Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

L'Yzeure du crime

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Par zottel, jpdarky
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1 comm.

C'était mal le connaître que de penser qu'il allait rester à sa place. Tous les indices concordent, le fond de jeu a encore fichu le camp.

(Article à prendre au sérieux)

Pour une sale affaire, c'était une sale affaire. Dattel, fidèle adjoint du commissaire Zorky, relisait pour la énième fois le dossier transmis par le quatrième étage.

Il n'en apprenait guère plus et quitta son service. Depuis le temps, le chemin du retour ne lui offrait guère plus que des surprises ordinaires, mais il l'aimait d'autant plus. Le spectacle anodin de la rue le distrayait du boulot ; ce mois-ci, c'était la mise en place des chalets en bois de palettes ukrainiennes traitées au sulfate de polonium pour accueillir les ignobles marchands du temple qui ont dénaturé ce merveilleux moment de magie chrétienne que fût le Christkindelsmärik de son enfance envolée aux quatre vents de la décrépitude physique et morale, malédiction de la vie humaine, engendrée par le passage du temps hémophile qui coule comme un Racing furonclesque en D1 enchaînant les défaites ubuesques.

Mais malgré les chalets en plastique le fameux dossier ne le laissait pas en paix. « La Disparition du Fond de Jeu du Racing », mais où donc le Crime allait chercher tout ça ? Qui semblait prendre un malin plaisir à éreinter les fiers et fidèles servants de l'Ordre et la Loi comme l'admirable commissaire - commissaire au sujet duquel Dattel se répétait « Hého... c'est pas pour dire... mais le patron, quand même... quel type ! » à chaque nouvelle affaire élucidée à la force du raisonnement, de la dialectique et parfois des impulsions électriques habilement appliquées à l'aide de pinces crocodiles et d'une batterie de Massey-Ferguson (voir Figure 12).


Le disparu de la Meinau


Le lendemain, sa décision était prise ; étant donné la maigreur des indices, il fallait à nouveau aller déranger le commissaire Zorky dans son bureau concernant cette fichue disparition de fond de jeu - le bureau du Maître. Dattel, emprunté comme au premier jour, pénétra dans le saint des saints après avoir furtivement frappé à l'huis pour Lui signifier l'impérieuse nécessité de le déranger dans les probables glorieuses réflexions qui l'occupaient la plupart du temps quand il ne devait pas débusquer la vilenie et la bassesse tapie au coeur et à l'âme des fâcheux et des malfaisants qui hantent et font rien qu'à nuire.

Zorky était cinquième dan de lecture rapide depuis un séjour dans une des lamaseries les plus reculées du Tibet ; il parcourut les documents rapidement. « Hmmm, c'est François qu'il s'appelle. Je lis qu'il est coach de chorégraphie ou je ne sais quelle clownerie dont cette époque misérable nous gratifie à travers les monticules de déchets mentaux que produit la télévision immorale et dépravée. »

Le commissaire voyait juste et loin, un peu trop même ; Dattel peinait souvent à considérer les situations globalement (« Heu, en fait y a pas de chorégraphie, je crois que le gars est entraîneur de football, rapport à l'affaire, le fond de jeu du Racing tout ça, le Racing, comme l'équipe de football« ). Mais son supérieur n'avait guère plus de paroles à lui consacrer : « Allez hop Dattel, interpellez-moi ce pingouin, on va l'interroger un peu. »


La matière résiste


Le suspect menotté s'assit maladroitement sur le tabouret placé en face de Zorky, et dont la hauteur était habilement réglée au pied à coulisse 25cm plus bas que le visage impavide de statue grecque du commissaire Zorky. Une technique de guerre psychologique que ce dernier avait apprise lors d'un stage commando de guérilla en entretien d'embauche chez Ernst & Young en Amazonie.

