(NDLR : cet article fait partie d'une série d'articles au ton décalé et résolument second degré. A lire avec précaution et humour ! Aucun animal n'a été maltraité pendant le tournage.)

C'était, comme d'habitude, dans le salon Herbert Léonard du Régent Petite France que le Comité de Rédaction s'était réuni. A l'ordre du jour, l'inamovible article forcément hyper poilant à prendre avec recul et décontraction, pour la réception de l'AJA2.

Seul dans l'antichambre, Antontchekov avait les cheveux humides et l'oeil battu, comme toujours quand il pleuvait. Avec une nuance de chien mouillé. Il faut dire qu'il avait programmé par erreur un article satirique pour un match extérieur à Mulhouse, et il risquait d'en entendre parler. L'affaire se présentait mal. Il attendait déjà depuis 1/4 d'heure, sous le regard de ManfredvonRichtofame, un délai synonyme de grain majeur.

Non pas que la conversation de son compagnon lui pesait. ManfredvonRichtofame n'était guère contrariant depuis son empaillement définitif en 2011-12. Il lui restait l'honneur de figurer à l'organigramme, et l'accueil des équipiers, et ce léger strabisme typique des oeuvres de taxidermie amateur.

Les éditeurs de la Stub, qui sont ils, quels sont leurs réseaux ?

La voix sépulcrale de Philistin ramena Antontchekov à ses préoccupations immédiates. Il entra prestement. Le chef trônait à son bureau derrière l'abondant courrier du fan-club de Jean-Marie, dont il avait entouré les fautes d'accord, pour faciliter l'holocauste que préparait son alter-ego de la modération. Un apostolat.

"Et les accords du participe dans le chapeau, ça se fait plus ?" rugit le maître en pointant du doigt la dernière revue de web affichée sur son écran LCD Samsung 46" 1080p en plastique du Liban usiné à la main par de jeunes vierges tamouls du Sri Lanka chaussant plus petit que du 36.

Antontchekov admira furtivement l'admin du compte des big boss, soigneusement composée en police Garamond 12 et avec un skin en ronce de noyer. De nombreux boutons inconnus clignotaient ça et là, entre un énigmatique "corrections à faire articles 2006" et l'inquiétant "décharge électrique - auteur en retard".

Il se garda bien de renchérir pour une histoire d'auxiliaire être. Il ne connaissait que trop bien la véritable raison de la fureur patronale; La Rédaction avait reçu moult propositions d'articles, mais comme à l'ordinaire il n'y avait aucun consensus sur l'angle à privilégier ! Seul strostkism, très animé, tenait son favori.

"Voyons, prenons ce brouillon. Tout ça m'a l'air encourageant, non ? Je lis que le stade de l'Abbé Deschamps a été construit par Vauban, ça témoigne d'un certain effort bibliographique."

"Non, pas le stade, c'est trop labouré ! Je crois qu'on a jamais rien dit du tricotage du bonnet de Guy Roux !"

"Non mais les gars on s'en fout. Ne parlons pas du club adverse. Le mépris, juste ça."

"Mais si, on est obligés, l'enquête consommateurs est très claire. J'ai étudié les 8 dernières années de notation - une analyse des correspondances multiples, les résultats sont limpides : les mecs veulent de la géographie, de l'histoire, de la compo, tout ça. Il faut quand même prendre en compte les mecs qui ont pas le internet et donc pas wikipedia. Tenez, je prends un courrier au hasard ; "Bonjour ce matin les DNA y s'étaient pas dans la boîte aux lettres est-ce que Ledy a marqué et Guy Roux il est né à Colmar je le signale quand même PS : Ginestet est pédégé de Gifi"

"Ils se connectent comment à la Stub ces gens là, c'est pas juste ?! "

"(...)"

