, il n'y a plus personne qui est capable de mettre autant d'argent. Nicollin dit qu'il met 2 à 3 millions d'euros par an de sa poche, chaque saison, quoi qu'il arrive, quand il est en milieu de tableau. Quelles sont encore les entreprises et les industries qui peuvent encore se le permettre en Alsace ? Pour ça il faudrait encore dégager des bénéfices car seuls les bénéfices d'une entreprise pourrait faire vivre un club. Mais qu'est-ce qui coûte très cher au foot ? Ce sont quand même les salaires... Pour Nicollin, c'est très simple et très sain de limiter les salaires. [Nicollin s'est contredit l'été dernier en augmentant substantiellement certains joueurs avant de regretter et d'en transférer quelques uns].

La situation du club est le reflet de la situation économique. Le Racing en cinquième division, c'est qu'on a plus les moyens de se payer une équipe de foot. Notre image et notre fierté qui sont touchées. En 1997, c'était l'idée de la mondialisation. On avait la gauche qui s'en foutait du football et qui s'est dit "on va envoyer le club sur des rails d'une économie mondialisée". C'était le début de tout ça et on ne peut pas leur reprocher d'avoir voulu inscrire le club dans une modernité et je trouve ça très bien. Roland Weller dit dans le film que s'ils avaient tenu leurs promesses, c'était vachement bien !

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Marc et François Keller entourent Francisco Donzelot

Est-ce qu'il n'y a pas également un problème culturel avec une identité alsacienne entrain de changer ?

L'aspect culturel que j'ai découvert et que j'ai trouvé très intéressant, c'est le joueur de Steinseltz qui l'évoquait, il disait que quand on joue dans les petits clubs amateurs, il y avait ceux qui représentaient le Racing et ceux qui étaient contre. Cet aspect culturel est quelque chose qui a disparu, on est dans un internationalisation : on est pour le club madrilène ou pour Barcelone et puis voilà... Même les bons clubs régionaux ne représentent plus rien... Ça ne vient pas juste de la chute du Racing, ça vient d'une espèce de mondialisation omniprésente, de la Ligue des Champions, etc. Mais ça avait quand même son importance, le fait d'être celui qui représente le Racing quand on est sur le terrain, ça a probablement disparu. Ce n'est pas possible de l'avoir aujourd'hui en CFA. C'est un aspect culturel qui touche les jeunes et le regard qu'ils peuvent porter, dans leur région, sur ce qu'est le sport de haut-niveau. Les jeunes actuels ont perdu cet aspect des choses.

La notion d'"être alsacien", c'était de dire que la région est riche, qu'elle est prospère et la preuve qu'elle est prospère, c'est que nous avons une bonne équipe de foot... ou plutôt de basket dirions-nous aujourd'hui. C'est un peu la représentation de cette image qu'on pouvait avoir, c'est ce qu'on m'a expliqué et c'est ce que je ressens un petit peu.

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La Région, qui a l'économie alsacienne comme prérogative, a choisi le Racing comme principal club aidé...

La Région est entrée dans le jeu tout à la fin, il n'y a rien de nouveau. Ils sont venus prendre leur part dans le financement du Racing. C'est une bonne chose car ça aide à équilibrer le budget et ça aide politiquement. Ils sauvent un peu le club en passant devant la DNCG, en tant qu'institution, avec le concours de la Ville. Ça pose des débats, bien évidemment, pourquoi le Racing plutôt que Colmar ou Mulhouse ?

Sinon, pour le reste, c'est ce qu'exprime André Rauch, "vous et moi, on va au Racing, on se reconnaît alsacien", c'est quelque chose qui n'est pas saisissable. Par contre, on est un peu désolé de ne pas voir de bons joueurs et une bonne équipe ; si on avait les joueurs et le budget du PSG, tout le monde se retournerait contre le Racing en disant que l'on dépense trop et que ça serait inacceptable !

Je ne me suis pas intéressé à la participation de la Région Alsace dans le club, c'est arrivé à un moment où j'avais presque tout terminé. Celui qui était incontournable, c'était Marc Keller.

Quels retours avez-vous eu après la diffusion du documentaire ?

Des retours plutôt bons. La diffusion du documentaire a fait 13,5 points d'audience, alors que le documentaire du samedi après-midi est généralement autour de 4-5. On m'a dit que c'est la meilleure performance depuis la rentrée de septembre dans ce créneau. Certaines personnes qui n'aiment pas le football ont vu dans ce documentaire des réflexions qu'ils n'avaient jamais eu. Le film n'est pas destiné aux footeux, mais aux gens qui regardent ça de loin, un peu comme moi je l'ai regardé, ceux qui cherchent le résultat et le classement dans les DNA et qui se tiennent un peu informés.

Les supporters trouvent sûrement qu'ils ne sont pas assez présents dans le film. Quand je suis arrivé pour faire ce film, beaucoup de gens ont considéré que j'étais un peu une imposture. Pourquoi ? Parce que je ne connaissais rien, que je n'étais pas là dans tous les tourments, dans tout ce qui faisait la vie du club ; mais en même temps, je pense que j'étais le seul à pouvoir prendre de la distance sur les événements, j'espère qu'on le ressent dans le film. Je trouvais ça très bien de poser les questions dans un champ plus large et de voir un peu plus loin, avec Nicollin ou Dominique Gros à Metz, des gens qui sont concernés par une dérive du football et par la notion de patrimoine. Un documentariste pouvait faire ça - d'ailleurs c'est une proposition qu'on m'a faite, et non un sujet que je propose comme d'habitude. Ce n'était pas simple mais c'était une belle aventure.

Roland Muller est réalisateur d'une vingtaine de documentaires pour la télévision dont La Belle Vie ou Le Voyage à Rimini.

mediasoc

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