Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Bien des choses en Somme

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5.0 / 5 (6 notes)
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Bilan
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Par strohteam
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© rachmaninov

A supposer qu'il ne se prenne pas les pieds dans le tapis, le Racing devrait en toute logique composter demain contre Amiens son billet pour la Deuxième division, remettant ainsi l'église au milieu du village.

Si on les avait interrogés longtemps en amont, il est à parier qu'une majorité de suiveurs du RCS auraient imaginé un final bien plus dantesque que la réception du quatrième avec huit points d'avance à trois journées de la fin. Le Racing est historiquement habitué aux fins de saison baroques jusqu'aux derniers instants, à tel point qu'il serait fastidieux de rappeler ici tous les épisodes de ces Cinq dernières minutes à la sauce Krimmeri. Strasbourg c'était également ce club incapable de se fixer plus de deux saisons de suite dans le même championnat entre 2006 et 2013, avec la valse des entraîneurs et présidents en toile de fond.

Le tableau en ce joli mois de mai 2016 est bien moins contrasté. Depuis son retour en force après le fugace épisode Frédéric Sitterlé, Marc Keller n'a eu de cesse de travailler à une forme de normalisation au sein de l'équipe, du club et de son environnement. Les esprits les plus chagrins évoqueront même un terme plus péjoratif – diéselisation ? - pour évoquer un quotidien devenu forcément ennuyeux pour qui a vécu la chronique rocambolesque et terriblement scandée des années 2009-2012, de l'échec de Montpellier jusqu'aux ultimes rebondissements en coulisse à l'occasion de la montée vers le CFA. A l'image de son président, le RCS est devenu lisse, réfléchi, serein au moins extérieurement et plutôt efficace. Mais aussi convenu, prévisible et assez conformiste.

Tout semble rationnel, planifié. Un peu plat aussi. La montée qui doit se concrétiser au terme de cet antépénultième acte se dessinait déjà très nettement il y a dix mois au vu d'une intersaison extrêmement bien négociée, l'ossature du bulldozer de la fin de saison 2015 ayant été presque intégralement conservée, et les quelques pertes compensées par des ajouts au moins équivalents. Sur le papier, le Racing devait monter sans conteste. Il va très probablement monter avec une ou deux foulées d'avance sur ses poursuivants, circulez, il n'y a – presque – rien à voir. Dans les faits, les Bleus ont souvent été bien moins souverains que ce que le classement suggère et le jeu pratiqué s'est maintes fois résumé à un brouet sans âme. Il reste néanmoins une très grosse performance défensive sur l'ensemble de l'exercice et une solidité très appréciable à domicile. Au reste, le côté pâlichon la forme sera rapidement éclipsé sur le fond par le tamis sélectif de la mémoire et du palmarès. Celui qui suit un peu le cyclisme sait bien que Miguel Indurain a gagné cinq fois le Tour de France. Ils sont moins nombreux à se souvenir d'épisodes mornes et sans panache axés sur le contre la montre et une tactique attentiste en montagne.

Cette embouchure paisible sur une mer d'huile ferait presque oublier qu'il s'agit ici de l'aboutissement d'un parcours absolument hors norme dans le football post-Bosman, que ce soit en France ou même à l'échelle européenne. Seul l'exemple des Glasgow Rangers peut prétendre soutenir la comparaison, mais dans une pyramide de championnats tout de même beaucoup moins compétitive que la France. La Fiorentina s'en approche, mais elle s'est vu offrir un échelon sur tapis vert. Hoffenheim vient aussi à l'esprit, mais il s'agissait dans ce cas de la transfiguration d'une petite équipe amateur et non du retour en force d'un club historique tout juste envoyé au tapis. A l'avenir, Parme viendra peut-être nuancer la portée de l'épopée du Racing, mais pour l'instant Strasbourg constitue le seul exemple contemporain de refondation d'un club professionnel après une faillite, et de remontée express des échelons depuis le plancher des championnats nationaux amateur. Un rapide bilan des victimes de l'équarrissage en règle consécutif à la crise économique de 2008 suffit à s'en convaincre. Gueugnon, place forte historique de la D2,se contente du CFA2, Grenoble ne parvient pas à remonter en National malgré le potentiel d'une grande agglomération tandis que Sedan vient à peine de retrouver le troisième échelon. Avec sa MMArena qui sent encore le neuf et ses rêves de grandeur pas si lointains, Le Mans est pour l'instant aussi engoncé en CFA2, hors course pour la montée en division supérieure. Au-delà de nos frontières, Portsmouth, Santander ou, dans une moindre mesure, Offenbach végètent au troisième ou au quatrième sous-sol. Autant d'éléments qui étayent en creux le véritable exploit que le Racing est en train de réaliser, et que l'on a peut-être un peu trop tendance à banaliser entre Vosges et Rhin. Les nombreux esprits chagrins qui parlaient de « mort » du club ont eu tort. Ceux, parfois les mêmes, qui s'accrochaient à tout prix à la chimère d'un sauvetage par la bande en 2011 et refusaient la perspective d'une saignée salutaire en évoquant de façon pessimiste un destin à la Mulhouse ont été largement démentis par les faits.