La solitude de Rédaction est un humanisme

Antontchekov, qui connaissait son petit monde, commençait à redouter de perdre sa soirée. Aucun article n'évoquait l'entraîneur de l'équipe 2. Ardhcore était occupé à compiler les bulletins de CP des joueurs du Racing II 2003-2004, autant dire qu'on ne pouvait plus trop compter sur un coup de main de ce côté là. Au fond de la pièce, Zoltan, affalé dans un chesterfield verni à la graisse de porc ne ressemblait plus à rien. Son habituelle stature surplombante n'était plus qu'un lointain souvenir. Accablé par le dépit récurrent de la petitesse humaine, visiblement ivre-mort, Zoltan éructa "Vous ne meritiez pas Sitterlé bande de moules ! On passera même pas le premier tour de la Coupe du Roy, ça vous fera la bite".

Philistin allait faire un malheur, surtout qu'il avait l'air contrarié au centre de la table, le front barré de là à là, voir figure 4. Il semblait déjà un peu ailleurs. Même le pigeon voyageur qui venait d'arriver ne semblait pas l'intéresser - on devinait certes sans peine qu'il s'agissait d'une énième tentative d'"inonder le serveur" du fan-club de Jean-Marie, avec les moyens dépassés de cette génération.

D'un coup sec d'ouvre-lettres, Philou ouvrit le pigeon. Il avait beau prétexter que le geste était machinal, Antontchekov gardait de son expérience scout une aversion solide (mais secrète) pour le sacrifice animal, à l'exception du piège à ours en corde à linge. Il n'était pas loin du malaise. De plus en plus venimeux, philistin secouait un torchon gribouillé au bic :

"Non mais regardez, encore une bouse pondue par les abrutis là, Zorky et Dattel, ils vont nous soumettre un machin à chaque fois ou quoi ?"

C'était le moment de fayoter, antontchekov abonda bruyamment dans le sens du chef :

"Et ce titre, attends, mais c'est quoi ce titre ? 'Ho Deer, at the window, you are looking far away down there. A rabbit is coming to you.' C'est pas possible. Il va falloir songer à les bannir les deux abrutis, on va avoir que des emmerdes, y'a même des astuces sur Emile Louis, sans déconner faut que ça cesse.

"Je suis démuni les mecs, lança Philistin dans un souffle. Tel que vous me voyez, je suis démobilisé."


La photographe officielle a saisi la scène. Cliquez pour agrandir le cliché.

Fraction Armée Picon

"Eh les gars, et si on demandait à une gonzesse ?"

A cet instant précis, la porte céda avec fracas. Une bande de types patibulaires cagoulés fit irruption dans la pièce, accrochant ses vestes sur la statue de faune en stuc et s'essuyant les pied sur les tapis cossu en laine vierge du Kurdistan tissé au peigne sculpté dans des fémurs de Yak sacré.

"PERSONNE NE BOUGE, nous sommes le Comité de Libération de Jean-Marie ! On veut un hélicoptère, 7000 francs ou 2087 deutsche marks en petite coupures, deux Toblérone, un Fanta Still et deux pieds à coulisses !"

"Vous êtes teubés les mecs ou quoi ? ON VEUT LA LIBERATION DE JEAN-MARIE ! (c'est pour ça qu'on s'appelle Comité de Libération de Jean-Marie enfin quoi)."

"Ha ouais... LIBEREZ JEAN-MARIE ! NOW !"

Après un instant de stupeur bien compréhensible, Strotskism fut le premier à se ressaisir. Il agrippa brutalement le combiné du téléphone noir et commença à composer le numéro d'urgence sur le cadran rotatif... avant de le reposer lentement. La ligne était coupée. Il n'y avait plus aucun moyen de joindre les équipes d'urgence de la Modération. Panique.

"Cette fois-ci, on est pas dans la merde" s'exclama Antontchekov, qui n'avait pas vraiment de solution, mais qui avait quand même l'impression qu'on attendait qu'il dise ces trucs-là.

philistin était livide. D'une voix blanche il s'entendit articuler lentement :
"Je crois qu'on va être obligés de donner la ligne éditoriale. Strotskism, donne-moi les clés du coffre, ce jour est arrivé. Si seulement... on pouvait occuper le Stub avec n'importe quoi..."

Il le fallait en effet ! Etait-il vraiment trop tard ? A ce moment, une voix mâle retentit :

"Bougez pas les filles, on est en nombre et on a des armes de concours."
Impossible. C'était Eux. Malgré la distorsion du mégaphone, on ne pouvait s'y tromper, c'était le Commissaire Zorky, probablement flanqué de son adjoint Dattel.