François Keller ne comprenait plus trop ce qu'il faisait là.
Au début, ça avait été cette sensation qu'il connaissait, celle de ces tous ces matins où en arrivant au stade il se répétait « François mais t'es où là ? Le CFA putain, le CFA, tu n'as jamais boxé aussi haut, c'est ta Ligue des Champions, c'est du top niveau, c'est énorme, c'est trop ! » N'importe qui à sa place aurait admis souffrir du 'complexe de l'équipe 2' – à Kick-off déjà, son frère lui mettait la pâtée systématiquement –, il préférait la naïveté.

Mais à cet instant, il commençait à ne plus trop goûter les marques d'intérêt de ses hôtes. Après plusieurs heures de préliminaires à base de « Déclinez votre identité » et autres « Hmmm, vous vous embrouillez mon jeune ami, Marthe Keller n'a jamais présidé de club de foot », la viande du suspect commençait à se ramollir.

« Ecoutez mon général, pour la centième fois, je ne sais pas pourquoi on parle de fond de jeu du Racing et de disparition. Je peux y aller maintenant ? On doit faire une séance de sophrologie cognitive avec l'équipe pour améliorer le placement du mur sur les coups francs indirects dans la surface adverse. »

« Je vois, mon cher Fabrice - comment, c'est François ? Comme vous voudrez Keller. Je disais donc ; je constate que nous n'avançons pas beaucoup avec cette histoire de fond de jeu. Et quelque chose me dit que c'est un peu de votre faute, voyez-vous ? »


Montez-moi donc une bière et des sandwichs


Affectant la désinvolture, le commissaire s'était lancé dans le dessin d'une mouche (assez réussie) sur une feuille de papier à en-tête 'Procès verbal'. Il appuya sur l'interrupteur de l'intercom' (« Dattel, montez nous deux sandouiches et une roteuse ») et lança sans façon à François (« Vous buvez pas ? » « Si, de la Badoit »). Zorky ne releva pas et éteint l'appareil. Et soudain il reprit, après un long moment soigneusement compté, car l'exercice de l'interrogatoire a des règles strictes ; il entamait la courbe inférieure de la mandibule gauche du diptère :

« Que faisiez hier à 8 heures ? Non, plutôt 6 heures, c'est un chiffre rond. »

« Yzeure ? Eh bien, euh, je repérais l'équipe adverse. Je regardais les combis sur coup franc, tout ça. Nan parce que moi je voulais pas aller à la police et pour le fond de jeu je sais pas. Je peux y aller maintenant ? »

L'alibi était en béton. Zorky admirait son suspect, qui semblait avoir réponse à tout – une de ces intelligences supérieures, entièrement tournée vers la ruse - mais il s'efforçait de n'en laisser rien paraître. Malgré tout, lui aussi, il avait son certificat des collèges.

« OK KELLER tu vas avouer maintenant que tu fais de l'ophtalmologie au schwartz ? Misérable, tu sais ce que tu fais risquer aux pauvres hères qui s'en remettent à toi ? Un fond d'oeil mal exécuté et interprété, ça a quoi comme conséquences ? Tu sais au moins qu'un mydriatique ne doit pas être utilisé en cas de suspicion d'hypertension intraoculaire ou de glaucome avéré ? Il ne peut également pas être utilisé lorsque le patient est inconscient, hé oui mon p'tit bonhomme, attention Mossieur Keller n'êtes pas dans la gendarmerie de Schweighouse-sur-Moder, ici c'est la Nuée Bleue, la crème, l'élite, le pop de la top. Et paf. Ca vous en bouche en coin hein, si vous me permettez cette familiarité, raclure ! »

« Nan mais je peux y aller maintenant Monsieur, siouplait. Je sais pas pour le fond de jeu, peut être qu'il est avec le fond d'oeil ? »


Pas de bavure


Dattel remit un coup de laptop au suspect, pour la route. Il ne se rappelait plus bien s'il avait pu prendre son goûter, mais de toute façon l'affaire s'éternisait un peu trop à son goût. Sa recherche sur internet lui avait donné 348 958 Keller - autrement dit beaucoup de complices - et il fallait à tout prix que le suspect avoue. Il était drôlement tard pour trouver un autre coupable.