Il peut paraître surprenant d'achever ainsi le périple à l'orée de la deuxième division pour une institution qui a passé 56 saisons dans l'élite. La remontée n'est certes pas complète, mais l'ascenseur arrive au palier où s'était fixé le club avant que de sinistres affairistes venus de nulle part se mettent à le saccager à compter du 4 décembre 2009. Avant ce cataclysme, Strasbourg était depuis un bon moment déjà un club de deuxième division. Il l'était parce que la fin de l'ère IMG en 2003 l'avait laissé dans un état chronique de fragilité financière, Patrick Proisy et ses sbires ayant fait grossir la structure bien plus du point de vue des charges que de celui des recettes. Il l'était parce que l'instabilité subséquente de son montage capitalistique, et donc de ses dirigeants, ne lui avait pas permis d'enclencher un cycle vertueux, l'intersaison 2005 constituant à ce titre un échec particulièrement frustrant. Il l'était surtout parce que les résultats sportifs l'ont amplement démontré. Les deux dernière saisons passées en D1 se sont soldée par un très brutal retour aux réalités et sont seulement entrecoupées d'une poussive remontée en 2007. En sens inverse, le RCS a été relégué en National en 2010 et n'en est pas remonté l'année suivante en dépit d'un total de point historiquement élevé, et sur fond de luttes dantesques en coulisse. Malgré les voyages entre divisions et les quelques bons moments en coupe, le RCS des années 2000 est un second couteau dans le football français, incapable de s'installer ne serait-ce que trois mois parmi dans les dix premiers du championnat mais aussi incontestablement trop gros pour un National qui n'est toujours que le bancal débouché du football amateur, et non une troisième division professionnelle comme elle peut exister dans les quatre autres pays européens majeurs.

Un cycle particulièrement mouvementé devrait donc s'achever demain soir dans une ambiance de liesse. Il serait prudent de savourer l'accomplissement et de se contenter, s'il le faut et pour un temps, de l'anonymat relatif de la Domino's Pizza Ligue 2. Par le passé, les Alsaciens ont trop souvent fait preuve d'impatience en matière de sport de haut niveau, prompts à brûler, parfois littéralement, ce qu'ils avaient adoré peu auparavant. Si le Racing connaît un plateau en deuxième division ce n'est au fond pas très grave au vu du gouffre dont il se sera extrait de façon vaillante. Il sera redevenu ce club professionnel depuis 1933, l'incontestable tête de pont du football régional et aura retrouvé en passant un vrai et formidable public.

Il est sans doute un tout petit peu prématuré pour saluer tous ceux qui ont œuvré à la belle aventure. N'empêche. Il sera difficile demain, en allant au stade, de ne pas penser à ceux qui ont tout fait pour que le club puisse rebondir lors de l'été 2011. Difficile de ne pas se remémorer ce magique enchaînement entre le déplacement à Forbach et la réception de l'ASIM. Difficile d'oublier la folle fin de saison 2013 et l'apothéose à Épinal. Difficile aussi de ne pas savourer le fait que Jacky Duguépéroux, homme pas toujours commode mais vrai serviteur du club, soit en position de glaner le titre dans les trois divisions françaises avec le Racing, à près de 40 ans d'intervalle.

Messieurs les joueurs, pour achever le travail et ne pas ridiculiser l'auteur de ces lignes il ne vous faut qu'un nul. C'est largement dans vos cordes. Faites le pour François, David, Guy, Jean-Marc et les autres. Faites-le un 13 mai, 24 ans après Rennes, ça bouclera une belle boucle pour tous ceux qui sont nés sous Giscard ou au début du premier septennat Mitterrand.

strohteam

Commentaires (11)

Flux RSS 11 messages · Premier message par drustan · Dernier message par meem

  • Belle analyse et très bien retranscrite!
  • Merci Strohteam pour ce bon moment
  • Synthétique, complet, efficace. Tout est dit (+)

    Par contre je n'ai pas bien compris ce que venaient faire Guy David et Jean-Marc Furlan dans le dernier paragraphe. ^^
  • Belle analyse mais il ne faut pas oublier ceux qui sont nés sous De Gaulle
  • Très bon article mais je me permets de souligner un oubli: le Neuchâtel Xamax (honte à toi, oublier la seconde patrie de Schilles!!) qui connaît un destin similaire au Racing après sa faillite en 2012. Le cas est similaire a celui des Glasgow Rangers, avec une remontée plus facile qu'en France, sans faire injure au football helvétique.
  • bravo!! Encore un article au-dessus de ceux que l'on lit dans la presse régionale!! De la belle ouvrage!!
  • royrodgers a écrit, le 12/05/2016 14:48 :
    Très bon article mais je me permets de souligner un oubli: le Neuchâtel Xamax (honte à toi, oublier la seconde patrie de Schilles!!) qui connaît un destin similaire au Racing après sa faillite en 2012. Le cas est similaire a celui des Glasgow Rangers, avec une remontée plus facile qu'en France, sans faire injure au football helvétique.


    Honte à moi en effet, et merci pour la précision. Comment ai-je pu oublier ce club si définitivement lié au Racing :'>
  • Toujours un plaisir de lire des articles de qualité (même si le Racing, qui ne fait jamais ce qu'il faut au moment où il le faut, risque de te contrarier).
  • Excellent article, UN point suffit !
  • strohteam a écrit, le 12/05/2016 17:14 :
    royrodgers a écrit, le 12/05/2016 14:48 :
    Très bon article mais je me permets de souligner un oubli: le Neuchâtel Xamax (honte à toi, oublier la seconde patrie de Schilles!!) qui connaît un destin similaire au Racing après sa faillite en 2012. Le cas est similaire a celui des Glasgow Rangers, avec une remontée plus facile qu'en France, sans faire injure au football helvétique.


    Honte à moi en effet, et merci pour la précision. Comment ai-je pu oublier ce club si définitivement lié au Racing :'>

    Mouarf, tant de similitudes entre ces deux clubs que cela en devient troublant. La malédiction Gress sans doute !
  • Excellent papier, toujours un plaisir à lire.
    (Ce message est sponsorisé par Marcocestleplusbeau)

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