"Rendez-vous, vous êtes cernés, le secteur est bouclé et les conduits d'aération grouillent de tireurs d'élite. Déconnez pas, restez calmes, et tout le monde sera sain et sauf. Au moindre geste déplacé, je fais balancer la purée et même vos mères ne pourront plus vous reconnaître. Tout le monde sort bien lentement les mains en évidence sur la tête, merci messieurs."

Le désemparement se lisait dans les yeux des rebelz à travers les petits trous de leurs cagoules en laine qui gratte.

"Les mecs, je suis désemparé."

"Mais ta gueule, c'est pas possible, il veut nous embrouiller. TU BLUFFES ZORKY !"

A ce moment le faux-plafond en polystyrène d'Ukraine s'effondra sur l'assemblée dans un nuage de poussière amiantée donnant à la scène un halo bleuté fantasmagorique très cinégénique, ce qui est un peu dommage vu qu'il n'y avait pas de caméra. Une vingtaine de mastards en noir du GIPN venait de s'ouvrir le passage dans le plafond, et leurs supérieurs, Zorky et Dattel - car c'étaient Eux - pénétraient dans la pièce pour procéder aux arrestations.

L'opération ne dura que quelques minutes, la plupart des preneurs d'otages souffrant de faiblesses pulmonaires, quelques hanches artificielles avaient renoncé à se solidariser du bassin de leur propriétaire, convaincues par le poids du choc, la résistance des rebelz fut comparable à celle des français en 40.

Epilogue

Pendant que le service de nettoyage tentait de sauver le matériel informatique de la Stub, Zorky, Dattel et Philistin s'entretenaient autour d'un verre de single cask furieusement tourbé. Tandis qu'il allumait un 8-9-8, délaissant sa légendaire pipe en écume, Zorky lança dans un nuage méphitique :

" (pouf pouf) Vous savez (pouf pouf), toutes ces histoires de clubs visiteurs, c'est marrant, c'est vrai. La géo, l'histoire, tout ça pompé sur wikipedia ou connaissance du monde, c'est sympatoche. Mais, vous voyez (pouf pouf), ce qui me semble beau, ce qui grandirait la Stub, l'inscrirait encore plus dans la mythologie Racingienne, dont elle fait évidemment déjà partie pleinement, mais qui la fondrait définitivement dans l'ethos Racing, ce serait des articles sur rien, sans attache extérieure, qui se tiendrait vaguement d'eux-même comme la terre sans être soutenue se tient en l'air, des articles qui n'auraient presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut."

"Goddamit, vous avez lu la V2 de la ligne éditoriale ou quoi ? Merde, ça devait rester secret, les gens ne sont pas encore prêts."

" (pouf pouf) Non, je ne l'avais pas lue, mais on ne peut pas ralentir l'histoire, c'est dans l'air, c'est une évidence... "

Zorky se leva, serra la main d'un Philistin désormais apaisé, comme libéré d'un poids titanesque qui voutait jusque là ses épaules de géant. Zorky sortit, rejoint par Dattel qui s'était occupé des premières auditions.

"Les indices sont bien maigres patron, les types sont muets, sourds pour la plupart aussi, leurs sonotones ont salement morflé pendant l'assaut. Une sale affaire". La routine. Le crime allait s'en sortir, comme toujours. Hélas.

"Moui, allez Dattel, faisons confiance aux as du labo, nous avons fait notre part du grand oeuvre du maintien de l'ordre et de la poursuite sans répit des fourbes et des malfaisants. Hmm, dites moi sinon, j'ai rien compris mon p'tit Dattel, l'entraineur d'AJA2 c'est un acien du Racing ou pas finalement ?"

"J'sais pas patron, le mieux c'est d'aller lire l'article d'avant-match sur la Racingstub, c'est hyper bath comme site de le internet."

"Evidemment, fidèle Dattel, mais où avais-je la tête ? Allez, partons, en route vers de nouvelles aventures !"

Co-écrit par Zottel au tuba, JPDarky au trombone à coulisse et Iuliu68 à la cellule de soutien psychologique.