« Bon, Keller - ou quel que soit le nom qu'on te donne - je commence à être fatigué. Dattel que tu vois là, c'est un bon flic, un des meilleurs que je connaisse, mais voilà, il n'aime pas rater Plus Belle la Vie. Et là, tu commences à l'énerver. J'ai beau être son commissaire, je réponds de rien si je dois aller pisser ou que je regarde ailleurs, tu comprends ce que je veux dire ? »

François comprenait très bien. Son arcade sourcilière comprenait très bien aussi, elle avait perdu au moins 17 litres de sang.

« Mais aïe ! Vous allez me rendre fou avec vos questions ! Moi je sais pas pourquoi Noro joue aussi bas ! Il doit sûrement chercher le fond de jeu lui aussi ! C'est ce que disais toujours à Ketkeo quand il n'y avait plus de Nesquik le matin : regarde en bas s'il y a pas un fond ! »


Le fond de l'air est frais


La journée s'achevait doucement. Zorky releva le col de son pardessus pour protéger sa nuque, qu'il ne sentait guère plus. Les jambes, seules, et cet instinct de flic qui l'habitait depuis l'enfance, s'agitaient encore dans le froid de novembre. A cette heure du soir son fauteuil lui manquait, et pour tout dire, il sentait le poids des ans, mais en rejeta l'idée aussitôt ; il n'avait vu que trop de collègues fauchés en plein accomplissement de leur devoir pour ne pas se considérer comme un bienheureux. Même s'il n'aurait pas protesté pour 4 ou 5°C de plus.

Dattel le suivait pas à pas, avec cette agitation mal contenue des chiens de chasse dans la force de l'âge. Il affectionnait ces promenades vespérales ou l'entraînait son chef quand ils avaient tous deux dépassés l'heure syndicale.

« Au fait patron, sacrée affaire ce Francis Keller ! Qu'est ce qu'on lui a mis dans le museau au crime organisé ! Et pourtant c'était vachement maigre comme indice, je me souviens ! »

Le commissaire semblait ne pas avoir entendu. Il eut plusieurs bouffées de tabac avant qu'il ne brise à nouveau le silence.

« Mon bon Dattel, vous m'étonnez encore. Il n'y avait pourtant que de la logique ; au moment où le coupable avouait le meurtre de Gilbert Gress, j'ai su qu'il mentait. Pour être exact, ça a été comme un flash : songez un peu, du Nesquik collant au fond d'une boîte ? Comme s'il y avait du chocolat dedans ? Nous parlons bien de ce petit déjeuner pulvérulent à base de sciure, ce succédané de Chocapic d'origine soviétique ? Ça ne tient pas debout. D'ailleurs, personnellement, à part le café-schnaps, il n'y a pas grand chose qui me tienne debout. »

L'adjoint acquiesça pensivement.

« Quand même, quand il parlait de l'assassinat de Napoléon, j'aurais aimé y remettre un coup de matraque. On tenait une bonne piste ! »

« Vous ne comprenez pas... Enfin, ça viendra. Vous pensez encore que le mal peut être vaincu par le mal. En vérité, l'essence de ce métier de ce métier n'est que logique et rien ne peut nous combler davantage qu'un beau raisonnement bien troussé. Tenez, il m'arrive même de glander sur Racingstub.com. La violence est toujours un échec, vous le sentez bien au fond de vous, Dattel. »

« Oui chef, c'est ce que je pense aussi. Au fait, en parlant de fond, vous savez ce que c'est un fond de jeu ? Ou alors c'est encore un truc qui veut rien dire ? »

Le vieil homme ne dit rien de plus, et l'on comprit qu'il connaissait la réponse. Sans doute.

(Rédigé avec jpdarky et iuliu68)

zottel, jpdarky

Commentaires (1)

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  • Alors cette fois, non, non et non! C'est tout bonnement honteux! Comment la rédaction a-t-elle pu laisser passer un intertitre aussi mensonger? Montez-moi donc une bière et des sandwichs
    Il n'y a pas de bière digne de ce nom à la Meinau, quant aux sandwichs, ce sont d'horribles merguez mi-cuites vendues au prix des sushis au Myiama Mayfair.

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